Ça, Chapitre 2 : La revanche du club des ratés

Deux ans après la sortie du premier chapitre, Andy (Andrés pour les puristes) Muschietti vient conclure son adaptation d’un des romans les plus connus de Stephen King. Une seconde partie attendue de pied ferme par moult spectateurs qui avaient été plus que conquis par un premier chapitre efficace. Le premier film se permettait des envolées violentes qui étaient sans concession avec ses jeunes acteurs. Un film surprenant, aussi poétique que terrifiant. Le genre de projet que semble affectionner Muschietti à l’image de Mama, son premier long métrage. On y retrouvait l’amour du baroque mêlé à la modernité d’un projet ancré dans notre époque. Le charme de la fin des années 80 avait fonctionné, Ça : Chapitre 1 était une vraie réussite. En dépit de l’incapacité de Muschietti à savoir faire peur puisqu’il désamorçait ses effets horrifiques à chaque séquence, le premier film renfermait tout de même des scènes à la tension particulièrement réussie (le meurtre de Georgie, la scène des diapositives, l’attaque du lépreux…). Et puis il y avait la superbe interprétation de Bill Skarsgard qui campait un Pennywise extrêmement effrayant. Autant d’atouts qui nous faisaient nous languir d’impatience à l’idée de découvrir sa suite. Deux ans, c’est plus qu’il n’en faut afin de fantasmer et d’idéaliser une suite. Warner a mis le paquet sur le teasing du film. Quand on voyait le niveau de cruauté rarement atteint envers des enfants dans un film de cette envergure, on avait hâte de voir jusqu’où elle aurait été poussée avec des acteurs adultes (plus enclins à vivre des scènes horrifiques jusqu’à leur paroxysme). Pari réussi ? Oui et non ! On vous explique tout ci-dessous.

27 ans se sont écoulés depuis que Bill et ses amis ont battu la maléfique créature. La bande s’est perdue de vue. Seul Mike est resté à Derry afin de s’assurer que Ça ne reviendrait pas. Lorsque de mystérieuses disparitions surviennent, Mike n’a plus de doutes : Ça est revenu. Il décide de réunir ses amis afin d’en découdre une bonne fois pour toute et faire cesser tous ces meurtres barbares.

Ça : Chapitre 2 reprend toutes les qualités qui nous ont fait aimer le premier film. Muschietti persiste et signe un projet qui lui tient à cœur. Pour ce qui est de la fidélité au roman d’origine, on y est et ce, dès l’ouverture du film. En effet, ce second chapitre s’ouvre sur ce qui débutait le livre de Stephen King : un meurtre particulièrement violent, un crime homophobe qui avait choqué l’auteur à l’époque au point qu’il s’en était inspiré pour annoncer la couleur de son roman. Cette tragédie nous plonge avec horreur dans le film. Le spectateur n’est pas ménagé, à l’instar de l’ouverture du premier chapitre. Muschietti surprend par une violence graphique extrême, rien n’est suggéré, le couple gay est passé à tabac et on ne peut absolument pas détourner le regard ni le rattacher ailleurs dans l’image : tout est filmé en gros plan nous amenant à penser que ce film risque d’être dur à encaisser. Qu’à cela ne tienne, après tout le roman était précis dans la description des horreurs qui s’y passent, pourquoi pas ici ? Une ouverture qui glace le sang qui sera bien loin du reste du film. Muschietti retombe dans ses travers et offre peu de séquences aussi violentes et brutes que son introduction. Pire, les moments de tensions (en plus d’être désamorcées comme d’habitude) deviennent risibles. Muschietti retrouve ce que nous appelons « le syndrome Mama », c’est à dire qu’il pose une ambiance envoûtante et extrêmement bien travaillée, mais qui devient ridicule lorsqu’elle bascule dans l’horreur.

