Aladdin : Rencontre avec Alan Menken

Vous ne connaissez pas forcément son nom mais vous connaissez tous son travail, vous avez grandi avec et vous avez fredonné bon nombre de ses compositions, c’est certain. Compositeur emblématique de l’univers Disney (il a travaillé sur La petite sirène, La Belle et la Bête, Aladdin, Pocahontas, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule, Raiponce), Alan Menken était de passage à Paris pour défendre son travail sur l’Aladdin version 2019, adaptation live-action du grand classique de 1992. Familier de cet univers (il a également travaillé sur la comédie musicale pour Broadway), Menken semble prendre un grand plaisir à le retrouver et, autour d’un piano où il nous a ravi en jouant des extraits de ses morceaux, nous a parlé un peu plus de son travail qui lui a rapporté 8 Oscars :

Qu’est-ce que ça vous fait de revisiter Aladdin pour la troisième fois ?

Ça fait plaisir car je n’ai pas l’impression de me répéter. Mon travail dépend du point de vue des gens avec lesquels je collabore, c’est eux qui me demandent de mettre en avant tel ou tel élément et je pars là-dessus, c’est toujours enthousiasmant. Pour Aladdin, l’ADN est le même, les différences sont dans le style des chansons. Et c’est bien d’avoir changé les chansons avec de nouveaux arrangements, ça va permettre au public de les découvrir avec une plus grande fraîcheur, ça ne fait pas réchauffé.

A l’époque du dessin animé, quelles étaient vos influences pour composer la musique ?

L’idée de base pour la musique d’Aladdin, c’était d’évoquer les vieux films de l’âge d’or d’Hollywood, ces grandes productions des années 20, 30 et 40 mettant en scène l’Orient mystérieux. Le premier morceau qu’on a écrit avec Howard Ashman (parolier décédé en 1991 – ndlr), c’était l’ouverture, Nuits d’Arabie, on voulait quelque chose qui rappelle un chameau traversant le désert pour inviter à l’aventure. Le reste, on l’a écrit sous une influence très jazzy. Pour la chanson Je suis ton meilleur ami ou encore Prince Ali, on s’est inspirés de Fats Waller ou de Cab Calloway. Avec Guy Ritchie, on est tout de suite parti sur un truc plus hip-hop.

Howard Ashman & Alan Menken

Justement, quelles étaient les difficultés à travailler sur une influence hip-hop ?

Aucune, c’est une question de rythme au final. Ça ne change absolument rien à la chanson, ce sont juste des variations. On a testé Je vole avec Guy Ritchie, c’était son moyen de voir jusqu’où il pouvait pousser l’influence hip-hop sans perdre la chanson. Et ça s’est très bien passé. De toute façon, je le dis beaucoup, mais je me vois comme un architecte. Je fais les plans de la maison, je m’assure qu’elle soit solide, après si vous voulez peindre les murs en violet, faites-vous plaisir !

Vous avez travaillé avec Will Smith pour qu’il se détache de la prestation de Robin Williams en génie ?

Non, je n’ai pas travaillé avec lui. Il savait ce qu’il voulait faire, ça fonctionnait, je n’ai pas interféré un seul instant. Ce qu’il livre à l’écran, c’est son travail de bout en bout !

La chanson Proud of your boy est très belle, mais pourtant elle n’est que dans la comédie musicale montée pour la scène, comment ça se fait ?

On n’a jamais trouvé le moyen de l’insérer dans le premier film et ça ne s’est pas fait ici non plus, on s’est concentrés sur autre chose. Dans le dessin animé, c’était une question de rythme, pour avancer dans l’histoire on n’a pas eu le temps de s’attarder sur l’histoire de la mère. Les mères ne vivent jamais très longtemps chez Disney d’ailleurs ! (rires)

Par contre, vous avez composé un nouveau morceau spécialement pour le nouveau film, Parler (Speechless en vo), une chanson écrite pour Jasmine, comment c’est venu ?

En discutant. Très vite, on a voulu une chanson pour Jasmine dans le film. Elle en avait une dans la version Broadway mais très scénique, ça n’aurait pas fonctionné ici. On voulait vraiment une chanson qui raconte quelque chose sur elle. On a très vite trouvé le titre que je trouve super et en une journée de travail, on a commencé à bien tenir la chanson. Mais elle a demandé beaucoup de travail par la suite car elle dégageait une telle puissance qu’il fallait bien la justifier dans le scénario. J’en suis très fier.

Combien de temps mettez-vous pour écrire une chanson généralement ?

Ça dépend. Je peux parfois l’écrire aussi rapidement que je la joue. L’écrire ce n’est pas un problème en soi, c’est tout ce qu’il y a autour, toutes les questions. Est-ce que l’histoire justifie la chanson ? Qu’est-ce que ça raconte du personnage ? A quel moment du film elle arrive ? Quelles sont ses influences ? Quand commence-t-elle ? Quand finit-elle ? C’est seulement quand la pensée est prête que les mains le sont. Mais il faut savoir se faire violence, il ne faut surtout pas tomber amoureux de son propre travail. Il arrive que l’on adore un morceau que personne n’aime. Il faut savoir le jeter et réécrire encore et encore. Être ouvert aux commentaires et ne jamais, jamais écrire quoi que ce soit simplement pour être aimé.

De tout ce que vous avez écrit, y-a-t-il un morceau que vous préférez ?

Toutes mes chansons sont comme mes enfants, je ne peux en privilégier aucune. J’avoue que je prends un malin plaisir à jouer Je suis ton meilleur ami. Mais je suis très fier de Parler, je pense qu’elle a un bel avenir.

Propos recueillis le 8 mai 2019 à Paris. Un grand merci à Alan Menken pour sa gentillesse et sa bienveillance.

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