L’Etrange Festival : Jour 2

Deuxième journée de festival et encore un programme bien chargé avec toujours 4 films s’enchaînant sans  relâche !  Fort heureusement, pour le moment, nous n’avons pas trop à nous plaindre de la qualité globale des œuvres proposées, et entre films contemporains et pépites, le choix est large et plutôt de qualité, sans faute de goût. Croisons les doigts pour que cela continue comme ça, car nous en avons encore pour plus d’une semaine de journées chargées. Concernant ce vendredi, notre choix s’est porté, pour le premier film de la journée, sur un documentaire au titre très alléchant et prometteur, Hail Satan ?, réalisé par Penny Lane (déjà auteure de Nuts, diffusé à l’étrange, que nous n’avons pas vu), et disons-le tout net, il s’agit pour le moment de la meilleure séance de notre festival, et de loin.

Hail Satan ? de Penny Lane

En faisant le pari de nous immerger parmi les membres du Temple satanique, le projet de la documentariste est de rendre compte des nuances de discours auxquelles nous n’étions pas préparés. Car loin des provocateurs rigolos auxquels nous nous attendions, le documentaire, passées les premières minutes hilarantes où l’on pense assister à l’humiliation en bonne et due forme de ses protagonistes, change totalement de cap, et s’attache véritablement aux discours de ceux-ci, en les opposant tout du long à ceux beaucoup plus radicaux de leurs opposants de toujours. Là où nous reconnaitrons notre ignorance concernant cette idéologie, l’associant naturellement à des adorateurs du Malin primaires, tout simplement parce que nous avions inconsciemment été manipulés par les fantasmes populaires associés au terme satanisme, nous découvrons une communauté soudée, tolérante et cherchant à aider son prochain et œuvrer pour le bien de la collectivité, et dont la principale philosophie consiste en prôner leur droit à faire reconnaître autre chose que la chrétienté comme religion aux Etats-Unis.

A l’origine, Lucifer est tout simplement l’Opposant, celui qui pour s’être opposé à Dieu, se sera retrouvé ostracisé, et ils se servent de cette figure symbolique pour bousculer dans ses fondations les plus ancrées en chacun, une nation bouffée par ses certitudes héritées des fameux 10 commandements. En bref, nous avons affaire à des gens loin des sinistres individus que l’on veut nous faire assimiler depuis toujours, diabolisés comme un temps les « horribles communistes », comme le rappelle un protagoniste, à travers le terme de panique sataniste (ce fantasme collectif des monstres adorateurs de Satan violant des bébés …). Ils ne cherchent à imposer aucune doctrine, ne veulent pas remplacer la religion dominante par la leur, juste faire reconnaître une autre idéologie comme autant valable qu’une autre, et rappellent à juste titre que ce que l’on cherche à associer au satanisme n’est qu’une projection de la culpabilité due aux actes répétés de pédophilie dans l’église catholique depuis des années, couverts par les hautes instances. Un protagoniste rappelle que pendant que des prêtres violaient des enfants, lui jouait à Donjons et Dragons (considéré comme un jeu sataniste hérétique, entraînant forcément monstruosités). Bref, un documentaire passionnant, parfois très drôle, à d’autres moments révoltant, mais pas pour les raisons auxquelles l’on aurait pu s’attendre avant. Espérons qu’il puisse être visible à un moment ou un autre en France, car il mérite d’être vu par le plus grand nombre, au-delà d’un cercle de convaincus. Une pépite.

Laurin de Robert Sigl

Nous avons continué avec une pépite de l’étrange, cette catégorie consacrée, comme son appellation l’indique, à ces œuvres méconnues, ces incunables du genre que le Festival se plaît à dénicher chaque année, avec Laurin, film Allemand au destin véritablement étrange, et qui, par son esthétique et son ton, avait tout à fait sa place ici. Mais tout d’abord, revenons un peu sur son parcours. Réalisé en 1988, le film a connu une exploitation compliquée, car passés les quelques festivals locaux l’ayant diffusé en son temps, le film a quasiment disparu des radars par ailleurs. Le cinéaste Robert Sigl, âgé de 24 ans à l’époque de sa réalisation, et dont c’était le premier film, était présent pour nous parler du film avant la séance, et l’on sentait bien son plaisir de pouvoir enfin présenter cette œuvre en France, après tant d’années de purgatoire. Comme il nous l’a dit, le film a plu aux critiques Allemands de l’époque, a eu très bonne presse, mais personne n’en a voulu par la suite, et le cinéaste s’est retrouvé par la suite enfermé dans les productions télévisuelles, mais semble bien décidé à revenir en force, car lorsqu’on consulte sa fiche imdb, on se rend compte qu’il a actuellement plusieurs projets de longs métrages, dont on espère de tout cœur qu’il pourra les concrétiser rapidement, grâce à la remise sur le devant de la scène de cet unique long métrage, qui sera bientôt édité par Le chat qui fume. Et le film, de quoi s’agit-il alors ? En bref, d’un conte onirique et cauchemardesque situé en 1903 dans une ville portuaire, où la jeune Laurin vit chez sa grand-mère. L’histoire débute avec le décès accidentel de sa mère, la fillette n’étant pas aidée dans son travail de deuil par l’absence répétée de son père marin. Traversant une période de chamboulements, elle se retrouve plongée dans un monde entre rêves (ou plutôt cauchemar) et réalité, lorsque des disparitions d’enfants commencent à secouer le village.