La faute à quoi ? Ses effets visuels cheap et ringards. Pour autant, ils étaient minimes dans le premier chapitre (la peinture animée et difforme sortie de chez SOS Fantômes, amusante, mais loin de nous terrifier) et étaient contrebalancés par les apparitions terrifiantes de Pennywise. Ici, nous aurons droit à une pléiade de monstres aux effets visuels déjà datés, qui amuseront probablement les plus jeunes, mais qui nous sortirons du film à plusieurs reprise. Non pas que des effets burlesques ne soient pas notre tasse de thé, mais le film parvient difficilement à allier son horreur frontale et brutale avec son horreur « enfantine ». Il y a beaucoup trop de ruptures de ton qui provoquent une hilarité plus qu’un véritable effet de peur. Et c’est bien dommage puisqu’il y avait de superbes choses à proposer avec cette suite. Toute la partie « adulte » du roman de King joue avec les peurs. Il y a la peur chez les adultes qui se remémorent la terreur qu’ils ont vécus étant enfants. La peur de la créature qui ne veut pas avoir affaire aux seuls personnes qui lui ont provoqué le sentiment de peur. La peur de ne plus réussir à croire au réel… Bref, King traitait de la peur sous toutes ses formes, ce qui rendait la lecture fascinante et personnelle puisque chacun y a un rapport différent. Muschietti reste en surface ici et privilégie un humour pas toujours adroit. Il éclipse totalement la peur que ressent la créature (Pennywise semble absent, en dépit de ses nombreuses apparitions) pour se focaliser sur la recherche de souvenirs et la nécessité de retrouver les liens perdus entre les amis. Un choix qu’on ne blâme pas, le film se regarde tout de même avec plaisir, mais qui laisse un petit arrière goût d’inachevé. Il manque un peu de panache à Ça : Chapitre 2 pour totalement nous convaincre.

L’irrégularité des actions du film se traduit par un casting en demi-teinte. James McAvoy, Bill Hader, James Ransone et Isaiah Mustafa tirent leur épingle du jeu. Ils sont le moteur du groupe. Chacun reproduit l’essence de leurs homologues enfants, on croirait avoir affaire aux mêmes individus que nous avions quitté à la fin du premier film. En revanche, le traitement réservé à Jessica Chastain et Jay Ryan ne convainc absolument pas. La première est à des années de la jeune fille rebelle et guerrière qu’elle était autrefois. Seul personnage féminin de la bande, elle était, à l’origine, décrite par King comme un moteur primordial du groupe. C’est Beverly qui est censée souder le groupe et leur donner la force de plonger dans les ténèbres pour affronter Pennywise. Ici, le jeu de Jessica Chastain est linéaire et manque terriblement de saveur. L’actrice semble perdue, elle ne rend pas du tout justice à son personnage. Un personnage qui, en cette époque du #MeToo, aurait pu atteindre des sommets, mais qui ne restera qu’en surface à la recherche du seul amour véritable qu’elle aurait pu avoir. Et Jay Ryan aurait pu nous offrir un Ben bien plus saisissant s’il ne manquait pas cruellement à l’appel. Il n’y a aucune séquence qui reste en tête avec ce personnage. Il faut dire que la gouaille de Bill Hader et le charisme de James Ransone volent la vedette au reste du groupe. Eddie et Richie sont vraiment les deux personnages à qui l’on offre les répliques les plus drôles et les plus cinglantes. La séquence où ils doivent choisir à nouveau entre trois portes à ouvrir est une pure scène burlesque, on rit de bon cœur à défaut de frissonner réellement. Le parti pris humoristique de Ça : Chapitre 2 rend les quelques séquences effrayantes presque anecdotiques, pour ne pas dire superflues (un comble pour un film d’horreur). Non pas qu’elles soient inintéressantes, au contraire, la tension qui se dégage de la poursuite dans la galerie des glaces ou celle où Pennywise parle à une petite fille sous les gradins d’un stade reflète un vrai talent de mise en scène. Seulement, à la vue de la durée du projet, ces séquences semblent trop peu présentes. Encore une fois, Ça : Chapitre 2 n’est pas un mauvais film, il n’est juste pas le film qu’on aurait aimé avoir.

Andy Muschietti aura eu le mérite d’apporter une adaptation assez fidèle au roman d’origine et signe un deuxième film qui n’est pas dénué de qualités, mais qui n’atteint pas l’aura de son premier chapitre. On le sent amoureux de l’univers, et du cinéma en général. En témoignent les clins d’yeux aux Goonies ou encore Génération Perdue, ainsi que les caméos surprenants de Xavier Dolan, Peter Bogdanovich, Brandon Crane (qui jouait Ben enfant dans la version de Tommy Lee Wallace en 1990), Andy Muschietti lui-même ainsi que Stephen King qui se fait un malin plaisir de tacler les lecteurs qui lui ont toujours reproché ses mauvaises conclusions. Ça : Chapitre 2 reste, néanmoins, dans le haut du panier des films de genre sortis cette année (n’en déplaise aux fans des productions Blumhouse aseptisées comme jamais). Et même si la peur n’est pas vraiment au rendez-vous, l’histoire est suffisamment prenante et la mise en scène riche pour nous faire passer un moment sympathique.

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