L’Angle Mort : L’invisibilité de nos Vies.

C’est l’idée d’Emmanuel Carrère soufflée à l’oreille de Pierre Trividic d’un homme qui parfois disparaît puis n’arrive plus à devenir invisible. Invisible de quoi ? De qui ? Tout commence au cœur d’une jolie introduction donnant cette impression d’être au cœur de New York au milieu des années 70. L’ambiance est jazzy/groovy quand une femme apparaît dans le tumulte d’une arrière-salle de cabaret avec son bébé dans un couffin. Il y a du passage et de l’excitation pour une soirée faisant salle comble. La mère est danseuse laissant le bébé dans la loge le temps de travailler. Mais le bébé disparaît après avoir déclaré une forte fièvre.

Ce bébé était Dominic, homme ayant le don de disparaître, de se rendre invisible des autres. On ne saura jamais comment cela est possible pour lui et les autres. Car ils sont beaucoup à avoir ce don selon les indices laissés par les deux réalisateurs, Pierre Trividic et Patrick Mario Bernard. Dominic a surtout le don de se mettre invisible envers la société. Il travaille dans le sous-sol d’un vendeur d’objets de musique où il expédie les colis. Dominic est à part, en permanence en retard au boulot ou à ses rendez-vous avec sa copine incarnée par la discrète Isabelle Carré. Il est en retard sur ses rapports avec sa famille, sa mère qu’il voit peu et en froid avec sa sœur incarnée par l’insupportable Claudia Tagbo. Dominic est dans un angle mort sociologique, presque pathologique. Il est vivant, mais dissimulé au cœur de cette banlieue qui abrite et cache une classe sociale moyenne/pauvre dont tout le monde se fiche. Le don de Dominic est le reflet de la société actuelle ne percevant pas les petites gens grouillant partout tentant de survivre. Tout le monde est invisible, personne ne prête attention à personne, même à nos familles qu’on laisse mourir au fond d’une chambre ou qu’on évite par peur d’amour. 

L’invisibilité n’est pas un élément fantastique pour Trividic & Bernard qui s’en servent jamais comme tel, mais l’exposition d’une société qui s’efface pour mieux survivre. Reste alors quelques éléments qui ne se justifient jamais comme les agressions dans le métro ou les histoires d’amour pas assez centrales pour servir au mieux le film. Isabelle Carré ne trouve jamais sa place à l’image de son histoire avec Dominic, tout comme Golshifteh Farahani qui arrive à tâtons, lueur d’espoir pour les deux réalisateurs. Mais son personnage, rayon de soleil à chaque apparition, ferme la porte laissant Dominic dans le noir. Il redevient alors invisible se confrontant à l’idée d’avoir tout gâché. À lui donc d’apparaître se mettant en première ligne pour assumer sa condition de solitude, mais surtout d’adulte responsable qui ne doit rien attendre des autres, mais ne compter que sur lui-même pour avancer dans la vie. 

Dominic doit sortir de l’angle mort pour exister et s’épanouir. Pas sûr que le final nous convainc tout autant que le film maladroit qui se perd dans ses idées jamais maîtrisées et ses intentions multiples trop ambitieuses pour les épaules du long-métrage. L’Angle Mort reste tout de même une curieuse proposition au style urbain appréciable, mais débordant de pistes et enchaînant les perspectives pour finalement se perdre dans un rien qui laisse l’essai dans un angle mort.

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