Swallow : A gober d’urgence !

Un festival est toujours un moment privilégié, l’occasion de faire de nombreuses découvertes et de cumuler également pas mal de déconvenues face à des films qui promettaient mieux que ce qu’ils ne sont. Aussi on ne peut qu’apprécier quand un film tient la promesse de son pitch en allant encore plus loin pour nous surprendre. Présenté en compétition à Deauville cette année, Swallow, premier long-métrage de Carlo Mirabella-Davis est de cette trempe et s’impose déjà comme l’une des belles découvertes de cette 45ème édition.

Le film nous plonge dans le quotidien de Hunter, jeune femme au foyer qui, de l’extérieur a tout pour être heureuse : une superbe maison, un très beau mari à la tête d’une grande entreprise familiale et un confort financier évident. Mais derrière cette façade parfaite, Hunter s’ennuie. Quand elle tombe enceinte, elle développe le trouble du Pica, caractérisé par l’absorption de différents objets dangereux. Quand sa belle-famille le découvre, elle met tout en œuvre pour protéger le futur héritier de l’empire familial sans pour autant chercher à savoir d’où vient le profond mal-être de Hunter…

Avec Swallow, Carlo Mirabella-Davis surprend, nous montrant comment via son trouble Hunter va peu à peu se détruire pour finalement mieux se reconstruire. Tout dans la mise en scène ne cesse de souligner la profonde solitude d’Hunter dès le début. Alors que les premières séquences du film amusent en laissant croire que le personnage est une nunuche se voilant la face sur sa situation, elle finit peu à peu par révéler ses failles. Et à mesure qu’elle ingurgite des objets divers et variés (une bille, une punaise, une pile) mettant potentiellement sa vie en danger, Hunter apprend à s’émanciper de son étouffante situation.

Filmé avec précision et non sans humour, Swallow se fait l’écho de la profonde détresse d’une femme que personne n’écoute et qui n’est jamais considérée comme un être humain doué de sentiments : son mari l’exhibe comme un bel objet à sortir devant sa famille et ses amis, son beau-père ne la voit que comme le réceptacle de son nouvel héritier, sa belle-mère l’encourage à faire semblant d’être heureuse jusqu’à ce qu’elle le soit et même sa psy, payée par son mari pour tout lui raconter, est incapable de l’écouter, la coupant dès qu’Hunter semble sur le point de lui dire quelque chose d’important. Il faudra que Hunter quitte l’immense demeure dans laquelle elle habite et se confronter à son trauma d’enfance à priori malsain pour trouver le réconfort attendu (dans une scène très émouvante face à l’excellent Denis O’Hare) et se montrer capable de recommencer sa vie.

Intelligemment écrit et réalisé bien que souffrant de quelques longueurs inhérentes à un premier film, Swallow met en scène un personnage troublant et fascinant qu’on n’avait pas vu depuis longtemps à l’écran. Sans avoir peur de rien, Carlo Mirabella-Davis réalise ainsi une métaphore acerbe sur la condition féminine face au machisme latent de la société et, aidé par la formidable prestation d’une Haley Bennett qu’on aimerait voir plus souvent, livre une œuvre aussi dérangeante que profondément libératrice sans jamais céder aux habituels poncifs du genre. Et croyez-nous, ça fait un bien fou !

3 Rétroliens / Pings

  1. Swallow : rencontre avec le réalisateur Carlo Mirabella-Davis -
  2. Édito – Semaine 3 -
  3. L'Etrange Festival : Jours 6 et 7 -

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