The Deuce – saison 3 : La fin d’une époque

Clap de fin pour The Deuce avec cette troisième saison, permettant à David Simon et George Pelecanos de clore leur exploration du quartier situé dans la 42ème rue de Manhattan entre Broadway et la 8ème avenue à New York, cette fois-ci en 1985, marquant la fin d’une époque pour ce quartier mal famé selon les policiers et politiciens de la ville, véritable lieu de paradis pour les prostituées, les bars, les saunas, les clubs gays, les salons de ‘’massage’’ et les sex-shop.

En cette année 1985, The Deuce connaît le début de sa fin tel qu’il a existé. Avec un regard lucide sur le quartier mais néanmoins rempli d’amour pour ce véritable nid à marginaux plein d’humanité, les scénaristes nous offrent huit derniers épisodes où la mélancolie et la tristesse viennent voiler le sentiment de pleine gloire et d’effervescence qui parcourait la saison 2. En effet, en ce début des années 80, le marché de la vidéo explose, condamnant les films pornos à ne plus sortir en salles. De même, comprenant qu’elles gagnent plus à être indépendantes, les prostituées désertent les salons de massage tandis que le SIDA commence à faire ses premières victimes. Et dans le cadre d’une politique d’assainissement du quartier, les gros pontes de la ville font en sorte de chasser tous les marginaux la composant. Tant d’éléments qui font que la ville change et que le quartier ne sera plus jamais le même.

C’est cette transformation progressive que raconte cette troisième saison, véritable chant du cygne d’une époque où il ne fait plus bon vivre, du moins pas comme avant. Forcée de s’adapter au marché, Eileen peine de plus en plus à réunir des fonds pour ses films tandis que Lori espère une reconversion vers une carrière d’actrice dans des films classiques, lassée de subir les mêmes propositions des producteurs. Frankie, de son côté, se met en danger en revendant de la drogue et Vincent craint de voir Abby le quitter définitivement. Paul, quant à lui, voit son compagnon atteint du SIDA et doit se préparer à un deuil douloureux. Le temps de la fête est passé dans cette saison et il faudra se préparer à faire des adieux déchirants à certains personnages phares de la série qui ne se remettront pas de cette terrible année 1985.

Toujours construite sur un rythme soutenu, enchaînant les ellipses d’une séquence à l’autre, nous transportant avec fluidité d’un personnage à l’autre, The Deuce fait montre d’un sens de la narration déjà éprouvé dans les précédentes séries de Simon et confirme le talent particulier du scénariste pour raconter une ville à travers un point de vue unique, concentrant tout ce qui fait son sel en quelques épisodes. Non seulement David Simon n’a pas son pareil pour raconter une ville et son époque mais en plus il le fait toujours de manière limpide, en créant des personnages mémorables auxquels on s’attache immédiatement. Et même si The Deuce est assez courte avec ses trois saisons (chose prévue depuis le début, permettant à la série de savoir depuis le début où elle se dirigeait), impossible après l’avoir vue, de ne pas avoir l’impression d’avoir côtoyé ses personnages depuis des années, figures familières auquel on voue énormément d’amour. De fait, cette saison en forme d’adieu n’en sera que plus déchirante mais montre bien la pertinence de la série à aller à l’essentiel en profondeur en l’espace de quelques scènes.

Évidemment, les grandes gagnantes de la série sont une fois de plus les femmes. Si l’on a beaucoup d’affection pour le personnage de James Franco et de tendresse pour celui de Chris Coy, Maggie Gyllenhaal vole une fois de plus notre cœur avec son interprétation tout en finesse de Eileen, pornographe féministe au parcours difficile mais sortant toujours la tête haute de toutes les situations, avec une dignité intacte et admirable. Nul doute que l’on tient là le plus beau personnage féminin de série américaine de ces dernières années, complexe et jamais dans les sentiers battus. Saluons aussi la prestation d’Emily Meade dans le rôle de Lori dont la fin de carrière peu reluisante émeut et bouleverse.

Beaucoup d’émotions donc dans cette saison finale, radiographie lucide d’une époque, regard nostalgique placé sur le New York de ces années-là avant sa gentrification. Une New York plus dangereuse certes mais plus vivante, plus excitante que David Simon et George Pelecanos semblent regretter amèrement comme le montre la dernière séquence de la série, ultime balade remplie de fantômes dans un Times Square profondément transformé, perdu à jamais dans les limbes des souvenirs de ceux qui l’ont connu. Cette émotion vibrante et palpable confère à The Deuce les plus beaux atours pour ses adieux et vient nous faire regretter cette période que l’on ne connaîtra jamais et qui aujourd’hui, semble révolue à jamais. Il nous restera donc les 25 épisodes de la série à revisionner pour se plonger encore et encore dans le Deuce des années 70 et 80, avec beaucoup d’amour évidemment.

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