Rocketman : Une popularité qui fuse.

Après Freddie Mercury fin 2018, c’est au tour d’Elton John de se voir incarner au cinéma. La différence principale ici est que le second est encore vivant pour le voir. Et après Rami Malek, c’est au tour de Taron Egerton d’incarner une légende incontournable du rock, continuant ainsi la lancée inavouée d’un Rockstar Cinematic Universe. Les comparaisons avec Bohemian Rhapsody de Bryan Singer et Dexter Fletcher (sans collaboration entre les deux cependant) risquent de ne pas s’arrêter ici tant les similitudes sont nombreuses, et les deux longs métrages sortis très proches l’un de l’autre. Sans oublier que c’est Dexter Fletcher, réalisateur de Rocketman, qui s’est chargé du montage et de la fin du tournage du film centré sur Freddie Mercury.

On peut entendre ci et là Rocketman être une comédie musicale. Affirmation à moitié vraie, ou à moitié fausse comme vous le désirez, le film est éminemment plus un biopic, certes musical, qu’une comédie musicale. La volonté est là, lorsqu’Elton Hercules John n’est encore que Reggie, le long métrage nous gratifie de quelques scènes chantées, plongeant clairement la-dite production comme une comédie musicale. Seulement, une fois le jeune musicien devenu adulte, nous n’assistons plus à aucune scène de ce type, à l’exception éventuellement des lives de l’artiste qui ne sont cependant pas chorégraphiés, et sans danseurs qui plus est. Ainsi, ce n’est définitivement pas ce film qui comblera vos attentes de fan du genre. Préférez un The Greatest Showman ou La La Land, bien que la musique de ce virtuose du rock suffira à vous faire danser, ou fredonner le cas échéant. En ce sens, Rocketman répond exactement aux mêmes attentes que Bohemian Rhapsody, dépendant de votre préférence pour l’un ou l’autre des artistes.

A ce titre, il apparaît déjà que les critiques semblent plus ouvert à la production de Dexter Fletcher qu’à celle de Bryan Singer, or il manque à celle-ci approximativement les mêmes choses qu’il manquait à la précédente. A savoir que l’on se centre clairement sur Elton John la célébrité plutôt qu’Elton John l’artiste. Certains diront que l’artiste on s’en fout, c’est un virtuose et basta. Sauf que si l’on reproche au premier sorti d’être trop romancé, comment croire honnêtement l’affirmation qu’Elton John ne s’est jamais pris la tête avec son meilleur ami, comme il le dit dans le film, après avoir vu tous ces événements? La réponse est assez simple, on signe ce fameux contrat inexistant de spectateur. On l’accepte car on comprend le message sous-jacent, Bernie Taupin (un nom de famille qui ferait bien rire la communauté Twitch), malgré le caractère bien trempé de son collègue, n’a jamais failli dans son soutien pour son amitié. A vrai dire, Dexter Fletcher s’en sort bien dans sa narration. Tout le monde le sait maintenant mais Elton John lui-même a souhaité avoir son mot à dire sur la production, ainsi Rocketman joue de cette restriction en racontant l’histoire d’une rockstar qui se confie au sein d’un groupe d’entraide anonyme (style Alcooliques Anonymes par exemple). C’est à la fois le vrai Elton John qui se confie à travers son film, avec l’auto-censure qu’il désire, mais suivant les règles tacites concluent entre spectateurs et créateurs d’une œuvre. Sur ce point l’idée fonctionne du tonnerre, on accepte la légèreté de ton éventuellement narrée comme son exagération, on accorde à la superstar le crédit qu’on doit à sa confession en acceptant que pour chaque histoire, il y a autant de version que d’intervenants. Forcément, le récit à propos d’une telle légende devient tout de suite plus crédible quand le principal intéressé est là pour l’orienter, et ce même si l’on déduit rapidement quel genre de scène a été remodelé.

