L’Etrange Festival : Jour 3

Alors que le Festival est commencé depuis peu et qu’il nous reste encore plus d’une semaine à ingurgiter des films jusqu’à plus soif, il nous semble déjà nous trouver dans un état hypnotique, l’enchaînement métronomique des séances nous faisant quelque peu perdre la notion du temps. Sentiment étrange mais finalement grisant, surtout que pour le moment, chaque jour apporte son lot de belles découvertes, même si cette fois, nous aurons eu quelques déconvenues en fin de journée.

Le serpent blanc de Kahong Wong et Ji Zhao

Nous avons commencé à 14h15 avec Le serpent blanc, énième version de cette histoire traitée maintes et maintes fois par le cinéma, mais reconnaissons notre méconnaissance totale du conte, et avoir donc pris beaucoup de plaisir à ce film d’animation. Pour faire simple, Blanca, démon du serpent blanc, est métamorphosée en femme et devient amnésique. Aidée par Xuan, un chasseur de serpents, ils vont tomber amoureux l’un de l’autre … Nous avouons avoir du mal à aller plus loin que ça, l’aventure étant suffisamment ample et dense pour se suffire à elle-même, sans qu’il n’y ait besoin d’en rajouter dans les descriptions. Il y a tout ce que l’on peut attendre de pareil film, des sentiments forts jouant sur la dualité, une histoire d’amour pure, des méchants, des scènes épiques aux mouvements de caméra vertigineux … Nous sommes dans du blockbuster pouvant au départ paraître standardisé, notamment sur cette animation digitale de premier abord sans charme, mais finalement très riche et d’une beauté indéniable. De plus, difficile de ne pas se rendre compte que le film se permet des écarts de conduite certes non perceptibles par le jeune public, donc n’empêchant pas d’y emmener des enfants, mais qui chez, disons, Disney, ne risqueraient pas d’être validés. En gros, l’histoire d’amour est consommée rapidement ici, donc pas de chastes bisous et de balades main dans la main comme dans les contes de fée américanisés. Nous avons aussi droit à des références sexuelles claires, très drôles et finalement inoffensives, mais quand même évidentes, ainsi qu’à des scènes d’action plus violentes que la moyenne, avec des morts. Rien de traumatisant pour nos petites têtes blondes, et il y avait une fillette juste devant nous dans la salle, mais reconnaissons que ces petits éléments pas si anodins font toute la singularité de ce film se suffisant par ailleurs en tant que divertissement soigné et magique. Encore une bonne surprise donc.

The art of self defense de Riley Stearns

Nous avons ensuite enchaîné avec le meilleur film de la Compétition pour le moment, à savoir le génial The art of self defense, de Riley Stearns (Faults, déjà à l’étrange en 2014, et déjà une très bonne surprise, toujours inédite en France, bravo les distributeurs pour l’esprit aventureux), avec Jesse Eisenberg, Imogen Poots, Alessandro Nivola … Débutant comme un film indépendant arty typique avec son ambiance étrange paraissant un peu calculée, et son « héros » paumé, looser pathétique totalement renfermé sur lui-même, incapable de se faire accepter en société, vivant seul avec son chat et apprenant le français. Après une violente agression, il cherche tout d’abord à acheter une arme pour pouvoir se défendre, avant de tomber un jour sur un club de karaté l’intrigant jusqu’à ce qu’il décide d’en suivre les cours. Il sera désormais obsédé par sa force potentielle et va se retrouver plongé dans une spirale dont on ne dira rien de plus tant le film joue sur les ruptures de ton surprenantes et parfaitement maîtrisées. De comédie pince sans rire parfois hilarante, notamment une scène libératrice où un Jesse Eisenberg robotique nous plie en quatre à ne plus se sentir et enchaîner les provocations, le scénario évolue vers quelque chose de beaucoup plus brutal et dérangeant, tout en n’abandonnant jamais totalement cet humour toujours sur le fil, et ce numéro d’équilibriste risqué s’avère toujours payant. A jouer sur l’ambiguïté morale de son discours, pouvant à certains moments paraître quasi fascisant, le réalisateur joue évidemment avec le feu, mais ne se brûle jamais les ailes car il maîtrise son récit et sait où il doit aller. Evoquant à un moment une sorte de Fight club, n’hésitant pas à tomber dans une brutalité frontale qui fait très mal, et à nous faire poser des questions tout en n’oubliant pas l’aspect divertissant du tout, le résultat est à peu près exemplaire sur tous les points, et mériterait sa sortie salles en France. Universal distribue apparemment le film, à savoir s’ils tenteront une exploitation salles ou bazarderont le film en DTV, on n’en sait rien, en tout cas il s’agit d’une véritable petite bombe sortie de nulle part, qui fait son effet.

