Le voyage des damnés : Croisière tragique

En 1939, le paquebot Saint Louis quitte Hambourg pour Cuba avec à son bord 937 passagers de confession juive. La stratégie de l’Allemagne, s’apprêtant à rentrer en guerre, est de montrer au monde que les Juifs peuvent quitter le pays en toute liberté. Mais alors que le navire doit arriver à La Havane, le gouvernement allemand œuvre auprès de Cuba pour empêcher les passagers de débarquer, avançant d’absurdes arguments pour faire entendre leur antisémitisme. Alors que Cuba et même les États-Unis refusent d’accueillir les passagers, ceux-ci menacent de se suicider s’ils doivent retourner en Allemagne comme le paquebot a ordre de le faire. Le commandant de bord décidera alors de simuler un naufrage sur les côtes d’Angleterre pour sauver ses passagers.

De cette incroyable histoire vraie, Hollywood s’en est forcément emparé et c’est donc en 1976 que Stuart Rosenberg (Luke la main froide, Amityville) réalise Le voyage des damnés, disponible en DVD et Blu-ray chez Elephant Films depuis le 29 octobre dernier. Comme la plupart des films à grand sujet de l’époque, Le voyage des damnés réunit un casting de dingue (Faye Dunaway, Oskar Werner, Max von Sydow, Malcolm McDowell, Orson Welles, James Mason) mais sans la garantie d’en faire quoi que ce soit, celui-ci se montrant relativement fonctionnel. Heureusement, contrairement au Pont de Cassandra, lui aussi sorti chez Elephant, Le voyage des damnés parvient à ménager son classicisme un peu plombant avec de belles séquences d’émotions.

Certes, la grandeur du sujet, jamais transcendée par un Stuart Rosenberg très (trop ?) appliqué, a parfois l’air d’un boulet aux pieds du film, incapable de s’en détacher. Le scénario brosse cependant une belle galerie de personnages et parvient à bien retranscrire leur situation, s’autorisant à s’inscrire dans une durée suffisamment conséquente (le film dure 2h37) pour mieux prendre le temps de les connaître. Ainsi, il suffit d’une déchirante scène d’adieu précipitée entre une fille et ses parents ou d’un éclat de voix d’Oskar Werner pour que Le voyage des damnés prenne la dimension émotionnelle qu’il manquait à son académisme. Par cette puissance émotionnelle en sourdine, prête à éclater à tout moment, le film finit par trouver sa vitesse de croisière et s’il reste un brin austère à regarder, il assure jusqu’au bout le divertissement, se reposant sur un scénario suffisamment bien écrit pour ne pas voir la durée du film passer. A défaut d’un grand film, on obtient donc une œuvre mêlant la grande Histoire avec la petite, belle leçon d’humanité qu’il ne fait pas de mal de s’octroyer en ces temps troublés.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*