Perversion Story : Jeux de doubles

Lucio Fulci est à l’honneur cet été avec quatre films sortant en salles en version restaurée le 17 juillet sous l’impulsion des Films du Camélia. L’occasion de se plonger avec quelques frissons dans l’univers du maître de la poésie macabre et mieux appréhender son œuvre, souvent jugée gore et morbide mais néanmoins bien plus profonde que ses apparences tapageuses.

Des films de Lucio Fulci ressortant cet été, Perversion Story est le seul à avoir été tourné avant les années 70, décennie charnière pour le cinéaste. De fait, réalisé en 1969, Perversion Story entame l’approche du cinéaste vers le cinéma de genre, lui qui jusqu’à présent, a surtout réalisé des comédies (oui oui, on l’a oublié mais il a commencé comme ça).

Avec Perversion Story, Lucio Fulci entame donc son entrée dans le genre, évitant le giallo comme ses comparses italiens de l’époque (même s’il va flirter avec à diverses reprises, notamment avec Le Venin de la peur), préférant carrément aller jusqu’à San Francisco réaliser un thriller sous forte influence hitchcockienne. Il suffit de se pencher un peu sur l’intrigue pour s’apercevoir que Sueurs Froides a fortement influencé Fulci et son scénariste Roberto Gianviti. Le film suit le docteur George Dumurrier, tenant une clinique avec son frère. Marié à une femme malade qui le méprise, George a quelques dettes et fréquente Jane, une photographe avec qui il couche. Lorsque sa femme meurt en lui léguant un millions de dollars via une assurance vie dont il ignorait tout, George est rapidement suspecté de meurtre. L’affaire se corse quand il rencontre Monica Weston, une strip-teaseuse troublante ressemblant trait pour trait à sa défunte femme Susan…

Impossible de ne pas penser à Hitchcock certes mais Fulci ne compte pas rivaliser avec le cinéaste sur le même terrain. Avec Perversion Story (étrange titre français là où le titre original signifie ‘’l’une sur l’autre’’), le cinéaste s’aventure donc dans le thriller, loin du morbide pour lequel on le connaîtra (à l’exception d’un gros plan sur un cadavre pourrissant), surfant sur la mode pop de l’époque, dans le choix de ses décors et des milieux qu’il décrit (le club de strip-tease, avec ses soutiens-gorge en forme de mains est irrésistible). Le film, tordu dans son scénario aux multiples rebondissements, fait preuve d’une constante inventivité formelle : les images sont déformées, les cadres obliques, il y a des contre-plongées, des zooms, des cadres dans le cadre,  des reflets, du split-screen et même une approche quasi-documentaire sur la fin quand le film nous montre le glaçant fonctionnement d’une chambre à gaz.

Toute cette débauche formelle n’est jamais gratuite mais vient au contraire souligner l’importance des détails de chacune des scènes, permettant de mieux comprendre l’intrigue, pas toujours linéaire et parfois un peu embrouillée mais résolument fascinante. Le choix du casting n’est pas pour rien dans le trouble que vient jeter le film puisque Jean Sorel et son visage de marbre composent un personnage de bourgeois opaque tandis que Marisa Mell se voit attribuer un double rôle dont la charge érotique (quand elle est Monica Weston) se ressent à travers tout l’écran. Thriller retors, pas si pervers que le titre français le dit (même si quelques scènes, notamment une entre Marisa Mell et Elsa Martinelli, viennent jeter le trouble) mais résolument fascinant dans son approche visuelle ne se reposant jamais sur ses acquis, Perversion Story fait gentiment la transition vers le Fulci des années 70 déjà plus remonté et propose un pur moment de plaisir formel, montrant combien la mise en scène peut transcender un scénario assez classique.

4 Rétroliens / Pings

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