Furie de Olivier Abbou

Après ce coup d’éclat, difficile de tenir la comparaison mais nous partions confiants concernant Furie, proposition française se voulant clairement radicale, deuxième long métrage de Olivier Abbou, auteur il y a déjà 9 ans d’un Territoires glaçant et plutôt réussi. En s’appropriant apparemment un fait divers survenu en France il y a quelques années, le film prend pour point de départ une situation jamais exploitée dans un film, à priori un bon point pour le réalisateur. En rentrant de vacances, un couple avec enfant ne peut plus rentrer chez eux, les serrures ont été changées, la nounou de leur fils en situation compliquée ayant pris possession des lieux avec son mari. Un papier ayant été signé par le couple propriétaire, ceux-ci se retrouvent plongés dans un enfer administratif kafkaïen, dans l’impossibilité de déloger les intrus. La frustration du mari monte, l’humiliation de ne pouvoir récupérer ce qui lui est dû et d’avoir le sentiment de ne pas assurer en tant que père et mari va l’amener à faire la rencontre d’un ancien camarade lycée de sa femme, sorte d’ange tentateur maléfique qui va le faire plonger dans un monde qui jusque là lui était étranger, lui donnant des envies de vengeance. Mais la situation va devenir de plus en plus explosive, avec ce nouvel intrus dans sa vie qui va culminer jusqu’à un climax ultra violent en forme de home invasion, mais nous nous arrêterons là par précaution pour les futurs spectateurs du film, qui sortira dans les salles qui en voudront bien le 23 octobre prochain. Soyons clairs, la démarche est louable, et on a toutes les raisons du monde de vouloir défendre ce type de proposition, encore trop rare en France. A priori armé d’un solide premier degré, le cinéaste maîtrise qui plus est sa mise en scène, et nous offre une première scène, comme dans son précédent long métrage, d’une tension anxiogène nous laissant espérer le meilleur. En dilatant sa situation jusqu’au malaise pur, les enjeux sont clairement exposés et le plus dur semble gagné. Et pourtant, plus le film avancera, plus l’écriture se révèle indigente au possible, accumulant les dialogues faux et clichés, étirant son récit volontairement pour que la frustration du personnage devienne celle du spectateur, choix cohérent mais de moins en moins maîtrisé au fur et à mesure du déroulement, jusqu’à un final certes particulièrement violent et riche d’idées sordides parfois à la limite du soutenable, mais gâchant tout ce potentiel par la suite en tombant dans une pantallonade dont on ne sait toujours pas si elle était volontaire ou pas. Toujours est-il qu’à un moment donné, on se croirait plus dans un Vendredi 13 que dans un Haneke, nom hasardeux balancé par le présentateur avant le film. C’est d’autant plus frustrant que l’on voit la bonne volonté et l’envie de proposer du genre hargneux sans considérations auteurisantes (malgré le point de départ sociétal), mais quasiment rien ne fonctionne pour notre part (certains ont été moins virulents, donc à vous de vous faire votre opinion), et à ne jamais choisir entre premier et second degré, le film s’écroule sous le poids de ses ambitions. Pas antipathique de par son originalité de départ, le résultat est assez désespérant, car l’on veut toujours croire à la révélation concernant le cinéma de genre français. Ce ne sera pas pour maintenant pour notre part.

The Wretched de Drew T. Pierce et Brett Pierce

On finit avec un film américain, The Wretched, et là on sera très brefs, tant il n’y a quasiment rien à en dire. Ça débute bien, avec son classicisme maîtrisé, son histoire de monstre comme on aime, son récit lent ménageant ses effets, et ses enfants se faisant bouffer par une créature monstrueuse, ce qui fait toujours plaisir, car généralement, et plus particulièrement concernant les ricains, il s’agit toujours d’un tabou insurmontable de montrer des enfants mourir à l’écran. Malgré toutes ces belles choses nous faisant de l’œil, le scénario s’avère très vite incapable d’aller au-delà de ces éléments isolés, et de nous captiver réellement, surtout lorsque ses instigateurs cherchent à jouer aux plus malins en nous sortant un twist de derrière les fagots, certes imprévisible, mais amené de manière tellement confuse qu’on n’en est toujours pas revenus. Passé ce retournement de situation, le film ne s’en relèvera pas et l’on devra subir la fin plus ou moins patiemment, en ce en dépit de beaux effets sur la créature. En bref, rien à en dire de spécial, et peut-être que la fatigue commençant à se faire sentir, on est moins disposés à être indulgents sur ce type de film tout petit, n’en possédant pas moins un petit charme sur sa première partie. Chose amusante pour finir, un personnage mentionne Netflix à un moment donné, et il nous semblerait tout à fait approprié que ce film finisse sur la plateforme. On attend de voir, donc !

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