Attaque à Mumbai : The hotel has fallen

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le cinéma se nourrisse des drames terroristes ayant meurtri notre monde depuis 10ans. Que ce soit les tueries de masse en Norvège (Utoya, 22 juillet) ou les attentats de Boston (Traque à Boston / Stronger) ou indirectement avec l’exemple d’Amanda de Mikael Hers, drame étourdissant sur le deuil d’un frère et d’une petite fille, après une attaque dans un parc à Paris.
Ce n’est alors pas surprenant que de nouveaux films emboîtent le pas. Attaque à Mumbai (Hôtel Mumbai en VO) revient sur les 3 jours d’attaques au Taj Palace de Mumbai par des membres du groupe salafo-jihadiste pakistanais Lashkar e-Taiba en 2008. Nicolas Saada y avait consacré son précédent film (Taj Mahal) de par une forme plus abstraite se concentrant sur une jeune fille coincée dans sa chambre. Film fixe où l’on perçoit seulement les pieds des terroristes, la caméra restant axée sur Stacy Martin, sortant tout juste de Nymphomaniac de Lars Von Trier.

Taj Mahal de Nicolas Saada est une proposition indépendante, mais référencée. Anthony Maras prend la totale opposée avec un film plus franc et violent. Attaque à Mumbai est son premier essai après quelques courts-métrages. Le réalisateur australien y va au culot et cela fonctionne d’emblée. Le film s’ouvre sur l’arrivée du groupe terroriste en bateau sur une rivière polluée. Il se disperse en taxi dans la ville, certains se rendant à la gare, d’autres au café, le point culminant étant le Taj, à l’image des attaques du 13 novembre à Paris au Bataclan. L’attaque à la Gare se fera en hors-champs malgré la sensation de violence palpable. La diffusion des images lors du bulletin d’information à l’hôtel sera alors des plus pénibles.
En contrepoint, le film suit l’arrivée des hôtes et la préparation d’un serveur incarné par Dev Patel. On ressent la référence au premier Die Hard de la part d’Anthony Maras qui ne va jamais s’embarrasser du moindre superflu. Le long-métrage va suivre une galerie de personnages installés en quelques plans à l’image du chef cuisinier ou du majordome. Le riche couple incarné par Nazanin Boniadi et Armie Hammer, accompagné par leur nurse, bénéficie d’une meilleure exposition, le film axant sa dramaturgie autour d’eux. Mais chaque personnage trouve son utilité et sa place sans que cela gêne le moins du monde le déroulement du film.
Une narration fluide qui nous entraîne au cœur d’un flux de violence permanent. Les actes sont froids, le film entraînant le spectateur au cœur de l’attaque, dans les moindres recoins de l’hôtel. Attaque à Mumbai ne tombe jamais dans la facilité, bien au contraire. Anthony Maras se sert de la multiplication des points de vue et des différentes positions au cœur de l’hôtel pour relancer en permanence son récit. Le spectateur n’est jamais perdu, mieux même, il est constamment au cœur de l’action et du drame. Le film n’est pas une partie de plaisir, n’essayant pas la moindre seconde de divertir à travers les actes dramatiques s’étant déroulés ce 22 novembre 2008. Il se permet juste de créer une certaine dramaturgie pour lier les personnages et instaurer une forme d’empathie. Avouons que cela fonctionne, nous scotchant au fauteuil pour certaines séquences habiles et bien menées.

Si Anthony Maras traite adroitement son sujet et ses personnages, il n’en oublie pas les terroristes. Ce point précis nous faisait justement craindre le pire. Le groupe est mis en point d’orgue comme de réels « bad guy » avec leurs doutes et une certaine humanité. Le film en ressort des hommes perdus, pauvres, embrigadés dans une cause et un déchainement de violence remettant en cause leur postulat dans notre société cannibaliste. La voix les guidant vers un déferlement de haine pour un massacre de masse sous l’égide d’Allah est tout autant vampirique de par son jeu psychologique pompant toute humanité à ces êtres faibles et inconscients. Attaque à Mumbai ne justifie jamais les actes, mais permet le recul politique et sociologique nécessaire à la compréhension de ce final extrême évitable en tout point si notre monde était différent. Une nuance bénéfique élevant le film au-dessus du simple déroulement violent d’une histoire inspirée de faits réels opportunistes et bas du front. Le long-métrage s’évite surtout l’implication de méchants basiques, simples terroristes froids massacrant des innocents sans la moindre justification. Le questionnement et les réponses sont ailleurs, plus complexes que les simples apparats diffusés en boucles sur les chaînes d’informations internationales.

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