Les Aventures de Rabbi Jacob : Le comique de toute une génération

Est-il nécessaire de présenter Les Aventures de Rabbi Jacob, film culte s’il en est ? Réalisé par Gérard Oury en 1973, il s’agit du 8è film du réalisateur et de sa cinquième collaboration avec l’un de ses acteurs fétiches, Louis de Funès. Ce dernier est un tel bout en train qu’il en vient à facilement éclipser les noms de ceux qui lui gravitent autour, résultant que l’on se souvienne plus régulièrement que c’est un film « avec Louis de Funès » et non « un film de … ». On y suit donc les aventures de Victor Pivert, campé par Louis de Funès, industriel français un brin raciste souhaitant se rendre au mariage de sa fille. Alors qu’il ne demande rien à personne, excepté à son chauffeur de débarrasser le plancher grosso modo parce qu’il est juif, il se retrouve impliqué dans une folle course poursuite mêlant un chef révolutionnaire, un commissaire de police, un gang de barbouzes, un rabbin et sa femme (qui n’est probablement pas la moins à craindre du lot). Son aventure le mènera à se déguiser en rabbin lui-même et être confondu avec le vrai Rabbi Jacob, trouvant donc l’origine du titre de ce long-métrage.

À sa sortie, Les Aventures de Rabbi Jacob fut un réel succès populaire au point qu’il soit adapté en comédie musicale dont MC Solaar a enregistré un single, Le Rabbi Muffin. Succès peu étonnant lorsqu’on connaît la carrière de l’acteur qui fut l’un des plus prolifiques avec Bourvil et Gabin (avec qui il aura joué à plusieurs reprises). Aujourd’hui on peut le dire sans rougir, Louis de Funès a influencé toute une génération et modifié à la racine l’humour français. Kaamelott en est le parfait exemple, Alexandre Astier ayant dédié sa série entière à l’acteur. Ce n’est probablement pas ce film là en particulier qui a changé la donne de l’humour, mais il y a probablement grandement contribué. Il faut dire que les années 60 et 70 en France ont été particulièrement flambantes en terme d’humour et de styles humoristiques. Bourvil, Pierre Richard ou même Jean-Paul Belmondo (dans un style propre à lui) sont autant de noms qui forgent cette grande époque et marquent le cinéma français de styles populaires et humoristiques bien distincts tous aussi impactant. Avec Gérard Oury, De Funès signe probablement quatre de ses plus grands films et en mettant en scène pour la première fois la communauté juive dans un film français, le mélange est détonnant.

Aujourd’hui on voudrait le comparer à des films comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ou toute autre comédie dans laquelle on peut retrouver, au choix, Ary Abittan, Medi Sadoun, Frederic Chau ou malheureusement Christian Clavier. Seulement si les thématiques sont similaires, on se rend compte que l’humour n’a au mieux pas beaucoup changé, mais surtout l’intelligence d’écriture s’est nettement dégradée. S’inspirant du vaudeville, Les Aventures de Rabbi Jacob possède cet atout d’être assez complet dans ses genres. Un humour sous toutes ses formes : visuel grâce aux grimaces et à la justesse de ton de De Funès, situationnel dans l’emboîtement de ses intrigues, l’enchaînement des histoires et la diversité de ses personnages ainsi qu’à un certain comique de répétition un peu lourd par définition, mais bien enrobé par sa légèreté et son rythme effréné. Puis son ambiance polar/espionnage qui nous rappelle ce juste milieu que George Lautner trouvait si souvent dans ses films entre l’humour et le film noir. Avec ses barbouzes qui ne rigolent pas échouant dans toutes leurs actions face à Louis de Funès. La justesse de jeu quant aux relations entre les personnages donne également un léger côté humaniste comme le souhaitait Gérard Oury. De Funès joue une fois de plus le parfait anti-héros qui se rie de sa situation quelle qu’elle soit et qui, à la manière d’un Jack Sparrow (héritage direct), finit toujours par retomber sur ses pieds. On peut dire que le film mérite sa restauration tant on peut s’attarder sur des détails, des mimiques, des figurants, des jeux de lumières qui trouvent un second souffle et que l’on pouvait ne pas déceler à l’époque.

Sa ressortie le 10 juillet 2019 implique aussi sa réactualisation car si le long-métrage de Gérard Oury est une pure comédie, Les Aventures de Rabbi Jacob n’en était pas moins politique. Il trouvait son actualité à sa sortie dans l’affaire Ben Barka. Une disparition particulièrement obscure encore sans réponse dévoilant un événement dont le cœur du problème est encore actuel, les tumultes géo-politiques impliquant Israël étant là pour le prouver. Le long-métrage épousait un message de rassemblement et de cohésion entre les peuples au travers de la communauté juive. Un message qui fait encore écho aujourd’hui et qui mériterait de nouveau d’avoir son porte-étendard. Probablement à cause de ces tentions et de l’omniprésence du politiquement correct, un tel film ne pourrait certainement plus voir le jour aujourd’hui. Attendons de voir OSS117 3, peut-être nous fera-t-il mentir.

L’année prochaine Louis de Funès aura son hommage à la cinémathèque française et bien que nombreux soient les titres qui prouvent qu’il mérite son exposition, celui-ci en est un exemple particulièrement parlant. Au grand dam des puristes qui pensent que le cinéma est élitiste et que seuls quelques élus doivent avoir leur place dans la prestigieuse cinémathèque d’Henri Langlois. Si tel est le cas, alors considérez que Louis de Funès fut un élite du comique pendant deux décennies.

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  1. Édito - Semaine 30 -

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