Victor et Célia : Leur petite entreprise

Pierre Jolivet continue de surprendre tout en se forgeant une filmographie cohérente selon ses propres idées politiques. Il s’est focalisé sur les chômeurs, les chefs d’entreprise, petits employés sous-payés et les hommes du feu pour les besoins de son précédent film éponyme avec Roschdy Zem.
Avec Victor et Célia, en salles le 24 avril 2019, il traite le sujet d’une jeunesse trentenaire ayant les dents longues pour s’en sortir. Par le biais du métier de la coiffure, il axe son regard sur Victor, travaillant dans une grande franchise. Il décide de monter son propre salon et propose à Célia, une ex perdue de vue, de le suivre dans son aventure. Elle accepte de s’associer à condition que cela reste strictement professionnel. Bien vite, au milieu des paperasses, des charges, des réglementations et de tous les obstacles liés à la création d’une petite entreprise, les troubles amoureux resurgissent du passé et entraînent les deux jeunes associés dans une spirale sentimentale échevelée…
Pierre Jolivet a l’intelligence et la malice de rapidement axer son récit sur l’initiation de la création de ce salon de coiffure au cœur d’une ancienne quincaillerie. Les problèmes liés aux banques, les crédits, les démarchages auprès des entreprises pour de possibles investissements, les droits français et autres démarches administratifs vont devenir le quotidien de ce duo plein de charmes. La création d’entreprises en France n’est point un long fleuve tranquille, et dans ce récit plein de force et de fougue, Pierre Jolivet réussit à condenser cela avec une certaine pédagogie et un certain rythme comique. Le personnage incarné par Bruno Bénabar est là, en tant que comptable, comme la synthèse pour expliquer à Victor et Célia, novices en la matière, mais aussi aux spectateurs. Ces derniers ne sont alors jamais perdus face à ces péripéties dignes d’une grande aventure de cinéma.

Sur les bords du Rhône, le long-métrage nous permet de suivre l’initiation de deux jeunes essayant de s’échapper d’un quotidien qui s’installe devenant oppressant, voire agressif. On pense à ses patrons minutant le timing de la coupe, privilégiant la tondeuse, ou libidineux, collant trop ses coiffeuses par ce pouvoir de l’emploi, de ces lendemains incertains pour tous.
Les trentenaires actuels qui ne savent pas de quoi demain sera fait, se lançant dans une aventure vertigineuse et dont Pierre Jolivet trouve la moelle juste pour comprendre et développer ce sujet épineux en France. Victor et Célia pratiquent la coiffure, comme Pierre Jolivet aurait pu traiter des métiers de la boulangerie ou la maçonnerie. Il tient juste cette histoire d’un duo de coiffeur au bout de sa rue un jour d’un rafraîchissement capillaire nécessaire. Il lui en faudra peu pour transformer cette anecdote en un récit poignant de cinéma. Le film sur un métier, mais sur la nécessité d’une jeunesse française de créer et s’émanciper.

Victor et Célia a aussi pour lui la bonté de ne pas faire étalage d’une certaine jeunesse privilégiée. Le film opère une mixité, même mieux, campe deux personnages ayant tout à construire. Un jeune homme motivé et plein de ressources sans le sou avec un fils sous le bras (lien direct avec Pierre Jolivet et ses débuts au cinéma) et une jeune femme, petite fille d’immigrés maghrébins, qui plaque tout pour une aventure folle à laquelle personne ne croit, de surcroit avec son ex. On passera outre quelques pics grossiers de réalisation, certains personnages secondaires carrés, mais rien n’enlève à Victor et Célia une énergie de cinéma bienvenue, un boost qui rafraîchit en ce début de printemps nous faisant sortir de la salle avec un sourire des grands jours.

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