Place des Victoires : Place Défaites

Dans l’attente de la lumière, il y a déjà la lumière… Yoann Guillouzouic résume son premier long-métrage par cette allégorie comme une abstraction à une dure réalité dont il essaye de sortir la fine particule de poésie.
Place des Victoires est l’histoire d’une rencontre improbable et salvatrice entre Bruno, quadragénaire marginalisé par des déboires professionnels et familiaux, et Gagic, petit garçon de la rue, espiègle et chapardeur. Le résumé du film va dans le sens de cette poésie infime nous transportant au cœur de Paris. Un Paris quotidien dont le réalisateur s’applique à filmer les lieux de transition. Gare RER, station de métro, paliers d’escalier, porches d’immeubles ou les trottoirs. Bruno est en marche constante. Il erre en essayant vainement de trouver un but, une porte de sortie à ses galères. Il est en mesure d’éloignement suite à des déboires avec sa femme et cherche désespérément à regagner un lien avec sa famille. Alors il tombe sur Gagic qui, tout d’abord, lui vole son téléphone. 

Leur rencontre se déroule à la Place des Victoires où la statue imposante de Louis XIV prône fièrement. On veut bien y croire à cette rencontre et cette amitié, comme une douce réminiscence de My Fair Lady. Mais le long-métrage, lorgnant entre drame et comédie, subjugue par des péripéties mal venues. Que cherche à louer comme valeurs ce jeune réalisateur avec les exactions de Gagic soutenues par Bruno ? Gagic est solaire, malicieux, espiègle et chapardeur… De gentils attributs pour mieux vendre le pitch d’un film vantant l’agression de grands-mères dans la rue, comme un chat poursuivant une souris, ou des cambriolages d’appartements parisiens à la volée pour soutenir un homme alcoolique ayant battu sa femme. Des vols qui soutiennent la réhabilitation de Bruno retrouvant un peu de crédit auprès de sa femme après avoir déposé des peluches à ses enfants énormes pillés ailleurs dans les riches appartements. 

On souhaite croire naïvement être au cœur d’un récit à la Charles Dickens pour mieux saisir la réflexion de martyrs d’une société vampirique et oppressante. Mais Place des Victoires est plutôt une défaite dans la transmission des valeurs prônées par un film facile et assez creux. Gagic fait forcément office d’arrache-coeur avec sa belle bouille sale de rom, son œil malicieux, son assurance et sa répartie. Mais le discours est loin d’être sain, surtout par Bruno, en dépit de lui apprendre un brin de lecture, le gronde à peine suite à des vols à la tire pour mieux manger le soir ou aller voir Spider-Man au cinéma. 

On ne comprend pas trop le message du film. Quelles en sont les valeurs, le sens et l’interprétation des actions d’un gamin de 11 ans qui accompagne un adulte martyr de sa condition qui le soutient dans des faits répréhensibles. Le conte de fées est loin même si tout fini bien. Place des Victoires est surtout la traverse d’un film à côté de ses pompes. Un premier long-métrage totalement irresponsable et candide envers une situation grave et insoutenable de Parisiens qui subissent au quotidien ce qui fait ici sourire au creux de ce qui semble être une incompréhension méprisable.

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