Catriona MacColl : Rencontre avec l’actrice fétiche de Lucio Fulci !

À l’occasion de notre passage au Bloody Week-end, s’étant déroulé du 31 mai au 2 juin à Audincourt, nous avons rencontré Catriona MacColl, invité et jury de cette 10e édition du festival. Une belle opportunité dans l’optique de cette semaine consacrée entièrement à Lucio Fulci pour la ressortie en version restaurée de quatre titres phares de sa filmographie : Perversion Story, Le Venin de la Peur, La Longue Nuit de l’exorcisme et L’Emmurée Vivante.
Nous complétons cette semaine sur Close-Up Mag avec Selle d’Argent, mais surtout Frayeurs et L’Au-Delà, disponible en vidéo chez Artus Films, dont Catriona MacColl est le premier rôle féminin. Devenue au gré de la trilogie de l’Enfer une des actrices fétiches du réalisateur romain, qui de mieux pour nous en parler que l’actrice anglaise présente à l’affiche de La Maison près du Cimetière, autre fameux titre de Lucio Fulci. 

Quel sentiment vous procure ce retour au Bloody Week-end trois ans après votre dernière visite à Audincourt ?

Catriona MacColl : Cela me fait extrêmement plaisir de revenir ici. Je fais partie depuis quelques années de la famille du cinéma de genre et de voir cette ferveur autour du fantastique et de l’horreur me comble de joie. Je fais totalement partie de la famille Bloody Week-end aujourd’hui.
C’est fou de retrouver les habitués aux dédicaces après trois ans. J’ai une bonne mémoire des visages, donc là je revois beaucoup de personnes que j’apprécie beaucoup.

Première apparition de Catriona MacColl dans Frayeurs.

Quel a été votre premier contact avec Lucio Fulci ? Comment l’avez-vous rencontré ?

Il y a eu un casting sur photo par un imprésario italien réputé, assez haut en couleur, à la fin des années 70 qui travaillait avec Lucio Fulci. Il a été à Londres pour faire le tour des agences artistiques dans la quête d’une actrice. Il est revenu à Rome avec une multitude de photos d’actrices qui correspondaient au profil recherché. Ils recherchaient un profil bien spécifique. J’ai reçu un appel de mon agent qui me demande si j’ai envie d’aller à Rome rencontrer un metteur en scène italien pour un film d’horreur ? Je me braque un peu, mais la tentation d’aller à Rome et rencontrer un réalisateur italien est trop forte. Je ne savais pas où j’allais mettre les pieds, le réalisateur m’était inconnu tout autant que le genre et le film en question. J’y suis allé normalement comme pour tout autre casting, même si le fait de le faire à Rome relevait de l’exotisme à l’époque pour une anglaise.
J’arrive en Italie, je suis bien logée et je rencontre Lucio dans un palais italien dans un quartier chic de Rome appartenant à l’impresario. Je me souviens alors d’un rendez-vous fabuleux au cœur de ce palais romain extraordinaire. Lucio était un homme assez taciturne et timide. Il observait beaucoup avant de parler tout en fumant sa fameuse pipe. Il était habillé à l’anglaise dans une veste en tweed à la Hitchcock. Il faisait très sérieux avec ses lunettes, dans un style très intellectuel. Il ne m’intimidait pas, car il faisait peur à beaucoup d’actrices à l’époque.
Suite à ce rendez-vous, il me donne le scénario, chose assez inhabituelle, pour le lire avant de repartir le lendemain matin. Il fallait que je leur donne une réponse avant de prendre l’avion. Je pense aujourd’hui que j’avais déjà le rôle avant le moindre essai. Alors je repars à l’hôtel et lis le scénario tout en dinant. Je ne savais pas trop quoi en penser, car c’était assez mal traduit. Puis j’avais le sentiment que le scénario était le prétexte à des effets horrifiques et gores, comme une jonction entre chaque effet pour les justifier.
Je m’aperçois surtout que je ne fais pas partie des effets à proprement parler outre le fait d’être enfermée dans un cercueil. Mais je n’ai pas été attaquée dans ce premier film, ni transpercée par la moindre chose ou je n’ai dû cracher des tripes. Je ne l’aurais certainement pas fait si j’avais été concernée par ces effets. Mais j’aime les paris, Frayeurs était un risque pour ma carrière. Je ne pensais pas que le film serait vu en dehors de l’Italie avec autant de succès. Après m’être concerté avec mon agent à Londres ne sachant pas trop quoi faire, j’accepte n’ayant pas de projets en cours et un sérieux besoin d’agents. J’étais vraiment persuadée que le film ne serait pas vu ailleurs qu’en Italie. Le film impliquait surtout un tournage aux États-Unis avec un passage par New York puis une partie à Rome, le tout pour 8 semaines de tournage. Personne n’avait ce privilège à l’époque. J’ai alors accepté. Puis ensuite j’ai compris mon erreur (rire). 38 ans après, les films sont considérés comme des œuvres à part, des films cultes ce qui m’amène à vivre un conte de fées, car on m’en parle encore aujourd’hui et je suis invitée partout dans le monde grâce à ses films.
J’ai fait autre chose avant et après, mais rien ne reste aussi culte que la trilogie avec Lucio. C’est incroyable. Il faut avouer que cela m’a pris un certain temps pour les assumer. Je ne souhaitais pas en parler, pas par désamour… Mais avec la complicité des fans, j’ai vu les films différemment en essayant de comprendre leurs amours indéfectibles envers les films qui se transmettent aujourd’hui de génération en génération. Petit à petit, je me suis attendrie envers les trois films. Ce n’était pas une trilogie souhaitée dès le départ, ce sont les facteurs concordants qui en ont fait une trilogie d’où ma présence et le style de Lucio. Ce sont de vrais films de Lucio, là est son cinéma, sa volonté de réalisateur. Il a fait énormément de films, des comédies, des westerns et des Gialli dont j’en ai vu un pas très bon. Mais les fans et autres cinéphiles ne retiennent que les films de la partie des années 80. Des films de l’au-delà – terme propice (rire) – d’un ailleurs, d’une autre sphère, outre le fait des vêtements des années 80 et du décor. On pensait vraiment que les films ne passeraient jamais le temps. On s’est bien trompé. Les trois films sont intemporels considérés comme des poèmes macabres. Lucio était un maestro. 

