Ville Neuve : Réflexions en Gaspésie

Fertile, le domaine de l’animation n’a de cesse de nous surprendre avec des créations ambitieuses, aussi bien sur le plan formel que sur celui de la narration. Avec Ville Neuve, son premier long-métrage d’animation, le québécois Félix Dufour-Laperrière entreprend de mêler les deux pour un résultat déconcertant, récit intérieur d’un homme dévoré par ses démons dans une maison au bord de la mer alors que le pays est divisé par le référendum sur la question de l’indépendance du Québec. Nous sommes en 1995, Joseph veut renouer avec sa femme et son fils.

Librement adapté d’une nouvelle de Raymond Carver, Ville Neuve repose avant tout sur de longs monologues intérieurs où le personnage principal s’interroge sur son destin, ses erreurs et sa possible rédemption. Jamais trop explicatifs, les dialogues laissent affleurer de vieilles blessures et le parallèle entre le tiraillement de Joseph et celui du pays est intéressant, mis en exergue à travers des séquences assez belles, dues à l’esthétique bien particulière du film. En effet, Ville Neuve a été entièrement dessiné à l’encre de Chine sur papier, lui donnant un grain bien particulier, un aspect artisanal et grisâtre se mariant parfaitement avec son sujet.

Artiste chevronné, Félix Dufour-Laperrière a travaillé seul à la pré-production du film pendant un an et demi avant de mettre en place une production de deux ans en équipe réduite (entre cinq et trente personnes). Ville Neuve est le résultat d’un sacré travail de près de 80 000 dessins pour une durée d’1h15. On ne peut d’ailleurs que saluer la qualité du travail effectué sur le film, les dessins sur papier donnant à Ville Neuve son cachet bien particulier, parvenant à saisir en quelques images toute l’angoisse de son personnage principal à travers quelques symboles bien sentis.

On regrettera alors qu’en dépit de son ambition narrative, le film paraisse un poil hermétique, ayant bien du mal à livrer ses clés à la première vision, nous confinant dans un espace clos et gris avec un personnage auquel on a du mal à s’attacher en profondeur. La distance mise par le cinéaste avec son spectateur n’est peut-être pas voulue mais elle est bien réelle et l’émotion qui affleure manque alors de nous toucher. C’est dommage car avec son trait unique et son sujet ambitieux, Ville Neuve est une œuvre atypique dont on aurait voulu qu’elle nous touche en plein cœur. Reste la découverte d’un cinéaste dont on va suivre la carrière avec un vif intérêt.

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