Port Authority : rencontre avec l’actrice Leyna Bloom

Elle est le rayon de soleil et la révélation de Port Authority : Leyna Bloom, activiste pour la cause LGBT, mannequin, chanteuse, danseuse et femme transgenre incarne dans le film Wye dont le jeune Paul tombe follement amoureux. Danielle Lessovitz nous plonge dans le monde de la ball-culture avec ce film étonnant dont la réussite repose énormément sur la fabuleuse prestation de Leyna Bloom, naturelle et touchante. La présence de l’actrice à Deauville était une occasion à ne pas louper, pour en savoir plus sur le film et sur son travail :

C’est votre premier rôle dans un film, comment avez-vous travaillé dessus ?

Honnêtement j’ai beaucoup regardé de films quand j’étais jeune et je crois que ça m’a servi. A force d’observer les gens, la façon dont ils bougent suivant leur humeur, leur énergie, j’ai appris le langage du corps. Et je dois avouer que je me suis beaucoup servie de ma propre expérience. Par exemple, quand le personnage de Paul apprend que je suis transgenre, c’est une scène que j’ai déjà vécue des tas de fois, les mots de Wye sont les miens. Je voulais apporter quelque chose de nouveau avec mon rôle, je voulais m’entourer des gens que j’aime et leur offrir l’opportunité de parler d’eux.

Vous vous sentez donc proche de Wye ?

Je pense que Wye est une femme qui ne se connaît pas encore complètement. Elle sait qu’elle est spéciale, qu’elle est unique. C’est une femme avec les mêmes galères que n’importe qui, elle veut simplement vivre, avoir des vêtements propres, manger au moins une fois par jour, être elle-même pour captiver un homme. Pour c’est quelqu’un qui veut être aimée et appréciée telle qu’elle est, comme tout le monde. Une fois que l’on voit ça, une fois que je peux faire passer ça à l’écran, je pense que j’ai réussi à faire mon travail.

Comment avez-vous rencontrée Danielle et comment s’est passé le travail avec elle ?

J’ai passé une audition pour le film quand les annonces de casting sont sorties puis quelques mois ont passé, j’ai fait une autre audition mais Danielle ne voulait toujours pas de moi. Et puis un jour mon manager a insisté auprès du directeur de casting en disant qu’il fallait qu’il me rencontre, que j’étais le personnage. J’ai enfin pu rencontrer Danielle en personne et une fois que l’on était ensemble, on a tout de suite eu une énergie qui circulait entre nous. Elle m’a expliqué pourquoi elle voulait faire ce film et je me suis senti en osmose avec elle, avec ce qu’elle recherchait pour le rôle. J’avais juste à être moi-même au final mais c’était nouveau pour moi. En tant que femme transgenre de couleur, on ne voit pas beaucoup de personnes comme moi sur les écrans et je me sentais investie d’une responsabilité, je ne pouvais pas me tromper sur ce film, il fallait que je sois juste. Danielle m’a très vite mise à l’aise et les critiques qu’on a eues jusqu’à présent ont toujours été positives, ce qui m’a rassurée sur ce que je faisais.

Comment s’est passé le travail avec Fionn Whitehead ?

C’était incroyable, j’aime beaucoup Fionn, je lui aurais sauté dessus si j’étais célibataire ! (rires) C’est quelqu’un d’adorable avec un vrai respect pour son travail qui m’a énormément inspiré. Il n’est pas sur les réseaux sociaux, il refuse de s’impliquer dans la politique, il veut juste faire son travail et bien le faire. Il travaille dur, de façon professionnelle et il était vraiment ravi d’être là, de participer à l’aventure. J’ai vraiment senti son envie de donner le meilleur possible pour raconter cette histoire, pour comprendre tout ce qu’elle implique et j’ai énormément de respect pour lui.

Cette expérience d’actrice vous a plu ? Vous seriez prête à recommencer ?

Absolument, je souhaite continuer dans cette voie mais je ne dois pas être la seule à le faire. De plus en plus, des directeurs de casting et des réalisateurs cherchent des acteurs trans, il y a du changement et enfin plusieurs personnes de ma communauté pourront voir un film ou une série en se disant  »enfin je peux m’identifier à ce personnage et je peux être respecté pour ce que je suis. » On a besoin de diversité dans cette vie, la diversité est partout, il faut la représenter.

Qu’en est-il de la réalisation ? Danielle Lessovitz vous a donné l’opportunité de vous exprimer mais pensez-vous que vous auriez un jour envie de raconter une histoire avec votre propre voix ?

Absolument. Je ne suis encore prêt pour ça, j’ai beaucoup à apprendre mais oui bien sûr, j’adorerais écrire un film, le produire et le réaliser. Je veux d’abord aiguiser mon regard au contact d’autres œuvres, prendre le temps d’y réfléchir pour vraiment apporter quelque chose de beau dans ce monde. Pour le moment, j’aime aujourd’hui et j’ai beaucoup d’espoir en demain.

Que représente Port Authority pour vous ?

Je pense qu’il représente quelque chose de nouveau dont il était temps de parler. De nombreux hommes sont attirés par des femmes qui s’avèrent être transgenres, ce sont des choses qui arrivent mais dont on n’a jamais parlé avant. On ne peut pas continuer à vivre sans accepter ce par quoi on est attirés. Quand j’étais célibataire, j’ai rencontré de nombreux hommes qui me disaient que j’étais parfaite pour eux et dès qu’ils apprenaient que j’étais trans, c’était comme si d’un coup ma personnalité ne comptait plus, comme si mes sentiments n’avaient plus d’importance. A partir du moment où l’on parle politique et religion, on commence à négliger ses sentiments. Pour moi, il faut écouter son cœur, il indiquera toujours le chemin à suivre, c’est ce que Paul fait dans le film et c’est ce qu’on devrait tous faire dans la vie. Pour moi, Port Authority est une œuvre qui prend le mot amour pour lui donner une toute nouvelle dimension et j’espère sincèrement que d’autres films comme ça seront produits, c’est important de comprendre ses sentiments sans en avoir peur. C’est pour ça qu’il était important pour moi de faire partie du film, de montrer cette histoire d’amour entre une femme trans de couleur et un jeune homme blanc hétérosexuel, pour ouvrir les esprits des gens. Plus le film sera vu et compris, plus vite on pourra changer les choses.

Propos recueillis à Deauville le 13 septembre 2019. Un grand merci à Matthieu Rey et Leyna Bloom.

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