Le Roi Lion : L’histoire de la vie

Ça y est, la version live du plus grand classique d’animation Disney est enfin arrivée et il est désormais temps d’analyser ce qu’il faut en tirer. Réalisée par Jon Favreau, il s’agit de la deuxième adaptation live d’un classique Disney par le réalisateur après Le Livre de la Jungle. Déjà en 2016, Favreau avait abattu un travail honnête et remarqué lui permettant de se charger de cette seconde adaptation. Jusqu’à maintenant, Disney a su mettre à son service des réalisateurs confirmés, comme Tim Burton, Kenneth Branagh ou Guy Ritchie, pour mettre en scène ces adaptations et leur donner la vie qu’ils méritent. Le réalisateur d’Iron Man s’est d’ailleurs confié sur le respect qu’il souhaite accorder à l’œuvre et on ne saurait lui donner tort. Reste à voir si le pari est réussi ou non.

Déjà il y a deux ans son Livre de la Jungle était particulièrement bluffant d’un point de vue technique. Il n’a pas menti en prétendant que cette technique de prise de vue réelle serait poussée encore bien plus loin. La première chose qui frappe aux yeux est clairement cette technicité. On se croirait en présence de vrais animaux. Le souci du détail dans les expressions faciales des animaux, dans la crédibilité visuelle de leurs pelages ou de leurs poils. Les mouvements de la crinière des lions sont bluffants. Regardez Pumbaa en détail et vous aurez l’impression d’avoir en face de vous un phacochère plus vrai que nature. Reste un aspect du film qui oscille entre bonne et mauvaise surprise, le détail d’expression des animaux. Notamment lorsqu’ils se collent et « s’embrassent », on ressent l’émotion animale qui traverse les personnages, ce désir de contact accentue l’émotion dégagée. En revanche lorsque les lions doivent répondre d’une réaction ou une attitude plus humaine, le message passe moins. Les yeux des animaux sont très expressifs et c’est en ce sens que la technique est ahurissante, mais par moment ces expressions ne transmettent rien et laissent place a un vide émotionnel sidéral. Simba voyant son père tomber est moins impactant que Simba face à une horde de gnous dévalant la falaise ou une horde de hyènes à sa poursuite. Ce qui a toujours défini les classique d’animation Disney mettant en scène des animaux était aussi ce visuel particulier qui leur donne un aspect plus cartoon et moins vraisemblable. Cela donne corps au film d’animation et lui offre une véritable identité, notamment au travers de leurs expressions faciales et leur gestuelle. Jon Favreau a tout misé sur la véracité des événements et des visuels. De fait on se retrouve par exemple avec des hyènes peu attirantes au premier abord mais bien plus ressemblantes à leur congénères du monde réel.

Et c’est peut-être là qu’on tient le premier problème du film. S’il est visuellement très poussé et qu’il est objectivement difficile d’avoir à redire à la technique, ce désir de crédibilité et de vraisemblance pose un problème majeur. Ce qui rendait le film d’animation de 1994 aussi incontournable c’était aussi sa mise en scène et ses scènes grandiloquentes. Que ce soit la chanson de Simba futur roi ou « Soyez Prêtes » de Scar, les deux passages sont marquants visuellement par leur folie et l’exubérance de la situation. On en prend plein la vue, ça bouge dans tous les sens, la pyrotechnie est au rendez-vous. Malheureusement cela va à l’encontre des souhaits de réalisme de cette technique, adieu Pumbaa en pagne qui nargue les Hyènes de Scar. Mais la scène qu’on regrettera le plus de ne pas voir à l’identique est l’apparition de Mufasa dans les nuages. Dans le long-métrage, la scène reste impressionnante, mais le visage de Mufasa se distingue difficilement, de manière subtile. Ce passage pouvait pourtant se permettre d’être bien plus impressionnant et irréaliste que cela. La volonté était certainement d’accentuer l’image mémorielle du père de Simba qui existe en lui mais ne s’incarne pas, tel un Jedi devenu la Force. Il en résulte un énorme manque à gagner pour convaincre les puristes qui ne répondront pas présent pour ce long-métrage.

