Rambo : Survival et Trauma

En 1982, Sylvester Stallone est la nouvelle star montante du cinéma américain. Fort d’un personnage qui lui collera à la peau tout le long de sa carrière (Rocky Balboa, pour ne pas le citer), il peine à trouver d’autres rôles forts qui pourraient définitivement le faire rentrer au panthéon des stars interplanétaires (en dépit d’un troisième opus de Rocky qui confirme son aura de nouvelle star du film d’action). C’était sans compter sur Ted Kotcheff (Wake in Fright) alors à la tête d’une adaptation d’un roman de David Morrell, Le Premier Sang, qui va, sans le savoir, offrir à Sly son deuxième personnage iconique.

Rambo raconte l’errance sans but d’un ancien béret vert, héros de la guerre du Viêt Nam. En voulant rendre visite à un ancien compagnon d’armes, il apprend le décès de ce dernier d’un cancer a priori causé par l’agent orange, produit grandement utilisé au Viêt Nam. Perdu dans une petite ville d’une région montagneuse, son look de vagabond attire l’attention du shérif local qui lui prie de bien vouloir déguerpir en vitesse de son territoire. Sa haine des hippies va lui attirer les foudres de Rambo, bien décidé à riposter aux attaques hostiles des autorités du coin.

Bien loin des idées reçues et de l’image de grosse brute qui fait tout exploser, ce premier opus de la saga Rambo possède une saveur particulière. Film au budget moyen (15 millions de dollars), Rambo, premier du nom, est un survival minutieux, aux relents de film d’horreur parfois, qui tient en haleine de la première à la dernière minute. Sylvester Stallone campe un personnage quasiment muet, traumatisé par une guerre qui l’a métamorphosé à tout jamais. Ted Kotcheff arrive à nous faire ressentir tout le trauma de son héros en l’espace de deux ou trois flashbacks brefs, concis et diaboliquement efficaces. Pas besoin de fioritures, Rambo est la quintessence du film où le suspense est maîtrisé de bout en bout et qui arrive à trouver les ficelles adéquates pour palier à ses carences budgétaires. Co-scénariste du film, Stallone insuffle à son personnage toute la rancœur que ces soldats ont connus à leur retour de la guerre du Viêt-Nam. Ces soldats qu’on a laissés pour mort, abandonnés par leur propre pays. Ces hommes souillés par un drapeau qu’ils ont défendus corps et âme au combat. Rambo devient alors le porte-parole d’une Amérique qu’on essaie de faire taire, la mise en lumière d’une Amérique meurtrie qui essaie désespérément de cacher ses blessures sous un tapis bien trop déformé par ses erreurs. Stallone s’éloigne du roman original (où Rambo est une machine à tuer implacable qui n’hésite pas à faire moult victimes sur son passage), afin d’aller frapper au cœur cette Amérique qu’il semble ne pas reconnaître. Dans le film, Rambo ne tue personne à l’exception de trois chiens qui tentent de le dévorer. Rambo est une victime dans les yeux de Sly, porte-étendard idéal pour rameuter les spectateurs en salle. Et il ne s’était pas trompé, en témoignent les projections tests de l’époque où personne n’avait approuvé la mort du héros en fin de film.

Rambo est décrit dans le film comme une machine de guerre implacable. Bien que les suites donneront raison au colonel Trautman, ce premier film nous montre juste un soldat, sur-entraîné certes, mais à des années du gros tas de muscles qui fera péter des chars avec une simple flèches dans les suites. Et c’est justement cette retenue qui offre à Rambo sa saveur particulière et sa qualité divertissante nettement plus appréciable que ses suites (bien qu’elles ne soient pas dénuées de qualités pour autant). Ce qui rend également Rambo aussi délectable, outre son message bien pensé et sa réalisation magnifiquement exécutée, réside en la musique de Jerry Goldsmith. Auteur inspirant et inspiré dont on parle trop peu souvent, le score qu’il nous propose est d’une merveille absolue. Chacun des thèmes du film résonneront en nous pendant de longues minutes après le visionnage. Probablement l’une des plus belles bande-originale que le cinéma d’action des années 80 nous ait offert, c’est un vrai régal pour les oreilles.

Rambo est un film solide, culte et indémodable. Sylvester Stallone y trouve un rôle à la hauteur de ses talents à la fois dramatiques et musclés. Il confirme sa proximité avec les parias et les oubliés d’une société qu’il souhaite voir changer. Si Rocky demeure le cœur et la bonté de l’Amérique dans la tête de Sly, nulle doute que Rambo représente la colère des sacrifiés au nom d’un drapeau salit par les envies de puissance d’un pays qui n’hésite pas à piétiner les siens pour asseoir sa grandeur. Oui, Rambo est un film à (re)découvrir sans modération.

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