Édito – Semaine 49

Nous avions prévu de découvrir Les Misérables lors de sa présentation au Festival Américain de Deauville en septembre dernier. Il y recevait pour l’occasion le prix d’Ornano-Valenti, récompense créée en 1991 par les compagnies membres de la MPA, en mémoire de Michel d’Ornano, ancien ministre, ancien député-maire de Deauville et fondateur du Festival du cinéma américain, et de Jack Valenti, président de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences de 1966 à 2004. Pour mémoire, en 2018, c’était le film d’Andrea Bescond et d’Eric Métayer, Les Chatouilles, qui reçut ce prix honorifique.
Mais faute d’un contretemps pour cause d’interview, nous n’avons pu voir le film sur place. Puis de retour à Paris, nous n’avons pas reçu les projections presse. Donc c’est en salles au creux de notre temps libre que nous avons découvert séparément Les Misérables de Ladj Ly.

Ce premier long-métrage fait beaucoup parler de lui, les critiques sont plutôt enthousiastes et le public répondant favorablement, notre séance en plein cœur de journée était plutôt bien remplie. Mais à la sortie, le film est une déception. Techniquement abouti, d’une tension permanente nous plongeant au cœur d’une journée avec un trio de personnages répondant de la BAC au cœur d’une cité de Montfermeil. On erre avec eux, notamment Stéphane (Damien Bonnard) qui arrive de Cherbourg, muté pour se rapprocher de son fils. Mais tout ne va pas se dérouler comme prévu au cœur de cette journée mouvementée.
Ladj Ly fait référence au texte des Misérables de Victor Hugo, le célèbre écrivain ayant écrit le livre installé à l’époque dans la ville. Les Misérables comme le regard d’une banlieue ignorée qui se régit elle-même avec ses propres lois et ses propres convictions. Comme un village d’irréductibles qui survivent aux grès des bonnes volontés des politiques en place.
En gros, la cité arpentée dans le film est une zone de non-droit où le trafic de drogues est roi et la délinquance est le pain quotidien de jeunes errants dans le quartier. Ils sont notamment représentés par le jeune Issa à l’évolution bouleversante. Mais… le jeune Issa, figure de « Gavroche », ne serait pas ce personnage sans l’éducation de parents démissionnaires comme l’on voit son père au commissariat ou la mère calfeutrée derrière sa porte à l’arrivée des policiers. Bref, ce gamin manque d’une bonne baffe et d’une éducation stricte. Ce qui nous ramène aux Misérables de Ladj Ly, mais aussi de Victor Hugo. Comment rapprocher un peuple en colère au cœur du 19e siècle et celui du 21e avec, à sa disposition, tous les éléments pour s’en sortir ?

«  Mes amis, retenez ceci : il n’y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes, il n’y a que de mauvais cultivateurs. »

Que souhaite nous dire Ladj Ly ? Reportez la faute sur les parents et les « grands frères » ou envers l’état, démissionnaire qui selon les pouvoirs en place, n’ont jamais réussi à gérer les banlieues ?
Avec cette dernière image forte du film, en plein cœur d’une révolte sur les barricades d’une tranche de personnages assez hallucinants, nous sommes abasourdis par le film et le ressenti d’un message victimisant. Comme pour rappeler encore et encore l’état des banlieues, la vie en son cœur et le besoin d’aides… Mais a-t-on encore besoin d’un tel film aujourd’hui ? La solution n’est plus là maintenant. La Haine, Ma 6-T va Cracker, La Squale, Raï ou encore Petits Frères de Jacques Doillon nous ont confrontés ou emmenés au cœur de la banlieue. On se réveille encore aujourd’hui sur la justesse du propos, l’exactitude des faits et le besoin de réhabiliter les quartiers. Nous en sommes encore là ? Ne pouvons-nous pas apporter des solutions via le cinéma justement avec tacts et intelligences au lieu de nous victimiser et raconter toujours la même chose ? A-t-on besoin encore aujourd’hui de voir La Haine Bis pour se révolter ? Ladj Ly ne nous apprend rien, pire ressasse pour rappeler les fondamentaux. Mais nous n’y sommes plus, car chacun, après la séance, la projection presse, l’émission de télévision, etc. va bien rentrer chez soi et fermer la porte à double tour. Aujourd’hui et demain, Les Misérables ne changera rien, car Emmanuel Macron, outre un bon film de cinéma découvert dans son fauteuil Louis XVI à l’Élysée, ne changera rien. Il a déjà du mal à faire passer la moindre loi sans soulever un vent de révolte populaire, alors se réveiller sur la question des banlieues ?!

Alors quoi ? Que fait-on avec Les Misérables outre les félicitations hypocrites, les prises de positions vaines et un succès au box-office sans lendemain ? Ladj Ly prévoit une trilogie sur la banlieue, le deuxième film étant possiblement un biopic sur Claude Dilain, maire socialiste de Clichy-sous-Bois. Tout cela reste encore à définir, mais après Montfermeil, place à Clichy, ville endettée avant l’arrivée de Claude Dilain qui remit les choses à plat puis en ordre, non pas sans la moindre difficulté. L’état n’étant en rien pour la réhabilitation de la ville. Encore un film au discours victimaire ? On le craint, même si cela fera remuer un peu les choses de manières médiatiques le temps de quelques émissions et soirées spéciales pour finalement rester caduc et sans lendemain. Nous ne sommes pas près de sauver notre chère banlieue, parole de banlieusard.

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