L’espion qui m’aimait (1977) : « Être en Égypte et ne pas jouir de ses trésors serait criminel. »

James Bond

Pour sa troisième fois dans le costume de l’agent 007, Roger Moore trouve enfin l’équilibre parfait entre la nonchalance apparente du personnage, son côté séducteur mais aussi le fait que c’est un homme d’action, ne reculant devant rien pour effectuer sa mission. On peut en cela remercier le scénario, mieux écrit que les précédents, évitant d’en faire trop dans les gags et assumant la continuité avec les précédents Bond puisqu’à la mention de sa femme décédée, l’agent 007 tique et laisse apercevoir une fêlure bienvenue. On peut également remercier la direction d’acteurs de Lewis Gilbert, qui avait déjà opéré sur On ne vit que deux fois et qui s’avère bien plus à l’aise que Guy Hamilton sur le déroulement de la mission.

L’ordre de mission

Un sous-marin anglais et un sous-marin russe, tous deux nucléaires, ont disparu sans laisser de traces. James Bond va alors devoir faire équipe avec son homologue soviétique, l’agent Triple-X Anya Amasova pour retrouver leurs pistes. Leur mission les mènera en Égypte et en Italie, dans le sillon du richissime Karl Stromberg, qui fomente au sein de sa base sous-marine un dangereux plan pour mettre en place une nouvelle ère de l’humanité, rien que ça. Ce que Bond ignore, c’est qu’il a tué l’amant d’Anya en ouverture de film et celle-ci, en l’apprenant, promet de le tuer une fois la mission finie…

Une relation des plus tendues même si, facilités du scénario oblige, Anya ne résiste pas longtemps aux charmes de l’agent 007. Après deux aventures au rythme mou, L’espion qui m’aimait convainc par son ambition narrative, permettant enfin à Roger Moore d’endosser avec aisance le costume de James Bond. Alors que toute la partie en Égypte est esthétiquement très belle (le directeur de la photographie est Claude Renoir, fils de Pierre Renoir et neveu de Jean), la seconde partie, avec ses scènes sous-marines et son décor imaginé par Ken Adam ne manque pas de piquant. Remercions en cela les trouvailles du film : confronter Bond à Requin, l’un des méchants les plus célèbres de la saga et enfin lui offrir une James Bond Girl capable de rivaliser avec lui, loin des nunuches des deux précédents films avec Roger Moore.

A noter l’absence de John Barry à la musique, celui-ci ayant cédé sa place à Marvin Hamlisch pour l’occasion. Hamlisch signe alors l’une des bandes-originales les plus atypiques de la saga, avec un côté disco sacrément daté mais bizarrement loin d’être déplaisante.

L’antagoniste

Karl Stromberg est un millionnaire fasciné par les espèces sous-marines. Rêvant d’une nouvelle ère pour l’Humanité, il souhaite créer un holocauste nucléaire et ainsi offrir à la planète une ère sous-marine tant fantasmée. Il se démarque en cela de Kananga et Scaramanga, tous deux foncièrement attirés par l’argent. Ici, le projet de Stromberg est beaucoup plus mégalo, l’homme voulant au final sauver la planète, sachant l’humain courant à sa perte. Un postulat que l’on retrouve récemment dans plusieurs films mais qui est un peu novateur à l’époque. Si Stromberg, avec sa base sous-marine, ses requins et son plan machiavélique rappelle Blofeld, grand méchant de la saga, c’est parce que c’est initialement lui qui était prévu dans le scénario. Mais Kevin McClory ayant remporté une farouche bataille de droits face à Ian Fleming, Blofeld et le SPECTRE sont hors d’atteinte pour la production, faisant donc de Stromberg un ersatz de Blofeld manquant un brin de saveur. Heureusement c’est Curd Jürgens qui lui prête ses traits avec une sorte de raffinement et de sadisme parfaitement équilibrés. Acteur né en Allemagne ayant adopté la nationalité autrichienne en 1945, Jürgens s’est rapidement fait connaître à l’international dans les années 50 en jouant dans Et Dieu… créa la femme et Michel Strogoff. On le verra chez Nicholas Ray, Robert Siodmak, Richard Brooks et même Claude Chabrol avant qu’il ne décède en 1982.

Plus marquant encore que Stromberg, Requin (Jaws en version originale) est un tueur à gages increvable, mesurant 2,18m et doté d’une mâchoire en acier lui permettant de venir à bout de tout ce qu’il veut, cou de ses ennemis (qu’il croque comme un vampire dans l’obscurité d’un tombeau égyptien) ou bien chaîne métallique. Dans la peau du personnage, Richard Kiel, déjà apparu dans des séries comme La Quatrième Dimension ou Les mystères de l’Ouest, trouve le rôle de sa carrière, devenant rapidement l’un des plus emblématiques antagoniste de Bond, jusqu’à refaire son apparition dans Moonraker. Après avoir continué une carrière cinématographique (on le verra notamment dans le Pale Rider de Clint Eastwood), Kiel mourra d’un infarctus du myocarde en 2014.

A noter aussi en brève antagoniste la présence de Caroline Munro, assistante de Stromberg aussi charmante en maillot de bain que sadique aux commandes d’un hélicoptère. Elle se fera vite atomiser par Bond lors d’une course-poursuite et il n’aura, fait rare pour l’agent 007, même pas eu l’occasion de la mettre dans son lit.

James Bond Girl

Une James Bond Girl qui a du charme et du caractère, voilà qui fait plaisir à voir ! Certes, Barbara Bach a surtout marqué nos premiers émois adolescents dans la séquence finale du film avec son décolleté carrément vertigineux. Mais l’actrice interprète l’une des James Bond Girl les plus marquantes de la série, homologue soviétique de l’agent 007, tenace, ne renonçant devant rien et romantique, décidée à venger la mort de l’homme qu’elle aimait, tué par Bond. Le major Anya Amasova tient ainsi la dragée haute à 007, celui-ci s’autorisant seulement une petite remarque sur sa conduite le temps d’une séquence car, tout de même, il tient à affirmer que c’est lui le plus fort. Dommage pour Barbara Bach, outre quelques autres films (L’ouragan vient de Navarone où apparaît aussi Richard Kiel et plusieurs collaborations avec Sergio Martino), elle ne retrouvera guère de rôles marquants. A noter qu’elle a épousé l’ex-Beatles Ringo Starr en 1981.

Section Q

Le gadget star du film c’est bien évidemment la Lotus Esprit que Q livre à Bond en Sardaigne. Déjà très classe sur la route terrestre, elle se révèle être un engin amphibie redoutable, équipée de missiles, de torpilles et de mines, idéal pour se débarrasser d’ennemis tenaces. On notera aussi en ouverture du film une montre imprimant en direct des messages du MI6 et aussi la classe avec laquelle Bond utilise un jet-ski pour se rendre dans la base de Stromberg à la fin du film.

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