Olivier Afonso : Des « Balls » dans la tronche !

Nous avions découvert Girls with Balls lors de sa présentation en hors-compétition au PIFFF 2018. L’un des grands moments du festival parisien ayant créé l’effervescence à sa diffusion. Puis nous retrouvons le long-métrage lors de notre passage à Gérardmer en février pour une diffusion lors d’une nuit excentrique. L’occasion était propice de rencontrer Olivier Afonso, maquilleur de métier, qui réalise ici son premier film. Une petite bombe de festival, mais pas que. Girls with Balls est une comédie gore décalée jouant des attentes du spectateur se révélant être une expérience en termes de divertissement et de jeu avec le cinéma. Rencontre avec une réelle promesse de cinéma  !

Tu t’es rendu compte d’avoir réalisé la première comédie gore du cinéma français  ?

Olivier Afonso : Je ne pense pas que ce soit la première comédie gore française. Il y a quelques années, j’ai réalisé les effets pour le film Goal of the Dead de mon pote Benjamin Rocher, un diptyque co-réalisé avec Thierry Poiraud (2014). Et c’est une comédie d’horreur avec des zombies ! Mais j’ai du mal à comparer mon film avec d’autres films. On m’a cité Les Nuls il n’y a pas longtemps de par la liberté de ton du film, notamment Red is Dead. Il y a eu aussi Le Magnifique avec Jean-Paul Belmondo où le film possède un côté fantastique.
Dès que l’on a commencé à montrer le film, je me suis aperçu que c’était différent. Je souhaitais juste faire une comédie sympa à mon échelle avec mes références et mes envies de cinéma. Mais lors des projections, j’ai compris que c’était différent, que cela devenait important. Je ne m’attendais pas à un tel accueil. 

Présentation du film à Gérardmer en février 2019

Girls with Balls atterrit comme un OVNI au cœur du cinéma français. Outre les multiples sélections en festival (le film est passé entre autres par le PIFFF, l’Alpe d’Huez et Gérardmer), il ne trouve pas de places en salles et sort directement sur Netflix ce 26 juillet. Comment l’expliques-tu  ? Car on peine à comprendre de notre côté… 

Mon distributeur a vendu le film partout à l’international. Tout le monde s’est intéressé au film. Il sort là sur Netflix, mais Amazon était sur le coup, tout autant qu’OCS, partenaire du film. Il y a eu un problème au niveau des exploitants de salles. J’ai découvert que certains exploitants étaient des censeurs. C’est des personnes qui décident quels films doit voir le spectateur ou pas. Donc ton film va avoir une visibilité en salles si eux le décident ou pas. C’est assez inquiétant.
Ton emploi du terme OVNI est intéressant, car finalement c’est plus subversif de produire une comédie d’horreur en France que de produire Gaspard Noé. Car chez Gaspard par sa violence et le sexe, ou chez Fabrice (Du Welz – pas loin de nous lors de l’interview), on leur trouve des qualités d’auteurs, leurs cinémas sont autres. Alors que dans l’exploitation et le divertissement, ça ne passe pas. C’est comme si tu crachais dans la soupe. J’ai reçu des lettres d’insultes spécifiant que c’était un scandale de produire un tel film, alors que certains essayent de redorer le blason…

Donc des lettres de personnes du milieu du cinéma ?

Oui, oui (rire) du film de genre en France. Ils me tutoient directement en me fustigeant que le genre ne soit pas à destination des ados ou des enfants, mais un cinéma adulte et mature. « Tu bousilles tout en 10 secondes », ils me traitent de « pute du cinéma », ça va loin dans la riposte contre Girls with Balls. Je reçois régulièrement des lettres d’insultes ou d’invectives. Ce qui montre qu’en France, c’est un cinéma exigeant dans lequel la dévotion est forte et prégnante. C’est marrant et attendrissant. Je ne leur réponds pas à ses gens.
Mais faire un film de ce type-là en France est un acte militant pour certains spectateurs. Alors que de mon côté, j’ai juste voulu faire une comédie pour faire marrer les gens. C’est tout. On part battus dans notre propre pays. Je m’en amuse. Mais à côté, on a un accueil de folie à l’étranger. J’adore discuter avec les détracteurs du film. On se pose et on discute, puis je suis d’accord avec eux sur certains aspects du film. Je ne sais pas si je l’aurais aimé en tant que spectateur. Je ne sais pas du tout sans le recul ni la moindre objectivité aujourd’hui. Je pense que oui. Mais je ne sais pas, tout est relatif.

