Time and Tide : Quand le foutoir devient un art

Lors d’une interview, on demanda à Tsui Hark de résumer son cinéma en un mot, ce dernier répondit « la recherche ». Cela se ressent dès la première scène d’action de Time and Tide, véritable maelström d’idées visuelles où ces dernières s’enchaînent sans répit. Le film s’impose avant tout comme une prouesse de style à laquelle le scénario-prétexte se soumet corps et âme. Tyler cherchant à gagner beaucoup d’argent pour subvenir aux besoins de la femme qu’il vient de mettre enceinte devient garde du corps. Au cours de ses boulots, il se liera d’amitié avec Jack, un professionnel du milieu, mais la force des choses fera qu’ils se retrouveront dans deux camps opposés et devront en découdre.

Inutile de chercher une quelconque finesse dans ce défilement de clichés et de facilités qui vont vite s’embrumer pour perdre le spectateur lors du premier visionnage. Le script n’est qu’un support pour installer un mouvement perpétuel, qui va de conflit en conflit. On abandonne bien vite la quête de sens au milieu de cette valse au McGuffin, de laquelle transparait avant tout une envie de balloter les personnages de décors en décors. Composante essentielle de Time and Tide, les lieux sont exploités de façon ingénieuse par les personnages, support d’improbables cabrioles et de nombreux gunfights. Une chorégraphie aussi millimétrée dans sa conception que volontairement brouillonne dans l’image qu’elle renvoie.

Pour magnifier la castagne et illustrer la dualité de sa représentation, Tsui Hark fait virevolter sa caméra. S’affranchissant des limites physiques avec de grands mouvements qui traversent des bâtiments entiers ou se faufilent dans le canon d’une arme, la caméra est nerveuse, voire folle par instant sans jamais porter préjudice à l’action toujours fluide. Le tout est accompagné par un découpage nerveux, avec une myriade de cuts, qui déstabilise parfois (en nous privant de l’impact de certains coups par exemple), mais qui ne sonne jamais faux. Les plans offrent des points de vue inattendus qui ne ratent jamais l’essentiel, l’action reste lisible et les héros sont iconisés le temps d’un coucher de soleil ou/et d’une pose bien frimeuse.

Les tropes du film d’action tels qu’on les connaît sont bien présents sans jamais rougir de leur condition : les personnages délivrent de la punchline aussi datée que délicieuse, le méchant grimaçant cabotine plus que de raison et tout est prétexte à faire déclencher une pluie de plomb. Les situations typiques s’enchaînent ainsi avec une facilité que l’on aurait tort de bouder, de la mission de protection à la poursuite en voiture en passant par une chasse à l’homme pour terminer dans un stade bondé d’innocents, pour toujours plus d’enjeu, rien ne nous est épargné et c’est tant mieux ! Time and Tide se veut aussi riche que généreux, si bien que le spectateur ingère les bouts de gras (certains effets 3D qui vieillissent mal, mais donnent un côté cheap amusant) en même temps que tout le reste, parce que c’est aussi ça qui lui donne toute sa saveur.

Alors que la révolution Matrix était sorti 2 ans auparavant (lui-même inspiré du cinéma hongkongais), Hark tente avec Time and Tide de renouveler encore une fois le genre. Si son empreinte est moins inscrite dans l’inconscient collectif que l’œuvre des Wachowski, ce laboratoire expérimental de l’action fourmille de bonnes idées qui témoignent d’un travail de recherche dingue et d’une inventivité de tous les instants. Un véritable travail d’artisan qui enchaîne les exercices de style, à mi-chemin entre chaos et maîtrise. Un tour de manège qui donne des sensations fortes sans que la nausée ne nous gagne jamais.

2 Rétroliens / Pings

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