The Crown – Saison 3 : Destinée manifeste

Pour sa troisième saison, The Crown fait peau neuve ! Puisque les temps changent et que cette nouvelle saison couvre les années 1964 à 1976, le casting s’est refait une beauté pour coller aux âges respectifs des personnages. Dès la première scène de cette saison, la transition se fait d’ailleurs avec intelligence et subtilité, la reine devant valider son nouveau portrait officiel. Exit donc Claire Foy, Matt Smith et Vanessa Kirby, place à Olivia Colman (déjà récompensée d’un Oscar pour son rôle d’une reine dans La Favorite et une fois de plus impeccable), Tobias Menzies et Helena Bonham Carter dans les rôles principaux ! En premier lieu, on saluera l’intelligence du casting de la série, qui ne craint ni les évidences (Menzies pour succéder à Matt Smith et Ben Daniels pour succéder à Matthew Goode sont parfaits) ni les grands écarts (quelle idée de faire succéder Bonham Carter à Vanessa Kirby et pourtant on y croit tout de suite) pour mieux installer ses personnages, tous interprétés par des acteurs de talent parmi lesquels on se plaira à retrouver Charles Dance, Derek Jacobi, Géraldine Chaplin ou Clancy Brown.

Dramaturgiquement parlant, ce n’est pas forcément la saison la plus palpitante. Elisabeth II est maintenant une souveraine à l’aise dans son rôle, embrassant la froideur qui lui est demandée sans trop sourciller, si ce n’est le temps de quelques doutes (l’épisode 3 sur la tragédie d’Aberfan a une dernière scène particulièrement émouvante). L’époque a beau être de plus en plus troublée (dévaluation de la livre, grève des mineurs), la monarchie n’est guère plus remise en question. Dès lors pour captiver son spectateur, Peter Morgan (encore une fois présent derrière l’écriture de tous les épisodes de la saison) va chercher du côté des personnages secondaires. Cette troisième saison permettra ainsi à Philip de perdre le côté geignard de la seconde saison en lui offrant un septième épisode rempli de remise en question et Margaret, bien qu’un peu plus relayée au second plan, sera au cœur de deux épisodes, dont le dernier relatant son malheur en amour avec une belle émotion.

La surprise de cette saison vient cependant du prince Charles. Sur le papier, le personnage le plus ennuyeux qui soit mais Peter Morgan vient le transcender, aidé par l’interprétation tout en finesse de Josh O’Connor dans le rôle. Ainsi, la série fait du prince Charles un jeune homme insatisfait, avec des ambitions qui lui sont propres, tissant en cela des liens forts avec son vieil oncle Edouard VIII. The Crown frappe très fort en le peignant comme un homme dont la destinée est en attente, incapable de s’accomplir pleinement tant que sa mère est encore en vie, condamné à passer son existence dans cette ombre gigantesque sans pouvoir s’en détacher. La série, bien qu’ayant une fascination certaine pour la monarchie, se fait alors la virulente critique d’une famille étouffante, tuant dans l’œuf toute velléités d’indépendance et de liberté. Il faut voir Elisabeth affirmer à son fils que le monde entier, elle y compris, se fiche de ses opinions pour comprendre à quel point cette famille royale est une prison dorée, dont personne ne peut se sortir.

Cette constatation effrayante n’empêche cependant pas d’éprouver de l’empathie pour les personnages, tous écrasés par le poids d’un destin plus grand qu’eux et si Charles emporte notre adhésion par sa volonté d’exister à tout prix en tant qu’individu, Elisabeth, bien que trop consciente que son rôle de reine consiste à ne rien laisser paraître et, au bout d’un compte, à annihiler ses émotions, n’en est pas moins touchante. Ainsi, sa relation avec le Premier Ministre Harold Wilson, petit homme ne payant pas de mine au début (superbement interprété par Jason Watkins) finira par être l’un des pivots de cette saison, l’homme parvenant à cerner la reine avec une belle sensibilité. Tout en s’autorisant quelques libertés avec l’Histoire, The Crown dessine ainsi le portrait d’une famille à part, incapable de s’accomplir personnellement (interrogation au cœur de l’épisode 7 sur le prince Philip), devant tous porter le poids de la couronne sur leurs épaules.

En resserrant admirablement la narration sur cette même émotion hantant les personnages, cette troisième saison de The Crown s’approche de la tragédie, faisant de ses personnages des êtres aux destins contrariés devant se plier aux exigences glaciales d’un protocole presque déshumanisant. Ce constat n’empêche pas l’émotion d’irriguer la série, bien au contraire et l’on savoure avec un plaisir insatiable ces dix nouveaux épisodes en attendant une quatrième saison qui promet d’ores et déjà d’être mouvementée avec l’arrivée des personnages de Margaret Thatcher et Lady Diana…

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