Game of Thrones – L’utilité des libertés prises par la série.

La diffusion de l’ultime saison de Game of Thrones vient de se conclure et est pour nous l’occasion de revenir sur les différences entre la série et les romans d’origine. Loin de nous l’idée de lister basiquement le nombre de différences, un exercice auquel de nombreux sites à la volonté douteuse se sont déjà adonnés, mais bien de déterminer les raisons, les conséquences, la logique des choix, ce qui aurait pu être amélioré, mieux gérer, comment tout s’est déroulé etc. Comme vous le savez sans doute si vous lisez ces lignes, Game of Thrones est une série produite par HBO et créée par ce qu’on appelle aux états-unis des « showrunners » en les personnes de David Benioff et D. B. Weiss. S’ils sont les créateurs originels et scénaristes de la série, ils ne sont pour autant pas les réalisateurs de chaque épisode. En effet, encore quelque chose d’assez courant dans le monde sériel, les réalisateurs se succèdent et ne se ressemblent pas toujours lors des réalisations de chaque épisode de série. Par exemple, pour Breaking Bad, Rian Johnson, réalisateur de Star Wars 8 et Looper, a réalisé au total 3 épisodes, dont l’antépénultième de l’ultime saison. L’avenir nous fera donc peut-être découvrir quelques futurs grands noms du cinéma, bien que certains d’entre eux aient déjà fait leurs armes, notamment sur X-Files ou Lost.

Série diffusée depuis le 17 avril 2011, elle est devenue un véritable rendez-vous annuel pour les fans, à l’exception de l’année 2018. Mais avant d’être la série devenue incontournable, notamment grâce à feu Sean Bean, il s’agit surtout d’une adaptation de la série romanesque américaine A Song of Ice and Fire traduite en français Le Trône de Fer, écrite par l’auteur George R. R. Martin et dont la parution a débuté en 1996 et est toujours en cours à l’heure actuelle.

Il nous apparaît important de démarrer par ce petit résumé car, aussi inattendu que cela puisse paraître, nombreuses sont les personnes ignorant ces faits. Ainsi, comme vous pouvez le deviner, la série a dû conclure une histoire en supposant, interprétant, réinventant ce que George Martin n’a pas encore terminé. Au fil des saisons, on remarque les divergences progressives prises entre la série et les bouquins, on note le changement de rythme, la différence de narration et une qualité flexible. Ce que beaucoup ont alors mentionné comme une baisse de qualité est avant tout une adaptation artistique dûe à un envol narratif.

Afin de bien débuter ce dossier sur les différences entre l’œuvre d’origine et son adaptation, il est important de bien rappeler ce qu’est une adaptation. Selon le saint Wikipédia, est appelée adaptation le processus de modification d’un objet, d’un organisme vivant ou d’une organisation humaine de façon à rester fonctionnel dans de nouvelles conditions. Les éléments clefs sont donc la notion de modification qui implique un changement, et de nouvel environnement signifiant que le changement en question doit s’opérer afin de répondre aux besoin de ce nouvel environnement. Il s’agit donc bien de trouver le juste milieu pour garder l’essence de ce qu’on souhaite modifier et de trouver à la fois la bonne manière de s’en éloigner mais aussi les bons éléments pour rendre le produit adapté à son nouveau média. A vrai dire c’est même primordial qu’une adaptation prenne ses distances avec son sujet d’origine tant qu’elle ne trahit pas celui-ci. On peut citer de très nombreuses œuvres allant des séries populaires anglaises comme Skins ou The Office à Oldboy qui sont des œuvres dont l’adaptation s’est appliquée à un nouveau pays, donc de nouvelles cultures, mœurs, religions etc. On peut également penser au Nicky Larson de Philippe Lacheau qui est aussi une adaptation cette fois-ci en créant une histoire de toute pièce mais en conservant son contexte et ses personnages originaux. Un dernier exemple serait celui de 13 reasons Why dont les spectateurs ont eu du mal à accepter la lenteur de visionnage des cassettes par Clay Jensen. Cette lenteur s’explique pourtant par de nombreuses excuses que la série à trouvé mais avant tout pour tenir sur un total de 13 épisodes. Tous ces exemples loin d’être exhaustifs sont là pour démontrer qu’une adaptation ne peut vivre que parce qu’elle est différente de son sujet d’origine.