En dehors de ce réalisme à outrance dénaturant le film d’origine par moment, il s’agit ni plus ni moins d’un copié collé du film d’animation. Aucun écart n’est effectué dans cette histoire et toutes les scènes sont respectées à la lettre, là encore le côté cartoon en moins, mais avec un humour globalement plus présent pour y pallier. Notamment au sujet des hyènes personnelles de Scar, déjà très drôles dans le film d’animation dont l’humour est resté aussi présent mais plus adapté à cette narration. Au final les écarts sont très minimes, quelques scènes raccourcies, quelques autres rallongées, deux ou trois passages ajoutés pour remplir un peu le background de l’histoire mais un tout respecté scrupuleusement à la lettre. Trop même. À tel point que même les décors sont adaptés à cette véracité. Si le paysage de la savane est aussi magnifique d’un média a l’autre, ce sont plutôt les autres types de décors qui sont à mentionner. Les gorges pour la scène des gnous est en tout point identique mais pour mieux retranscrire la scène de la chanson « Soyez Prêtes », au lieu d’avoir des jaillissements de lave et des pylônes de pierre qui s’élèvent du sol, nous sommes seulement face à une grotte avec d’énormes stalagmites ou simplement des colonnes de pierres. Le cimetière d’éléphants est également moins impressionnant car encore une fois plus réaliste. On s’attriste au final que le film ne soit pas plus extravagant et un poil moins réaliste ou tout simplement, si le désir de réalisme est prioritaire, qu’il ne prenne pas plus de libertés vis à vis de l’histoire justement. Sujet sensible s’il en est, c’est aussi dans ces moments là qu’on peut discerner les bonnes adaptations, lorsqu’elles parviennent à s’émanciper de leur support d’origine.

Enfin le dernier point qui pouvait alimenter les débats était le choix des voix de doublage. Un débat nettement plus controversé en France d’ailleurs (concernant les voix françaises). Bien que James Earl Jones mette tout le monde d’accord concernant la voix de Mufasa qu’il reprend, d’autres voix pouvaient être de nouveau appelées. Les plus grosses vedettes comme Donald Glover ou Chiwetel Ejiofor fonctionnent bien, surtout concernant la voix de Scar qui parvient a retranscrire ce timbre si singulier qu’il possédait. Le vrai point fort en terme de doublage est clairement Seth Rogen, à croire que le rôle de Pumbaa a été taillé pour lui 25 ans à l’avance. Pour le reste du cast au final, s’agissant de rôles moins présents, les défauts se font moins perceptibles, y compris Beyoncé en Nala. Mention spéciale pour John Oliver en Zazu tout de même, un toucan avec la classe anglaise, il n’y a que Disney pour nous offrir une telle vision.

En conclusion, que retenir de cette nouvelle version? Qualitativement, il est impossible de prendre le pas sur la première version malgré une qualité visuelle absolument incroyable. Si la technique continue de s’améliorer aussi vite, nous n’aurons plus besoin d’animaux du tout dans un futur très proche. Dans l’espoir donc que cette nouvelle adaptation n’évince pas le film d’animation. Jon Favreau avait certainement les cartes en main pour offrir quelque chose de grandiose, il s’est contenté de quelque chose de convaincant. Beaucoup trop sage pour un tel hommage mais nettement acceptable dans la lignée de ces adaptations des classiques Disney. Un certain Tim Burton s’est permis avec plus d’aisance de prendre des libertés et ce n’est pas Jon Favreau qui ne serait pas capable d’en faire autant. Désormais, les yeux sont rivés sur Mulan l’année prochaine et nous attendons de voir jusqu’où nous mène cette mode.