Furie : Reconquête de sa virilité

De Olivier Abbou, nous avions gardé le souvenir de son terrible « Territoires », sorti en catimini en 2011, qui avait provoqué son petit effet chez ses rares spectateurs de l’époque, en s’attaquant de front à une histoire de séquestration évoquant Guantanamo. Si le film avait du mal à tenir la distance et se terminait dans une certaine frustration, il laissait présager de très belles choses pour son auteur, ne serait-ce que pour sa fabuleuse scène d’ouverture, un très long dérapage avec des douaniers passant de tatillons à bourreaux en quelques minutes particulièrement anxiogènes. Nous étions ravis à la perspective de le retrouver enfin, 8 ans après, avec son nouveau long métrage, et il faut dire que la scène d’ouverture aura une fois de plus fait son effet. En un plan séquence restant cloîtré à l’intérieur d’une voiture, nous rentrons immédiatement dans le vif du sujet.

En rentrant de vacances, un couple avec enfant ne parvient plus à rentrer chez eux, la grille étant bloquée. Avant de partir, ils avaient laissé la nourrice de leur fils en situation irrégulière avec son compagnon, dans leur maison, et ces derniers ont pris possession des lieux, faisant changer les serrures et refusant de discuter. Face à l’enfer administratif kafkaïen, la frustration va monter, amenant le mari à faire la rencontre d’un ancien camarade de sa femme, un homme dangereux qui va jouer sur son orgueil blessé pour lui mettre en tête des idées de vengeance. Ce qui va faire lentement déraper la situation, de manière imprévisible …

Bien entendu, il est préférable de s’arrêter là car s’il y a au moins une qualité que l’on ne pourra pas retirer au film, c’est bien de se montrer plutôt surprenant dans son évolution, n’allant pas forcément là où l’on pouvait imaginer. Éprouvant notre frustration au même titre que celle de son protagoniste principal, le but est clairement de nous faire perdre pied et de titiller nos instincts les plus sauvages, pour au final nous prendre à revers. Une bonne idée, d’autant plus que le point de départ n’avait à notre connaissance jamais fait l’objet d’un film de cinéma, en tout cas pas dans le genre qui nous intéresse ici. Malheureusement, comme les bonnes intentions ne font pas nécessairement les grands films, il va bien falloir se rendre très rapidement à l’évidence, le résultat ne comblera pas nos attentes et s’avèrera un ratage plutôt embarrassant.

Que l’on se comprenne bien, nous ne tirons aucun plaisir à dire du mal d’une énième tentative de genre en France, surtout lorsqu’on sent comme ici tout le potentiel du metteur en scène. Car on ne retirera pas à Olivier Abbou son sens technique redoutable, occasionnant des moments de pur stress, notamment sur son climax. Là où tant de films du genre se sont effondrés pour cause d’indigence technique insurmontable (entre autres choses), Abbou fait quant à lui preuve d’une véritable aisance pour créer son ambiance, et le plus compliqué semblait gagné. Pourtant, très rapidement, on se rend compte médusés que passé ce prologue intense, rien ne semblera fonctionner. Entre des dialogues soit sur-écrits, soit d’une naïveté embarrassante, une direction d’acteurs plutôt hasardeuse (et pourtant, Adama Niane, ancien Guy Georges dans L’affaire SK1, y croit et s’en sort pas si mal vu les dialogues pas possibles qu’il a en bouche), et des situations de plus en plus improbables, l’enfer du cinéma de genre français refait surface, avec tous ses soucis d’écriture habituels. Il est triste de voir se crasher en vol un film si prometteur, dont le sujet même semblait original, ce qui aujourd’hui est déjà beaucoup. Mais à s’embourber dans des scènes de crise de couple semblant appartenir à un autre film, et en tombant à certains moments dans le nanar, notamment dans la peinture qu’il fait des antagonistes du film, caricatures des jeunes désœuvrés des petites villes, il passe à côté de son film.

A chaque instant, on comptabilise les dialogues, situations qui ne fonctionnent pas et qui auraient dû être tournés autrement, ce qui peut évidemment paraître prétentieux de notre part qui n’avons aucune idée de comment faire un film. Et une fois de plus, on ne sort pas grandis de casser une proposition qui, quoi qu’il en soit, reste méritoire, de par le peu de représentants dans le genre. Mais comme une promesse ne fait pas un film, il semble tout de même difficile de ne pas tiquer devant les aberrations conceptuelles à l’œuvre ici, dont le personnage campé par Paul Hamy semble le plus affecté. Ce qui nous amène au fameux climax, certes très bien filmé, ne manquant pas de plans qui claquent, baignant dans une photographie stylisée, mais dont on arrive plus, au bout d’un certain nombre d’idées que l’on dira « déstabilisantes », à déterminer s’il fait dans le premier ou second degré. S’il semble évident dans un premier temps que le film, par son sujet sociétal, est très sérieux, on finit tout de même par douter lorsque, sans spoiler quoi que ce soit, on finit par se croire dans un Vendredi 13 plus que dans le home invasion sadique promis. Entre les idées malsaines pas loin d’être vomitives sur le papier, un peu moins à l’écran (dont un meurtre emprunté à Dream Home, slasher HK de Category III, bien gratiné), et le boogeyman increvable de la fin, il semblerait que plusieurs univers cohabitent ici, malheureusement pas dans la plus grande fluidité, le délire final finissant par enlever de l’impact de certaines séquences l’ayant précédé, qui, prises hors contexte, pourraient sembler de grandes scènes horrifiques.

En bref, si les intentions sont bonnes et que le metteur en scène à la barre semble avoir les épaules larges techniquement, c’est une fois de plus par l’écriture que le bât blesse, ce qui, à notre grand désarroi dans le cas présent, fout en l’air les solides fondations de la bâtisse. On espère de tout cœur que Olivier Abbou continuera néanmoins dans sa voie, en se faisant peut-être aider au scénario, car il n’y a rien de plus frustrant que de constater qu’une œuvre qui avait tout pour elle, et que l’on aurait voulu défendre envers et contre tous, ne tient pas ses promesses et se dégonfle progressivement comme une vilaine baudruche. Allez, on va continuer à y croire…

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