L’article va donc se décomposer selon le type de différence que l’on peut observer, allant de la simple différence visuelle aux changements d’intrigues voire de personnages.

1/ Les différence visuelles : Ed Skrein is still better than Michiel Huisman

Le premier type de différence entre les bouquins et la série est purement visuel. En tout premier lieu vient inévitablement Le Trône de Fer. S’il est déjà très stylisé dans la série et plutôt impressionnant, nous vous laissons le loisir de découvrir sur internet à quoi il devrait ressembler s’il était exactement comme décrit dans les romans. La description qu’en donne Daenerys dans l’ultime épisode de la série s’en rapproche d’ailleurs beaucoup plus. Dans la continuité, la série s’est permise quelques libertés visant à impressionner le spectateur, comme la porte de la lune des Eryés qui n’est finalement qu’une simple porte. Peu de choses à dire concernant ce genre de modifications qui sont surtout des arrangements techniques en fonction des besoins et des possibilités ou de pures propositions visuelles pour impressionner.

D’autres différences cependant ont fait parler d’elles, certains se sont notamment indignés de la balafre trop insignifiante de Tyrion Lannister des suites de ses exploits lors de la bataille de la Néra. Celui-ci devrait avoir le nez quasi intégralement arraché et une cicatrice nettement plus significative. De plus le nain de la famille Lannister est décrit dans les bouquins comme un gnome, et ce au sens littéral du terme, un être difforme et exagérément décrit comme inhumain. Hormis sa petite taille, Peter Dinklage est tout ce qu’il existe d’humain mais sa petite taille justifie le déni porté à son égard. Autant vous dire que c’est le genre de différence dont on se fout royalement et juste bonne à faire parler les rageux.

Cependant ce genre d’indignation peut avoir des répercussions assez problématiques. Difficile d’avoir le fin mot de cette histoire, l’acteur ne s’étant jamais risqué à en dire plus que des raisons «politiques», mais Ed Skrein, initialement casté pour le rôle de Daario Naharis, fut remplacé dès la saison suivante par Michiel Huisman. On a pu voir fleurir sur internet de nombreux photo-montages le montrant avec ses véritables couleurs décrites dans la saga. Notamment des cheveux bleus et des vêtements aux couleurs plus frappantes. Avant cela, on entendait déjà des gens crier qu’Ed Skrein ne correspondait pas correctement au personnage qu’il devait incarner. La saison suivante on le voit recasté par un acteur au charisme au rabais. Les vraies raisons sont peut-être toutes autres mais quand on voit le poids de la communauté pour faire changer l’apparence de Sonic dans le prochain film, on est en droit de se questionner sur les raisons qui ont conduit a cette grossière erreur. Ed Skrein est un acteur sensationnel au charisme fou, ce serait une sombre idiotie de se passer d’un tel élément juste parce qu’il ne correspond pas suffisamment au personnage qu’il est censé incarner.

Toujours dans cette continuité d’apparence, on pense tout de suite au personnage de Jaqen H’ghar. Ici ce n’est pas l’apparence qu’il est censé revêtir qui nous intéresse mais celle qu’il doit avoir après. En effet, ce personnage faisant partie de la confrérie des « Sans-Visages » a la capacité de transformer ses traits du visage pour en changer complètement. Dans les bouquins, même si on n’entend que très peu parler de lui après sa libération par Arya, on le sait ne plus jamais avoir un visage qu’il a « porté » auparavant. Or dans la série, alors qu’on le voit clairement changer de visage lorsqu’il quitte Arya pour bien faire comprendre au spectateur qu’il a cette capacité, on le redécouvre quelques saisons plus tard sous les même traits que lors de sa première rencontre. L’artifice est évident, il s’agit simplement de l’utiliser comme repère visuel afin de ne pas trop embrouiller le spectateur et que ce dernier puisse rapidement se rattacher à un visage qu’il connaît déjà. On peut accepter l’excuse sans difficulté, mais il apparaît tout de même contradictoire de faire à ce point attention au confort du spectateur quand on l’a allégrement envoyé balader concernant les changements d’acteurs de Daario Naharis et Gregor Clegane, par exemple.