Catriona MacColl & David Warbeck dans L’Au-Delà (1981).

Vous avez collaboré trois fois avec Lucio Fulci. Quels ont été vos rapports dans le travail et le quotidien ?

Ce n’était pas un homme facile, tout le monde le savait. Quand tu avais son respect, cela se passait très bien. Il y a eu forcément des tensions, mais dans l’ensemble, tout s’est très bien passé. On s’aimait beaucoup. Lucio était un pari pour moi, je souhaitais lui plaire en tant qu’actrice. Mais Lucio était un metteur en scène taiseux et timide. Sauf s’il n’était pas content. S’il ne disait rien à la fin d’une séquence, je savais que ça lui plaisait. Et quand je réfléchis à l’idée que je suis devenue son égérie au fil du temps, c’est complètement dingue. Ce n’était pas prévu ni prémédité. Il y a comme une magie autour de ses films, la musique de Fabio Frizzi bien sûr, mais comme un tout impalpable qui a permis leurs réussites.
Il faut dire que les tournages des films rassemblaient le gratin des techniciens italiens. Ils avaient travaillé sur les films des grands réalisateurs italiens comme Visconti ou Fellini. C’était pareil pour les acteurs, soit de théâtre ou de télévision/cinéma qui étaient beaucoup les fils/filles de. exemple de Carlo De Mejo, fils d’Alida Valli, grande actrice de son temps. Donc il y avait beaucoup d’enfants de la balle et cela me rassurait de les voir participer à de tels projets avec rigueurs et enthousiasmes. On rigolait beaucoup sur les tournages pour décompresser des prises assez complexes à jouer toute la journée. Il y avait une belle ambiance en dehors du plateau.
Puis les tournages dépendaient de mes trois collaborateurs stars masculines. Dans Frayeurs, il y avait un grand respect mutuel entre Christopher George et moi. Il était beaucoup plus âgé avec une longue carrière à la télévision américaine et un peu de cinéma. Notre relation est restée professionnelle, mais avec David Warbeck sur L’Au-Delà et Paolo Malco sur La Maison près du Cimetière, on s’est adoré ! C’étaient des hommes intelligents, on rigolait beaucoup. Mon amitié avec David a duré des années jusqu’à sa triste et dramatique disparition en 1997. 