Le pire est que Girls with Balls a largement la place de sortir en salles  ! Les périodes scolaires, la période estivale… Annabelle trouve bien sa place en réalisant 80 000 entrées à son premier jour d’exploitation…

Tous les films ont leurs places dans les salles de cinéma. Mais je te suis à 200%. Girls with Balls a été conçu pour la salle et être une expérience de cinéma. Il s’adresse à tous les sales gosses que l’on était et allait voir ses films le mercredi après-midi. Je revendique le fait que Girls with Balls est une comédie. La volonté était de proposer une comédie différente. Tout le monde crache sur les comédies françaises ou les séries françaises. Mais quand l’on propose quelque chose de différent, personne n’en veut  ! Et d’un autre côté, il y a ceux qui me remercient… genre des spectateurs qui me remercient pour mon film (rire). Je suis flatté. 

On va parler du film quand même (rire), comment s’organise tes références ? Comment s’est montée la structure du film ?

Avec beaucoup de sincérité, je n’ai pas anticipé les références. Que ce soit dans la technique, les axes de caméra, etc. Après dans l’écriture, oui on s’est éclaté comme pour Jeanne & Serge où ça s’est imposé tout seul. Avec la capitaine qui s’appelle Hazuki, nom de famille de Jeanne dans la série. On a fait les sales gosses avec mon co-scénariste Jean-Luc Cano. On pouvait ne pas y faire référence. Puis il y a des détails cachés comme la tactique « Fix-6-3-0 » dans Starship Troopers. Et cela personne ne le voit. Après on nous cite des références aux Monty Python avec la tête coupée, mais ce n’est pas voulu, juste que cela me fasse franchement rigoler. On me cite Les Nuls quand on balance le chat. Mais non, ça me faisait juste rire de balancer le chat. Et j’ai tout cela par insouciance, par pure rigolade, et peut-être aussi d’être nourrie par les mêmes conneries populaires des spectateurs, mais de façon inconsciente. 

Ton film est à ranger à côté de Tucker & Dale. Tu t’amuses de casser tous les codes inhérents au genre de la comédie et à l’horreur…

J’adore jouer avec le spectateur et avec les codes. Quand tu commences à travailler sur un scénario, on te stipule que les personnages doivent avoir une évolution. J’ai donc adoré écrire des personnages n’évoluant jamais comme celui interprété par Manon Azem qui reste une « connasse » de bout en bout. Dans n’importe quel autre film, elle aurait appris l’esprit d’équipe et se serait rangée pour sortir d’affaire ses copines. Le seul personnage qui évolue est M.A (Louise Blachère) devenant une guerrière, alors que ce n’était pas gagné d’avance. Même Jeanne (Tiphaine Daviot) n’est pas une héroïne de dingue. 

Même le seul personnage masculin est féminisé à fond, il ne sera jamais le héros sans peur… À la moindre panique, il court lâchant toute l’équipe (rire).

Il y a un élément important dans ce film, c’est de ne pas utiliser les filles comme d’habitude. Exemple de la « last girl » qui se sauve en victime. Les femmes sont souvent des objets ou des faire-valoir pour le héros masculin. Je voulais des femmes fortes pour Girls with Balls. Donc forcément on ne pouvait pas mettre Artus en avant. Le fait de le féminiser est simple : on a rencontré Raymond Domenech (entraîneur de football) qui nous expliquait qu’à force de parler au féminin, les entraîneurs d’équipes féminines intégraient tout au féminin. Même eux parlaient au féminin. Et on a trouvé cela rigolo. On s’est aperçu ensuite que le personnage d’Artus, en parlant au féminin, s’effaçait face au groupe. Son côté masculin disparaissait totalement. Il n’est pas gay, juste effacé. 

En parlant des acteurs, tu réunis le casting féminin le plus aguichant de cette année. Mais tu t’amuses à les casser pendant tout le film, à enlever toute érotisation envers elle au fur et à mesure des péripéties.

Mais oui, car une devient même meurtrière à la moitié du film. Elle laisse transparaître les prémices d’une serial-killeuse. Elle tue par accident, mais elle l’assume ensuite.
Ce qui m’intéressait avant tout avec ce film, c’est d’avoir des jolies filles, mais des jolies filles plausibles. À l’image de Louise Blachère qui se révèle sublime à la fin. Je ne souhaitais pas des bimbos superficielles, mais des actrices jouant avec leurs images.
Comme Orelsan aussi qui n’a pas peur de jouer avec son image. Quand je l’ai invité pour faire un guest, genre conteur de l’histoire, il m’a dit pourquoi pas. Puis ça l’ennuyait de devoir tout refaire en studio niveau mixage quand il chante au début et à la fin. Mais je lui ai dit de faire tout le contraire, tu chantes comme tu veux, vrai ou faux, je veux juste que cela paraisse décalé, voire débile, comme un second ton. Et tout s’est fait spontanément, on a des dizaines de versions des chansons. Tout s’est improvisé au fur et à mesure. L’introduction est super importante. Elle est là pour signifier que Girls with Balls est un film tranquille pour déconner. C’est un comics, une bande-dessinée à la cool. Elle annonce le fait de s’amuser aux spectateurs. Voilà pourquoi j’ai souhaité faire cette introduction cerclée avec ce personnage. 