On peut ajouter de nombreuses modifications visuelles mineures dans la série comme la taille des loups dans les dernières saisons qui n’est pas très impressionnante. On les décrit dans la saga comme étant presque 2 fois plus imposants alors qu’ils ne sont pas encore adultes. Mais une différence fait partie de celles alimentant souvent les réseaux sociaux, il s’agit de la scène de sexe entre Daenerys et Khal Drogo. Si elle est avant tout là pour décrire le Kahl et ses combattants comme des hommes brutaux et combattifs, on les sent également pourvus de sensibilité. La scène cherche donc à impressionner et donner le ton de la série alors que le Khal dans la saga est doux et prévenant et obtient le consentement de sa nouvelle épouse. Cette différence avec la série montre tout de même une volonté de dépravation visuelle, une tendance d’ailleurs beaucoup moquée dans la série animée South Park et surtout très décriée sur les réseaux sociaux.

A la différence visuelle on peut ajouter une modification de l’âge des personnages, justifiée par les studios de production du fait du caractère sexuellement inadmissible sur des mineurs de certaines scènes. Un choix qui pourrait être rediscuté si l’on doit parler de pédophilie ou de certains aspects comportementaux déviant, mais qui semble raisonnable dans le cadre d’une production à priori tout public dont le discours de fond ne porte pas sur ces questions. Après tout il s’agit d’une histoire dont le contexte politique et social se déroule durant une époque à priori médiévale et qui plus est dans un contexte fantastique. Peu d’intérêt alors de revenir sur ce genre de décisions d’autant que les événements concernant la sexualité des personnages n’est bien souvent qu’une lubie des showrunners. George Martin, à quelques exceptions près (n’est-ce pas Ramsay ?), a bien conscience que certains personnages n’ont qu’entre 7 et 10 ans et ne seront donc pas soumis à ces actes sexuels.

Bien que la question des différences visuelles semble simple et peu impactante, il apparaît une multitude d’éléments intéressants malgré tout et suffisent à montrer à quel point réfléchir une adaptation est complexe. Nous avons à peu près fait le tour de ces différences les plus simplistes, nous pouvons donc sans plus tarder passer à des problématiques mettant à mal une certaine cohérence du récit proposée par la série.

2/ Différences de personnages : « C’est qui lui déjà ? »

Cette fameuse phrase que vous avez certainement répété autant de fois que l’incontournable « Winter is coming ». Un running gag dont les nombreux internautes et spectateurs aimeraient bien se passer. En effet, une pléthore de personnages n’ont jamais été transposés au média télévisuel, au grand dam de certains fans. Alors qu’en parallèle, certains personnages n’existent que dans la série. Ce chapitre va être intimement lié aux deux suivants qui compléteront celui-ci. En effet il est beaucoup plus facile de créer des personnages à l’écrit dont la seule limite efficiente s’avère notre imagination. Mais dans le cadre audiovisuel, les acteurs, les décors, les costumes et un budget sont autant de raisons qui obligent à limiter la présence de certains personnages. Ceux-ci se retrouvent donc remodelés au travers des intrigues d’autres personnages. Mais il en subsiste quelques uns que la série aura du mal à justifier. Concentrons-nous ici surtout sur les personnages qui existent dans les romans uniquement. Parmi tous les personnages inventés par les showrunners, il n’en existe qu’un de véritablement central et seulement un ou deux ayant des rôles important mais dont la présence n’est pas très intéressante ici.

