House by the river : En eaux troubles

Tout à fait passionnante, la carrière américaine de Fritz Lang est traversée de bijoux noirs, de films à la narration redoutable et à la mise en scène soignée. Avec House by the river, s’offrant le luxe d’une sortie inédite en salles le 24 avril en version restaurée (il n’était jamais sorti au cinéma en France avant), Fritz Lang atteint une fois de plus des sommets formels !

Dès le début, nous sommes mis dans l’ambiance. Stephen Byrne (Louis Hayward, pathétique et terrifiant), écrivain en panne d’inspiration habitant une maison près d’une rivière houleuse, profite de l’absence de sa femme pour tenter de séduire sa bonne, qui vient tout juste de prendre un bain. Ses avances rejetées, Stephen tue accidentellement la bonne en voulant faire taire ses cris. Il décide de se débarrasser du corps dans la rivière à l’aide de son frère John à qui il plaide sa cause avec détresse. Pour aider Stephen et éviter à sa femme Marjorie un immense chagrin, John aide son frère mais vit très mal le poids de la culpabilité. Surtout qu’au fil du temps, Stephen semble très bien vivre avec son meurtre et son mensonge, y trouvant carrément l’inspiration pour publier un livre avec succès. Mais le courant de la rivière, traître, fait remonter le cadavre à la surface…

Avec ce film, Lang poursuit son exploration du film noir à tendance psychanalytique. Avec Le secret derrière la porte en 1948, il avait déjà utilisé cette veine très à la mode à Hollywood pour faire germer une psychologie complexe chez ses personnages à travers la mise en scène. Il fait de même ici, avec un sens du fatalisme évident. La maison près de la rivière, l’omniprésence de l’eau et du vent forment une multitude de détails illustrant la psychologie torturée de Stephen qui trouve en son acte une forme de tranquillité avant que celui-ci ne revienne le hanter. Avec sa noirceur visuelle, sa photographie très contrastée où chaque rayon de lumière en dit long sur la scène et son décor semblant tout droit sorti d’un conte, House by the river prend des allures de film gothique parfaitement délectable.

On regrettera alors que la magnifique aisance formelle de Fritz Lang serve un scénario qui aurait gagné à être plus fouillé. On y trouve de fabuleux détails et des personnages très intéressants (à l’image de John, le frère qui a renoncé à son héritage pour que Stephen puisse continuer à écrire) mais le rythme du récit est beaucoup trop rapide pour créer une véritable épaisseur. Et si l’on saluera la mise dans le bain très rapide, on aurait aimé que le film prenne un peu plus son temps pour développer ses éléments. Chaque scène, si elle se trouve à sa place, a toujours l’air un peu précipitée pour permettre au récit d’avancer. Cette concision narrative récurrente aux films américains de Lang trouve ici sa limite surtout quand arrive la fin, joliment trouvée mais trop abrupte pour pleinement convaincre. C’est dommage car House by the river, petit bijou noir passionnant, n’est vraiment pas passé loin du chef-d’œuvre, Lang ayant, comme toujours, été formidablement inspiré par ce récit de culpabilité. Mais ce défaut de narration ne doit certainement pas empêcher de (re)découvrir le film sur grand écran, celui-ci se montrant méritant sur bien des points, chacun de ses plans ayant reçu un soin particulier annonçant la beauté crépusculaire de La nuit du chasseur

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