Gemini Man : Tout dehors et rien dedans…

De cinéaste sensible capable de sonder avec justesses les sentiments humains (Garçon d’honneur, The Ice Storm, Le secret de Brokeback Mountain), Ang Lee est devenu au fil des ans un réalisateur féru de technologie, avide de faire partager au spectateur des expériences nouvelles. De fait, après l’échec (injuste) de Un jour dans la vie de Billy Lynn, qu’il tournait en HFR 3D à 120 images par seconde (soit 5 fois plus que la normale), le cinéaste a décidé de garder la même exigence technique mais de la placer au sein d’un blockbuster plus à même de rencontrer son public, ressortant un scénario datant des années 90 des tiroirs de Jerry Bruckheimer.

Gemini Man végétait en effet depuis longtemps, le postulat du scénario voyant un tueur à gages voulant partir à la retraite poursuivi par un clone plus jeune que lui étant trop ambitieux pour les moyens de l’époque. Maintenant que la technologie peut quasiment tout permettre, Ang Lee va donc confronter Will Smith et Will Smith (à trente années d’écart) pour un film qui souhaiterait faire un bond en avant dans la mise en pratique du HFR à 120 images par seconde.

Manque de bol, pour mieux promouvoir cette technique, Ang Lee a misé sur le mauvais cheval et on sent le cinéaste beaucoup moins impliqué sur ce film qu’il ne l’était sur Billy Lynn. En effet, ici il ne semble guère s’être penché sur les tares d’un scénario qui n’a visiblement pas été retravaillé depuis les années 90 (voir de tels personnages et de telles répliques en 2019, vraiment ce n’est plus possible) et n’a pas l’air d’avoir travaillé étroitement avec les acteurs dont il tire le minimum, même Will Smith semblant éteint la moitié du film tandis que Clive Owen joue les méchants de seconde zone avec une paresse confinant à l’exploit.

On ne niera cependant pas la belle prouesse technique qu’est Gemini Man. En France, il peut se découvrir en 3D+  (c’est-à-dire en 3D à 60 images par secondes) et c’est clairement le seul intérêt du film. Le HFR vient en effet rendre tout ce qui se trouve dans le plan d’une netteté impeccable, se montrant si réaliste (on pourrait presque toucher les textures) que cela nous fait basculer dans une autre réalité, très troublante, plus nette que notre propre perception. Alors qu’on se prend à admirer la texture du bureau dans le cadre ou la qualité absolue des gros plans, on doit bien concéder au procédé qu’il a quelque chose de fort intéressant dans son potentiel filmique mais jusqu’à présent il n’a jamais pu faire complètement ses preuves, le fond ne suivant jamais la forme. Il faudra donc se contenter de cette incroyable qualité d’image et de l’étrange sensation que l’on a à voir deux Will Smith (dont un rajeuni particulièrement troublant) partageant le même plan pour tirer un minimum d’émotion de ce Gemini Man, sorte de coquille vide, impressionnante à l’extérieur (les scènes d’action sont assez bluffantes et bénéficient d’un rythme étonnant) mais bien creuse à l’intérieur, incapable de raconter quoi que ce soit de nouveau, alignant les poncifs avec une flemme impardonnable. La perfection de la HFR c’est peut-être dans un futur proche mais ce n’est décidément pas pour demain.

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