Pour commencer nous pourrions citer Willos Tyrell, frère de Loras qui a littéralement fusionné avec son frère ayant initialement rejoint la garde royale et ne pouvant plus se marier. Ou Belwas le Fort, un combattant de Daenerys ayant trouvé ses actes commis tantôt par Daario, tantôt par Barristan ou encore par Jorah. Ou encore Edric Storm, qui n’est finalement que l’ersatz de Gendry. Tous ces personnages, et bien d’autres encore, à des échelles plus ou moins centrales, sont l’exemple même des histoires qui peuvent trouver leur origine chez un autre. La saga prenant tellement son temps avec ceux-ci qu’il est difficile de savoir à l’heure actuelle qu’elle sera leur utilité. Alors une fois que vous avez engagé Joe Dempsie pour jouer Gendry, difficile de le mettre de côté pour engager un second acteur pour jouer un rôle qu’il pourrait totalement remplir. De même qu’il est inutile de multiplier outre mesure le nombre de personnages faisant partie de l’entourage d’un autre lorsqu’il est déjà de notoriété publique que les spectateurs ne se souviennent jamais de la moitié d’entre eux.

Mais dans le lot de ces personnages, en existe quelques-uns qui, sans avoir d’acteur les habitant, existent dans la série. Le premier auquel on peut penser s’agit de Benjen Stark. Le fameux « Rien de ce qui vient avant le mot ‘mais’ n’a d’importance ». Dans la série comme la saga, cet homme part en mission au delà du mur et ne revient jamais. Jamais aucune trace de sa survie ou de sa mort n’est rapportée à qui que ce soit. Or, dans la saison 5, quelques minutes avant l’assassinat de Jon Snow, quelqu’un lui rapporte le retour de son oncle Benjen. Un personnage complètement oublié qui entraîne pourtant une joie non dissimulée chez le commandant de la garde de nuit. Mais pourquoi ce retour soudain d’un tel personnage ? Il se trouve que la saga a introduit un personnage nommé Mains-Froide (dont on approfondira le rôle dans le chapitre suivant) qui n’est jamais apparu dans la série. Les suppositions et théories quant à ce personnage vont bon train, sans qu’aucune ne soit encore infirmée ou confirmée, et l’une d’elle prétend qu’il s’agit de Benjen transformé en marcheur blanc mais possédant toujours sa conscience humaine. Là survient un premier défaut, la série n’ayant jamais vraiment mis un terme à l’existence de ce personnage et profitant tout de même des rumeurs issues des livres.

Le second personnage est probablement l’une des erreurs les plus imputables à la série. Il s’agit de Tysha. Qui ? Tysha. Évidemment, vous ne vous souvenez certainement pas de qui il s’agit. Tyrion ne la mentionne qu’une seule fois, lors de la première saison. Il s’agit de son premier amour qu’il avait sauvé des mains de vulgaires brigands qui tentaient de la violer. Jaime s’était attaqué aux homme tandis que Tyrion réconfortait la jeune femme. C’est alors qu’elle s’est éprise de lui. Sauf que quelques temps après, Tywin lui explique que c’était une prostituée qu’il avait engagé pour dégorger le poireau de son difforme de fils. La série a donc bel et bien introduit le personnage de Tysha, or les scénaristes ont volontairement coupé la conclusion la plus importante de cette histoire. Lorsque Tyrion est emprisonné peu après la défaite d’Oberyn Martell face à Gregor, Jaime vient lui rendre visite. C’est alors que Jaime lui révèle un fait important, Tysha n’a jamais été une prostituée et avait véritablement aimé Tyrion. Cette annonce remet totalement en question la libido exacerbée de Tyrion mais justifie à plus juste titre sa colère noire lorsqu’il décide d’abattre son père de 2 carreaux d’arbalète. En échange de quoi, il dévoile à Jaime les relations incestueuses entre sa sœur Cersei et son cousin Lancel. S’il y a des intrigues qui sont plus importantes que d’autres et des personnages dont on peut se passer, le fait d’avoir introduit le personnage de Tysha pour ne pas faire mention de tout ce que son existence peut justifier chez Tyrion et la famille Lannister au complet, est parfaitement incompréhensible et relève d’une faute artistique et morale de premier ordre.