Catriona MacColl dans le rôle culte de Lady Oscar (1979)

Vous êtes connus comme l’actrice fétiche de Lucio Fulci, mais vous avez travaillé avec Jacques Demy pour Lady Oscar, chez James Ivory ou Ridley Scott, comment en tant qu’actrice vous vous adaptez à ses différents univers  ?

J’ai fait Plus Belle la Vie aussi (rire). C’est une passion avant tout, un métier aussi, mais surtout une passion pour moi. Le fait de voyager entre tous ses univers est un sacré pari en tant qu’actrice. À mon âge, j’assume totalement d’être associée au genre avec comme résultat de pouvoir continuer à travailler. Je travaille beaucoup moins, j’ai encore un pied dans le milieu et je suis contente de pouvoir travailler avec la jeune génération ayant grandi avec les films de Lucio Fulci. Je me demande même s’il n’y a pas déjà une deuxième génération en place actuellement (rire). Ils ne font pas forcément des films d’horreurs, mais leurs références viennent de ses films pour nourrir autre chose, le fantastique dans sa globalité. C’est un genre très vaste allant d’Harry Potter à bien d’autres choses qui correspondent au genre et cela me dépasse. C’est incroyable.
Il doit y avoir quelque chose en moi qui corresponds aux codes du genre. Ça me dépasse un peu. J’ai fait il y a quelques années une série française, Noires sont les Galaxies, qui est aussi devenue culte. Lors du tournage, je n’y croyais pas une seconde. La plupart des fans de Lucio apprécient cette série TV, ce qui est très étrange. Je l’ai revue récemment justement, avec son grain d’époque, un brin suranné, c’est super finalement. La série a un charme fou et je ne pensais pas la retrouver quelques années plus tard avec autant de succès. 

Catrino MacColl dans Noires sont les Galaxies

J’ai tourné en mai 2019 un premier court-métrage, Scarlett, d’une jeune réalisatrice, Sarah Tahraoui, qui m’a courue après pendant des mois (rire). Une jeune réalisatrice talentueuse de Lyon avec qui j’ai adoré travailler. J’aime collaborer avec les jeunes réalisateurs/réalisatrices, tout autant qu’avec les techniciens confirmés.
Mais j’avais fait du fantastique bien avant de rencontrer Lucio. À la fin des années 1970, j’ai tourné avec Jack Palance dans Hawk the Slayer (Voltan le Barbare en VF), film devenu culte depuis. Je jouais une jeune première qui devait tuer Jack Palance. Il y avait un casting de bons comédiens britannique et le film mettait en scène les premières épées lasers avant la sortie des Star Wars. C’était très amusant à faire et on a drôlement bien rigolé sur le film. J’ai en effet fait pas mal de choses.
Mais pour aller dans un univers tout aussi opposé avec Plus Belle la Vie, car on peut parler de Plus Belle la Vie, on m’a totalement déconseillé d’y participer. Mon entourage d’acteurs prenait mon choix avec un certain snobisme. L’exercice s’est révélé excellent et constructif, car nous tournions deux épisodes par jour. On avait le droit à deux prises, pas la place à la moindre erreur, sinon tant pis, ça passait quand même. J’ai été tuée dans la série, donc malheureusement je n’ai pas pu continuer. Je ne regrette absolument pas. Mais j’y ai retrouvé des techniciens que je connaissais de précédents tournages, qui avaient envie de faire autres choses de plus intéressantes, mais il faut bien travailler. Mais ni Plus Belle la Vie, ni Lucio Fulci n’ont causés le moindre tort à ma carrière, bien au contraire. Mais je pense que tout dépend de nos choix et de notre attitude envers les projets.

Propos recueillis pas Alexandre Coudray et Mathieu Le berre le dimanche 2 juin 2019 à Audincourt.

Nos remerciements particuliers à Catriona MacColl pour sa disponibilité et sa gentillesse.
Un grand merci aussi à Gilles Penso pour son soutien.

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