La Poursuite Implacable : Comme une odeur de Plomb

Sergio Sollima est un réalisateur réputé par les cinéphiles aguerris. Auteur de trois fameux westerns puis deux polars secs, dont l’un avec Charles Bronson (La Cité de la Violence), Sergio Sollima n’a jamais agi comme un mercenaire au cœur de l’industrie forte du cinéma italien de l’époque.
Après quelques commandes pour se faire la main avec l’Agent 3S3 au début des années 60, il se démarque rapidement en réalisant Colorado avec Lee Van Cleef. Il enchaînera ensuite avec Le Dernier Face-à-Face (1967) et Saludos Hombre (1968) tous les trois avec Tomas Milian, son acteur fétiche.
Après les triomphes des trois westerns, il tourne la page pour se consacrer au néo-polar italien qui commence à se répandre à l’époque. Le western se tasse en faveur du giallo et des polars. L’époque des années 70 est propice à l’auscultation de la société italienne en pleines années de Plombs. Le pays vient de subir une tentative de coup d’État et la violence est partout dans les rues. Les Brigades Rouges font régner un sentiment de terreur entre les attentats et les tentatives d’enlèvements. La tension se reflète donc dans le cinéma de l’époque, des polars urbains violents et nihilistes, personne ne sachant comment tout cela se finira.

La Poursuite Implacable se nourrit de tout cela. Disponible depuis le 27 mars 2019 en édition prestige Digibook Blu-ray + DVD grâce à M6 Vidéo – qui nous offre une belle occasion de revenir sur un fleuron du genre – le film de Sollima débute comme un polar lambda. L’enlèvement de la femme du sous-directeur d’une prison l’obligeant à sortir un prisonnier. Une petite frappe incarnée par Fabio Testi, belle gueule de l’époque que l’on retrouvera dans Les 4 de l’Apocalypse de Lucio Fulci. On ressent alors les prémices du Buddy-Movie avant que le film dérive vers des questions politiques critiquables ne permettant aucune échappatoire à nos deux anti-héros. Dans La Poursuite Implacable, aucune merci ne sera délivrée aux personnages. Ils font face à une affaire d’État renvoyant à L’Affaire Mattéï, dont Mauro Bolognini avait déjà tiré un film quelques années plus tôt (Chronique d’un Homicide – 1972). L’Affaire Mattéï renvoie à la mort d’un industriel pétrolier dans le crash de son avion. À première vue accidentel, des soupçons seront levés sur un assassinat par la CIA ou les agents secrets français, l’homme ne souhaitant pas participer aux manigances des pays remettant en cause leurs monopoles pour l’approvisionnement en pétrole de l’Italie (Mattei avait inventé la formule « les  Sept Sœurs » pour qualifier les plus grandes compagnies pétrolières de son époque), ou le SDECE, parce que Mattei était soupçonné de financer le FLN pendant la guerre d’Algérie, en échange de concessions pour l’ENI (Société Nationale des Hydrocarbures).

Apparition de Bernard Giraudeau en victime collatérale dans le film.

Cette trame est reprise ici, les deux personnages s’enfonçant dans les rouages complexes de la politique agressive et froide de l’époque. Une politique qui ressemble beaucoup plus à un système mafieux ne pouvant laisser aucune fin heureuse possible. Si les péripéties sont assez simples, outre un petit tour improbable par les montagnes enneigées séparant l’Italie et la France, le film se mue dans une histoire complexe à différents niveaux. Notamment la position des personnages qui apparaissent aux grès des révélations et de la plongée du sous-directeur incarné avec force par Oliver Reed. Ce dernier est tiré au cœur d’une machination violente sans échappatoire pour sauver sa femme des griffes d’un système oppressant. Ce point est notamment caractérisé par des décors réalistes, soit la ville de Milan cadenassée suite à des attentats puis Paris et sa périphérie, capitale étriquée où Cipriani (O.Reed) ne trouvera aucuns soutiens.

Sergio Sollima commence La Poursuite Implacable par l’enterrement d’un homme pour conclure sur le désenchantement d’un autre, celui d’un homme droit faisant régner l’ordre. Cipriani était un flic devenu un sous-directeur de prison vivant dans une certaine bourgeoisie. Ce dernier comprend dans le dernier tiers que l’ordre est établi par le plus fort, celui qui a le revolver dans la main, la violence répondant comme un système de maintien d’une classe oisive souhaitant le rester. Un renvoi direct au titre original du film, « Revolver » plus en adéquation avec les propos d’un long-métrage fort et prenant démontrant toute la capacité de Sollima à répondre aux codes d’un genre demandé à l’époque pour mieux dénoncer la catastrophe d’un monde encore actif aujourd’hui. Le tout est souligné par une musique entraînante et entêtante d’Ennio Morricone, soutenu par Bruno Niccolaï, dont Quentin Tarantino reprendra l’instrumental pour les besoins de Inglourious Basterds.

La Poursuite Implacable (Revolver) est un polar capital du cinéma italien des années 1970. Sergio Sollima réalise un film dépressif renversant le spectateur au cœur d’une machination féroce sans la moindre volte-face possible. Un sens unique violent procurant ce sentiment curieux que ce même système est toujours en place nous laissant aucun répit et aucune tolérance pour la moindre once de liberté.

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