Le dernier personnage qui marquera la transition vers le prochain chapitre n’est autre que Victarion Greyjoy. A l’heure actuelle, les événements le concernant restent encore un peu floues. La situation des Fer-né étant assez laborieuse et compliquée mais non moins intéressante. On peut donc supposer qu’une partie des événements dirigés par ce personnage se retrouvent chez Yara (qui s’appelle Asha dans les tomes mais dont le nom a été changé pour ne pas la confondre avec Osha, la sauvageonne). Une véritable bataille politique fait rage aux îles de Pyk pour savoir qui doit prendre la succession de Balon Greyjoy entre Yara, Victarion et Euron fraîchement de retour d’une très longue mission. La venue de Victarion dans la série était un événement très attendu par de nombreux fans mais n’eut pas lieu. La question qui se pose ici vient des événements qui surviennent à partir de la saison 4, saison qui signe le début de l’émancipation de la série sur les bouquins. Pourquoi créer des aventures qui n’auront aucun véritable impact comme nous allons le voir pour ne pas en mettre d’autres qui permettaient de véritablement développer des personnages intéressants et des intrigues conséquentes ?

3/ Différences entre les intrigues : What did you expect ?

En effet dans les tomes, Yara ne part jamais à la rescousse de son petit frère. Une tâche qui, à priori, n’incombe pas non plus à Victarion puisqu’il décide surtout de faire campagne pour accéder au trône de grès et ne pas le laisser à son frère ainé, Euron. Ici Victarion n’est que le troisième frère de la famille Greyjoy et semblerait faire doublon avec d’autres personnages. Le problème étant que la série ne se donne plus du tout la peine de mettre en avant les Greyjoy. Théon restant continuellement dans l’ombre de tout le monde après sa libération, Yara n’étant sur le devant de la scène que durant les rares fois où elle cherche à sauver son frère et Euron n’étant qu’un pion de Cerseï, autre personnage qui ne retrouvera jamais la profondeur de son rôle après sa punition par le Grand Moineau. Alors que la famille entière avait de belles prépositions à influer lourdement les actes politiques de Game of Thrones, on se retrouve avec des personnages si peu exploités que Yara doit s’y prendre à plusieurs fois pour sauver son frère. C’est dire si elle aime naviguer pour tourner en rond à ce point.

Une autre intrigue qui pousse à l’incompréhension se déroule durant la saison 4 encore et découle directement de la non présence de Mains-Froides. Lorsque Rickon et Bran quittent Winterfell avec Hodor et Osha, ceux-ci se séparent dès leur départ, Rickon partant avec Osha vers Âtres-les-Conflins où ils auront pour mission de contacter d’éventuels alliés et de protéger Rickon comme potentiel dernier et futur héritier du Nord. Là où cela devient plus embêtant c’est lorsque Bran croise de manière interposée Jon Snow au sud du mur, Eté (le loup-garou de Bran) étant parti le protéger d’une mort presque certaine. A ce moment, une démonstration des pouvoirs de Bran a lieu en supposant que l’infirme ait pris possession de son Loup pour aider son frère. Mais plus surprenant, Mance Rayder aussi possède des change-peaux (ou Zomans) possédant ce don et Jon Snow et Arya nous en font également la démonstration, y compris dans la série. Un pouvoir que l’on n’attribuera plus qu’à Bran à l’avenir. Les scénaristes ont-ils, tout comme nous, complètement oublié les attributs de cette capacité ? Après cela, la quasi intégralité de l’aventure de Bran se déroule partiellement différemment, notamment son excursion avec Mains-Froides comme guide pendant un temps. Cette aventure dans le nord avec Bran commence par ailleurs à montrer de lourdes incohérence temporelles, certains personnages parcourant des distances plus ou moins longues a des vitesses très aléatoires. De là part le fameux mythe de téléportation de certains protagonistes.

En outre, beaucoup des différences n’ont pour unique but que de simplifier les intrigues ou de développer un ou plusieurs traits de caractères de certains personnages. On diminue le nombre de personnages d’une seule et même maison pour les dispatcher au travers d’une poignée de personnages seulement afin d’alléger le récit. Les différences à ce niveau sont légions et presque tous les personnages de premier et second plan y passent. Les différents assassinats, viols, mariages arrangés sont souvent plus doux et moins fréquents dans les bouquins. Ceux-ci tiennent d’une volonté à priori plus historique de l’importance des échanges politiques que de la volonté spectaculaire des meurtres dans la série.

