Un Jour de Pluie à New York : L’amûûûr, c’est beau, surtout quand il pleut !

Un nouveau Woody est toujours l’occasion pour les cinéphiles de se poser LA grande question, la seule qui vaille lorsqu’on se lance dans le 50ème film en 50 ans de cet immense cinéaste, à savoir, de quelle humeur est-il ? Nous l’avions laissé plutôt déprimé avec son excellent  Wonder Wheel, sorti en janvier 2018, et l’on a craint longtemps de ne jamais voir débarquer le film présent, par rapport à cette « affaire » sur laquelle on ne s’étendra pas une fois de plus, ayant déjà suffisamment fait jaser. Toujours est-il que le film s’était retrouvé bloqué par Amazon, qui se sont désolidarisés du cinéaste et n’ont toujours prévu aucune sortie aux États-Unis. Le principal nous concernant, est que celui-ci soit enfin prêt à être montré au public européen (il sortira conjointement en France et dans d’autres pays), et qui plus est, pour une comédie romantique ouvertement légère, faisant office de véritable bol d’air frais après ce qui a précédé, et prouvant, si besoin en était, que s’il continuera toujours à donner l’impression de nous jouer sa petite musique personnelle, que l’on ne connaît que trop, le cinéaste, avec ses 83 printemps, n’hésitera jamais à passer d’une humeur à son extrême opposé, ce qui rend ses livraisons annuelles toujours stimulantes.

À nouveau situé dans son New York natal, le film a pour protagonistes principaux deux jeunes gens, Gatsby et Ashleigh (interprétés par la fine fleur des jeunes comédiens américains, à savoir Timothée Chalamet et Elle Fanning), étudiants envisageant de passer un week-end en amoureux dans la Big Apple ! Mais alors que la pluie succède au soleil, et que les deux se retrouvent séparés le temps d’une journée, ils vivront chacun de leur côté une suite de péripéties cocasses qui modifieront, peut-être, leur vision de la vie et de ce qu’ils attendent de l’avenir. Là-bas pour s’entretenir avec un cinéaste en pleine crise existentielle (Liev Schreiber), la jeune femme ne parviendra pas à se dépêtrer d’une suite de rencontres toutes plus folles les unes que les autres

Ce qui rassure d’emblée, c’est de constater que les motifs Alleniens sont tous bel et bien alignés, nous donnant l’illusion de retrouver un univers bien confortable, dans lequel il est toujours bon de se lover, avec ses personnages n’arrêtant pas de parler, la plupart névrosés, mais avec toujours cet humour et ces traits d’esprit qui rendent le tout parfois hilarant, toujours plaisant. Bien entendu, il ne faut pas attendre de changements majeurs de sa part, après tant d’années à avoir développé ce style que tant ont tenté, en vain, d’imiter, atteignant de son côté, une perfection d’écriture qui donne le sentiment que désormais, tout roule sans même qu’il n’ait besoin de forcer. Limite pour les uns, grande force pour ses admirateurs, cette pleine conscience de son propre style et de ses qualités rend, dans le meilleur des cas, le visionnage de ses films particulièrement réjouissant, car l’on ne se lassera jamais de savourer ces dialogues endiablés, toujours déclamés avec un grand sens du timing par l’ensemble des comédiens.

Car l’autre qualité indiscutable du cinéaste, c’est bel et bien de savoir systématiquement, même dans ses films les plus mineurs, tirer le meilleur parti de chacun de ses acteurs, même ceux qui, à priori, semblent très loin de leur zone de confort. Lorsqu’on voit à l’affiche des comédiens aussi dissemblables que Elle Fanning, Selena Gomez, Liev Schreiber, Jude Law, et tant d’autres, on se demande bien de quelle manière ceux-ci sauront se dépêtrer des pages de dialogues ininterrompus que leur a concocté le cinéaste. Et l’on se rendra compte que la question n’avait pas lieu d’être, tant ceux-ci donnent l’impression d’être des poissons dans l’eau dans cet univers si identifiable, faisant résonner chaque ligne de dialogue avec une exquise élégance, ceux-ci résonnant comme du champagne. Pétillant, le film l’est incontestablement. Et il fallait bien tout le métier d’un metteur en scène totalement aguerri pour nous faire passer des situations dignes d’un théâtre de boulevard, qui, en des mains autrement moins délicates, auraient pu sombrer dans le plus navrant des humours. Car oser, en 2019, nous servir le coup de la femme rentrant à l’improviste, tandis que son homme se trouve en galante compagnie, obligeant la demoiselle à se cacher en petite tenue, il faut une sacrée croyance en son écriture et en la qualité de ses comédiens, sans quoi le tout pourrait tomber dans la pantalonade la plus grossière, du genre Jean-Marie Poiré. Rien de tout ça ici, mais un timing comique millimétré, bien aidé par une mise en scène une fois de plus brillantissime, sublimée par la photographie somptueuse du désormais fidèle Vittorio Storaro, au filmage moderne donnant un rythme imparable.

Une fois de plus, il faudra également souligner la qualité de l’entièreté du casting, duquel on peinera à faire ressortir l’un plus que l’autre. Mais si l’on ne devait en retenir que quelques uns, il semblera difficile de ne pas mentionner la prestation proprement désarmante de volontarisme de Elle Fanning, dans une forme olympique, et filmée comme on ne l’a jamais vue. Habituée aux rôles de poupée à la pureté virginale, symbole de la jeune femme que l’on imagine innocente et éternellement jeune, elle est ici totalement débridée, névrosée, et, disons-le, tout simplement hilarante. Survoltée et sortant les dialogues à un débit mitraillette, on n’est pas prêt de la revoir comme ça, et cela fait un bien fou de la voir s’amuser et nous amuser de la sorte. La deuxième est Selena Gomez, qui hérite d’un rôle central, dans la partie consacrée au personnage de Timothée Chalamet, et si sur le papier, sa présence était sans doute la plus surprenante chez pareil cinéaste, on ne se pose rapidement plus la question tant elle y apparaît d’une justesse de chaque instant, touchante et parfaitement à l’aise avec les dialogues du Maître ! C’est là qu’on se rend compte à quel point l’écriture est d’une telle fluidité que tout semble l’évidence-même entre ses mains.

Assumant une légèreté faussement futile, jouant avec les codes de la comédie romantique, mais sans la moindre moquerie à son égard (la pluie a évidemment un rôle narratif), c’est un Woody ragaillardi que l’on retrouve là, et ce n’est pas pour nous déplaire. Le prochain film qu’il tourne actuellement en Espagne devrait, d’après ses propres dires, être dans un registre une fois de plus léger, situé dans le monde du cinéma. On attend d’ores et déjà ça avec impatience, et l’on espère que malgré les soucis et les polémiques, le cinéaste vivra centenaire afin de nous régaler encore quelques années de ses livraisons métronomiques.

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  1. 45e Festival du Cinéma Américain de Deauville - Chapitre 1. -

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