Le deuxième élément expliquant également un tel engouement autour de ce film, contrairement à son homologue Mercurien, tient dans l’existence actuelle de l’artiste dépeint, influençant, inconsciemment ou non, les propos que l’on peut tenir concernant son histoire. A y regarder de plus près pourtant, les deux productions se ressemblent beaucoup, à ceci près qu’Elton n’est pas le chanteur d’un groupe entier et qu’il est bien moins risqué de se focaliser uniquement sur lui que ce ne fut le cas pour Freddie. On ne suit pas la progression artistique mais populaire du chanteur, il passe par les mêmes phases de dépravation, en se tournant lui aussi vers la mauvaise personne pour guider son homosexualité, et plus si affinité. Bref, les années 70 direz-vous. En revanche, en insistant sur cette dimension humaine et en y ajoutant une part fantaisiste par son côté comédie musicale, l’histoire prend une toute autre ampleur, plus marquante et attendrissante malgré un manque flagrant de profondeur. Il en ressort une forme de pardon général, d’acceptation des défauts et erreurs de chacun. Comme si Elton John lui-même cherchait à faire table rase de ses échecs, ses regrets, ses erreurs et acceptait ceux des autres. Le long métrage se digère plus facilement et cette philosophie miséricordieuse pousse à l’acceptation.

Devant cette histoire absolument époustouflante cependant, se dévoile une mise en scène pour le moins, peu inspirée. Avec un personnage aussi exubérant que chatoyant, on s’attriste d’avoir un visuel aussi faible. Encore une fois la première partie, où notre rockstar est encore un enfant, possède une véritable identité visuelle. Entre idée de mise en scène au message fort et un filtre d’image justifié, ce ne sont plus que les costumes d’Elton qui ponctuent le reste du long métrage. Ceux-ci sont certes majestueusement fidèles et réussis, laissant clairement à Rocketman la compétition pour un oscar des costumes, mais ne marquent pas suffisamment l’esthétique attendue pour présenter un tel personnage. En revanche, si on nous avait dit il y a 10 ans que la plus grosse difficulté pour adapter une rockstar au cinéma serait le scénario et non son incarnation par un acteur, il nous aurait fallu de bons arguments pour y croire. Le casting est sans aucun doute le plus gros point fort de cette production. Après un passage noté mais non marquant dans Cendrillon, la visibilité de Richard Madden dans Rocketman va enfin lui donner raison d’avoir quitté le trône de HBO avant sa déchéance, faisant rétroactivement passer les Noces Pourpres pour une libération plus que bienvenue pour l’acteur. Jamie Bell quant à lui offre une prestation tout simplement parfaite en tout point pour un personnage voulu comme parfait par le chanteur. Bryce Dallas Howard joue, de son côté, à merveille de sa capacité à rester dans un demi-ton énigmatique, à la fois glaçant et chaleureux comme peu d’actrices savent le transmettre. Et pour finir un Taron Egerton plus Elton John que jamais, aussi convaincant dans le champ que dans le chant. Les traits de l’acteur se devinent assez facilement tout de même mais l’artifice est suffisamment bluffant pour y croire tout au long de la séance.

Il s’agit donc là d’un film à la fois enivrant et convaincant. Certainement mieux réussi dans sa globalité que son prédécesseur Bohemian Rhapsody. Mais il faut avouer honnêtement que cela tient plus de l’inconscient et de l’affinité globale que chaque spectateur entretien avec le chanteur et la légende qu’il a développé. Si le jeu d’acteur est à l’avenir aussi bon, on ne boudera certainement pas notre plaisir sur les prochaines adaptations. D’ailleurs commençons dès maintenant à parier, Elvis « The King » Presley, David Bowie pour continuer dans l’extravagance vestimentaire ou tout bonnement John Lennon, « un artiste pour les inspirer tous, et dans la musique les lier ». A vous d’y réfléchir, pour continuer ce Rockstar Cinematic Universe en devenir.

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