Par ailleurs, certaines intrigues ne trouvent aucun problème à diverger de leur contexte d’origine. En effet la différence permet à la fois de minimiser la densité de personnages et de lieux, un problème toujours très compliqué à gérer lors des tournages, tout en y apportant les résultats escomptés. De fait, le lecteur se retrouve surpris de ne pas voir la même histoire mais d’assister malgré tout à sa finalité, seulement plus économique. A ce titre nous pouvons citer les relations entre Barristan Selmy et Jorah Mormont chez Daenerys ; les recherches très décousues de Brienne de Tarth et Podrick Payne dont les destinations différent du tout au tout ou plus tragique encore, la pauvre Jeyne Poole remplacée par la encore plus pauvre Sansa Stark chez Ramsay Bolton. Eh oui, la petite princesse a échappé à la pire énergumène que Westeros ait connu dans les bouquins, les showrunners n’ayant pas été aussi indulgent face à la grande sœur d’Arya.

Si ces intrigues trouvent assez facilement une justification, il en est quelques autres témoignant d’une hésitation fatale de la part des scénaristes à prendre des choix. Durant la saison 5 notamment, Ser Jaime Lannister et Bronn de la Néra s’en vont au sud, récupérer Myrcella. Inutile de dire que ce voyage n’a jamais existé, pas en présence de ces deux protagonistes du moins. Initialement, Myrcella est protégée par les sœurs Martell et promise au prince Trystan Martell. Seulement les tensions montent notamment à cause de la mort d’Oberyn (et d’Ellia Sand n’ayant pas trouvé justice). Dans les livres il est dit que la famille Martell se montre plutôt protectrice envers la fille Barathéon. Elle est cependant retenue comme otage politique, ce qui ne plaît définitivement pas à Cerseï. Sa mort n’est donc que pure supposition des scénaristes. Ser Jaime quant à lui est en réalité envoyé à Vivesaigue pour mener un siège contre la famille Tully. Cette période est censée montrer l’éloignement entre Cersei et Jaime, l’une sombrant petit à petit dans la folie pendant que son frère jumeaux prend conscience de la répercussion de ses actes et des événements qu’il subit au quotidien. Cette évolution des deux mentalités justifie d’abord à quel point Cerseï est brisée mentalement lorsque son amant ne la soutien plus et l’amène à la fameuse scène « Shame » quand Jaime poursuit sa quête initiatique de prise de conscience de l’environnement qui l’entoure et des réels enjeux qu’ils impliquent. On y voit également de plus en plus de divergence d’opinion au sein de la famille Lannister. La mort de Tywin pousse la plupart des protagonistes vers un apaisement des conflits et une politique plus douce qui mettrait de côté les vieilles rancœurs et les vengeances d’égo mal placées. La distanciation entre les deux intrigues semble signifier que le déroulement d’origine était bien trop sérieux et politique pour être raconter sur une aussi longue période.

Arrive donc maintenant les créations totales de la série et son émancipation totale par rapport à la saga. Notons que les saisons 6, 7 et 8 n’ont plus aucune correspondance avec les intrigues de la saga.

4/ Émancipation : Infirmes, bâtards et choses brisées.

Il existe de nombreuses intrigues très minimes et superficielles, peu intéressantes, développées dans la série. Celles-ci n’ont pour vocation que d’alimenter à leur manière le background de l’histoire. Un procédé simple à mettre en place à l’écrit, où l’on peut créer un nombre de personnages éphémères quasiment illimité, mais qui trouve vite ses limites en audiovisuel puisqu’il est plus difficile de faire concorder tous les personnages. D’autres scènes ne trouvent aucune correspondance avec les livres car elles sont uniquement là pour approfondir le personnage ou rendre l’histoire plus impressionnante et inquiétante. Toutes les grosses adaptations usent de ce procédé, à commencer par Le Seigneur des Anneaux par exemple. C’est lorsque ces nouvelles intrigues deviennent principales que le bât blesse.