Après les filles, Orelsan, il y a Denis Lavant, vu récemment dans L’Empereur de Paris ou La Nuit a dévoré le monde. C’est l’antagoniste préféré des Français actuellement ? 

J’ai travaillé avec lui sur La Nuit a dévoré le Monde. Denis adore jouer, il est comme un enfant sur un plateau de tournage. Il adore interprété des rôles, être quelqu’un d’autre. Il est triste de ne recevoir que des propositions d’un cinéma intello. Il souhaiterait jouer dans d’autres films, plus décontractés. Même mes producteurs ne souhaitaient pas lui proposer le rôle. Je l’ai contacté directement et il a adoré. Alors attention, il ne va pas tout accepter, mais il adore s’amuser. Je lui ai dit être gêné, car il n’a pas beaucoup de dialogues, mais au contraire, il me répond « Pour une fois que je peux fermer ma gueule. J’ai dit tellement de conneries chez certains » (rire). C’est un acteur d’une générosité et d’une exigence hallucinantes. Il est hyper-pro et il le communique aussi à toute l’équipe ensuite. Ce qui est rassurant pour un jeune réalisateur comme moi. 

Tu es à la base un maquilleur et réalisateur d’effets spéciaux. Tu n’as pas participé aux effets du film ?

Un peu lors de la pré-production du film. Cela m’a permis de prendre mon mal en patience le temps que certains détails de la production se règlent. La sculpture de la tête coupée c’est moi, après j’ai participé à certains détails sur des structures ou sculptures. J’ai dessiné les costumes du film ou participé à la conception de certains décors, au look de la camionnette. J’ai beaucoup préparé et dessiné, mais à la fin, du moment où j’ai commencé à travailler avec les comédiens, et c’était important pour moi, c’était le domaine que je connaissais le moins, je me suis rendu disponible pour eux. J’ai évidemment laissé la place à mes associés et aux gars de l’atelier. Et heureusement, car c’était un travail monstre. 

Girls with Balls s’est imaginé au retour d’un festival. Quel est le sentiment aujourd’hui que le film a fait le tour des festivals et qu’il sorte sur Netflix ?

Oui exactement, le film s’est construit au retour de Gérardmer et au retour du BIFFF. Le sentiment d’avoir bien fait le job. Le film a super bien fonctionné aux endroits prévus de la tournée. Ce qui s’est passé à Gérardmer à la nuit excentrique était une dinguerie. On s’est éclaté ! Je regrette de ne pas avoir plus de moments de cinéma comme cela. Des moments d’éclates et de partages autour d’une bonne séance de cinoche rigolant avec des inconnus le temps d’un film. Girls with Balls est un film pour l’éclate, pour le sale gosse de 14 ans que j’étais. Je me marrais avec mes potes lors de certaines séances, et Girls with Balls est fait pour cela. 

Justement il y a 20 ans, Girls with Balls n’aurait pas eu la même destiné. 

On ne sait pas. J’aurais adoré qu’il se retrouve en vidéo-club, mais déjà à l’époque, une sortie en salles aurait été compliquée. Alors Netflix tombe à pic, car c’est aujourd’hui à l’image d’un vidéo-club. On paye son abonnement et on choisit son film. Ce qui est cool, car le film est toujours disponible (rire). Ce qui me fait surtout plaisir aujourd’hui, c’est que via ce procédé, il y a un public pour le film. 

Maintenant que le film est sorti, quelle est la suite ?

Continuer le maquillage, je suis obligé, car c’est mon métier. Après ma volonté est de choisir un peu plus mes films sur lesquels je collabore, suivre mes potes sur leurs films. Faire aussi plus de premiers longs, car c’est top d’accompagner de jeunes réalisateurs. J’ai envie de continuer tout cela, mais de manières différentes. J’aimerais aussi me dégager du temps pour réaliser un nouveau film. Mais la situation est compliquée, personne ne va venir me chercher, donc je dois écrire tout seul et repartir du départ. Je pars sur un projet différent, mais j’aimerais aussi que l’on vienne me chercher pour réaliser comme une comédie familiale par exemple, voir si je peux apporter un vent frais, faire quelque chose de neuf. Ce serait un défi, car critiquer les comédies françaises, c’est facile, mais serais-je le faire ? Faire marrer les gens, en serais-je capable ? Faire peur aux spectateurs, il y a des astuces, mais les faire marrer, c’est plus dur ! D’où le côté subversif de la comédie d’horreur. Faire peur et rire en même temps, le spectateur français n’aime pas ça, il y a une dualité qui se crée.

Propos recueillis par Mathieu Le berre et Alexandre Coudray à Gérardmer le 3 février 2019 / Mis à jour à Paris le 25 juillet 2019

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