A vrai dire, il est assez difficile de décrire le film car au-delà de son histoire relativement simple, le jeune cinéaste va sans cesse nous balader entre un univers réaliste à la patine 70’s surprenante vu l’année de réalisation, évoquant les films fantastiques tchèques des 60’s et 70’s, à des sursauts fantasmagoriques baroques faisant quant à eux penser aux bandes italiennes, avec Bava, Argento et Antonio Margheriti en tête (éclairages verts, rouges et bleus). Le problème étant que le montage assez curieux finit par rendre la frontière entre les deux assez mince, lorsque commencent à survenir les disparitions. Au final, il s’agira nous concernant plus d’une curiosité à voir ne serait-ce que pour son statut, que d’un véritable incontournable, le rythme nous ayant perdu plus d’une fois. Mais nous sommes tout de même contents d’avoir pu partir à la rencontre de cette Laurin, dont l’insuccès de l’époque peut sûrement s’expliquer par cet aspect tardif dans l’année de production, par rapport au style du film.

The room de Christian Volckman

Nous passerons vite sur les deux derniers films de la journée, The room et 1 BR. Le premier, co-production France, Luxembourg et Belgique, réalisé par Christian Volckman, avec Olga Kurylenko (Rhaaa lovely) et Kevin Janssens, est un film purement fantastique, au concept aussi simple que malin, bien qu’il nécessite une suspension d’incrédulité totale pour y adhérer pleinement sans ciller. En gros, un couple emménageant dans une belle maison ayant abrité un drame quelques années plus tôt, y découvre une pièce à la machinerie improbable, dont ils se rendent compte qu’elle peut exaucer tous leurs vœux, en matérialisant ces derniers. Bien entendu, les premiers souhaits sont plutôt évidents, avant de passer à des choses plus sérieuses, qui bien sûr vont entraîner des cas de conscience, et les entraîner dans une spirale vertigineuse dont ils auront du mal à sortir indemnes. Un concept passionnant et pouvant à peu près être traité de toutes les façons, ce sur quoi le cinéaste (auteur précédemment du film animé Renaissances), va opter pour le vrillage de cerveau, à jouer sur l’illusion pour nous faire perdre tout repère. Non dénué d’idées séduisantes plutôt bien mises en pratique par la mise en scène, bien interprété par ses deux comédiens principaux, dont la complicité ne fait aucun doute, le récit finit toutefois par se mordre la queue à trop vouloir jouer au plus malin, et provoque un certain agacement lors de la toute dernière image, rappelant presque le dernier plan de Inception, avec cette foutue toupie (tournera, tournera pas). Nous retiendrons un concept fort (comme beaucoup de films pour ce début d’édition) tournant quelque peu à vide, malgré les efforts louables pour renouveler l’intérêt.

1BR de David Marmor

Enfin, 1 BR, petit film indépendant Américain, présenté par son réalisateur et son actrice principale absolument sublime (encore plus belle en vrai que dans le film), met en scène une jeune femme partie à L.A. dans l’espoir d’y devenir costumière, mais qui comme souvent dans ce type de cas, est obligé de vivoter dans un boulot alimentaire ne lui apportant pas de bien être. A la recherche d’un logement, elle tombe sur une petite résidence au voisinage à priori idéal, mais bien entendu, tout ne va pas exactement se passer dans la joie et la bonne humeur, et à partir de là, difficile d’en dire plus, tant le cinéaste dont c’est le premier film va faire preuve de volontarisme pour nous surprendre à chaque instant. Et il faut reconnaître que malgré une entame un peu laborieuse dans les dialogues et la mise en situation, ça marche plutôt très bien, et l’on se pose sans cesse la question de jusqu’où tout cela va bien pouvoir aller. Et  si l’on peut craindre un temps, tout en se doutant que cela ne sera pas aussi primaire, d’être tombé sur un torture porn racoleur (avec une petite scène bien sadique pour ouvrir les hostilités), il n’en sera heureusement rien, et l’on se fera trimballer avec plaisir par l’imagination tordue du cinéaste, dont le point de départ lui a apparemment été inspiré par ses propres déboires lorsqu’il cherchait un appart (bien que l’on espère que cela s’arrête  à la recherche compliquée le concernant). Un bon film, imparfait dans sa forme (mais c’est un premier film au budget réduit), mais faisant le job avec un savoir faire indéniable pour créer le mystère et l’intérêt tout du long. Oui, définitivement, une édition satisfaisante pour le moment …

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*