Dans la saison 4 notamment (eh oui, encore elle) de multiples événements se déroulent autour du manoir de Craster. On assiste une première fois à une mutinerie dans ce manoir provoquant la mort de son locataire. C’est un peu plus tard que Jon Snow monte une expédition pour aller se débarrasser des mutins. Durant toutes ces scènes, énormément de choses se passent. On y voit Fantôme capturé, puis Bran, Jon vient se charger des mutins mais surtout, élément capital, un nouveau-né mâle est donné en offrande au Roi de la Nuit. Et vous commencez sans doute à comprendre, non seulement cette méthode de transformation d’humain en Autre n’est que pure supposition, mais plus étonnant encore, Le Roi de la Nuit est une parfaite invention des scénaristes, dans sa version télévisuelle du moins. Presque aucune mention n’est faite de « Roi de la Nuit » dans les romans, et aucune qui désigne explicitement un chef des marcheurs blancs. Toute cette création n’est donc là que pour introduire le Roi de la Nuit, la manière dont il transforme les bébés n’aura finalement aucune réelle répercussion à l’avenir. En sommes, il s’agit encore d’événements sur-développés qui ne trouveront aucun véritable impact par la suite.

Ce passage montre en revanche que les scénaristes arrivent au bout de ce que le matériau de base peut leur offrir. C’est pour ça qu’à la saison 5, les événements fidèles aux intégrales sont encore plus disparates. La série doit continuer de raconter des choses, mais quoi ? Après cela nous sommes face à de multiples intrigues qui n’ont ni lien ni intérêt. Prouvant également la difficulté à récupérer une cohérence et une longévité avec le matériau d’origine. L’épisode 3 de la saison 8 répond tout de même à ce questionnement, le titre de la série est « Le Trône de Fer » et non « A Song of Ice and Fire » impliquant évidemment que l’ennemi ultime n’est pas le Roi de la Nuit mais bien l’actuel détenteur du trône de fer.

La fin de la série est quant à elle expédiée, ils auraient dû faire une vraie pause d’une année ou deux après la saison 4 quand ils se sont aperçus que les livres n’allaient pas sortir tout de suite afin de réfléchir à comment aborder la phase finale. Quitte à proposer une longue ellipse de quelques années où l’on aurait appris de rudes batailles sanglantes, des échanges entre Daenerys et des familles locales, quelques morts qu’on ne verrait pas. Afin de repartir correctement et en grandes pompes sans avoir à user de ces artifices temporels finalement assez maladroits.

En conclusion, s’il apparaît comme une déception pour les fans des livres il faut y voir une opportunité pour les non initiés de s’orienter vers un nouveau média et la redécouverte d’un univers qu’ils connaissaient. Au lieu de voir le verre a moitié vide systématiquement, autant se pencher sur les éléments qui peuvent nous le faire voir a moitié plein. A cela s’ajoute la nécessité d’une distanciation entre le matériau d’origine et son adaptation, ici télévisuelle, puisque ne se posent pas les mêmes problématiques pour chaque média. Une opportunité pour les créateurs de revisiter le mythe selon leur sensibilité et d’y apporter, certes des modifications mais surtout des éléments qui s’incorporent mieux au nouveau média. C’est d’autant plus vrai ici que le point de départ est écrit et laisse donc une immense place à l’imagination, ce dont ne peut pas se permettre l’espace audiovisuel. Sans vous redéfinir le procédé sériel, il est impératif également de répondre a certains besoins comme la fidélisation, la progression épisodique de l’histoire ou encore découper correctement une saison, le passage de la saison 3 à la saison 4 en est d’ailleurs un parfait exemple.

Enfin il faut bien accepter que montrer au cinéma ou la télévision une histoire à 100% identique n’a qu’un intérêt fortement discutable. Évidemment s’en éloigner trop est tout aussi contre-productif, où est l’adaptation dans ce cas? C’est un juste milieu qu’il faut savoir saisir, rester fidèle dans les grandes lignes, voire dans le message final, à l’œuvre tout en essayant de l’améliorer ou de le rendre plus adéquat à son nouveau support. Une série qui n’aura pas réussi sur tous ces points mais ayant au moins le mérite d’avoir essayé pas mal de s’y tenir au maximum.

Merci au wiki de La Garde de Nuit qui a été une ressource sans faille dans les recherches pour la rédaction de cet article.

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