Millénium – Ce qui ne me tue pas : Nouveau départ

Avec Millénium – Ce qui ne me tue pas, Fede Alvarez n’en est pas à sa première tentative de reboot. Au-delà du résultat, sa relecture d’Evil Dead avait le mérite de proposer une approche totalement différente des films de Sam Raimi, plus violente et graphique. En s’attaquant à Millénium, le réalisateur uruguayen a donc la charge de nous proposer une vision tout aussi personnelle. L’exercice n’est pas inédit, on pense notamment à la franchise Alien.
Alvarez adapte ici le quatrième volet des histoires de Lisbeth Salander, nouvel auteur, nouvelle approche. Une ambiance et des acteurs différents en font donc un candidat parfait au reboot. Alvarez le dit lui-même : si l’on cherche l’ambiance noire et sinistre du film de Fincher ou de la saga de 2009, le spectateur peut passer son chemin.  Embrassant son idée, le film commence sur un flashback, sorte d’origine story de Lisbeth, assouplissant la transition entre Rooney Mara et Claire Foy, la nouvelle interprète de Lisbeth.

Lisbeth est une enfant maltraitée fuyant son passé et se vengeant des hommes comme son père. Elle souffre, tremble, fatiguée par trois années à se cacher des autorités. Cette introduction, même si déjà vue, permet à Claire Foy de créer un terrain vierge sur lequel construire son personnage, comme le montre le premier plan de son apparition dans le film. Telle un ange vengeur, une vigilante, elle veut détruire ceux qui maltraitent les plus opprimés, ici les femmes. La Lisbeth de ce film ne sera pas celle qui traque et enquête comme c’était le cas chez Fincher, mais celle qui humilie et détruit les hommes. Plus sociable, elle devient elle-même « prédatrice ». Ce changement de rôle permet ici de construire, à quelques occasions, des situations en apparence prévisibles et attendues, mais seulement pour mieux les renverser.
Une fois l’histoire contextualisé par le passé, la véritable séquence d’introduction du film fait preuve d’un pouvoir suggestif intriguant. D’abord statique, la caméra nous offre un magnifique paysage urbain vue depuis un appartement de luxe. S’ensuit un simple mouvement de caméra, agrandissant notre champ de vue pour nous montrer l’arrière du décor, une femme battue, au sol, et son mari l’accusant de son état. En un mouvement, le hors champ parvient à exister, cette femme que l’on voit enfin, pourra maintenant être sauvée. Malheureusement, cette efficacité de l’image, simple et concise, disparait dès que de véritables enjeux dramatiques se posent. La multiplicité de personnages secondaires peu convaincants maltraite immédiatement la trame principale. Laquelle n’est pas aidée par un casting qui, hormis Claire Foy, s’avère plus qu’anecdotique, particulièrement son confrère Sverrir Gudnason, relayant le personnage de Mikael Blomkvist au niveau de figurant.

Chaque personnage semble être extrait d’autres franchises, créant des situations attendues dignes d’un Jason Bourne ou d’un James Bond. Tout cela au dépit de la cohérence générale, créant un mélange parfois dur à avaler. Cette volonté d’en faire trop sans pour autant aller jusqu’au bout fragilise alors le film. Si on peut apprécier ponctuellement le dynamisme de certaines séquences maitrisées de bout en bout, dotées d’une approche très graphique des couleurs et aux mouvements de caméra fluides et rarement statiques, le principe devient rapidement redondant.  Le film s’embarrasse de nombreux artifices et finit par souffrir de certaines facilités. Des coïncidences à répétitions, une volonté de trop raconter plutôt que de surprendre, font que le scénario ne peut que désamorcer lui-même ses quelques twists. Les rares instants de tensions sont expéditifs. La multiplicité de personnages et d’enjeux finit par prendre le contrôle du montage.
Le film oublie rapidement son personnage principal au profit d’une trop grande clarté qui empêche à la dernière demi-heure du film, pourtant prometteuse, de se concentrer sur Lisbeth. Tout ce qu’elle y subit nous laisse indifférent et chaque scène devient prévisible. Pourtant à certains instants, quelques passages glauques, tels qu’une exécution ou le retour de traumatismes liés à l’enfance, sont ingénieux et créent pendant de courts moments un univers bien plus cohérent que ce qui les entoure. À se demander quelle était la liberté du réalisateur dans sa façon de montrer les choses, tant on a l’impression à certains instants qu’il se force à reproduire les méthodes et cadrages de Evil Dead, loin de la subtilité de Don’t Breath.

Si l’enchainement d’actions n’a rien de spectaculaire et reste prévisible, le film a le mérite de proposer un mélange de scènes parfois efficaces et dynamiques, laissant la place à quelques moments sincères entre les personnages. Mais en fin de compte, en voulant marquer sa propre identité, Fede Alvarez fini par traiter son histoire sur le même ton que ses prédécesseurs. Le film est parsemé de bonnes idées (la dualité entre le rouge antagoniste et le cocon blanc de Lisbeth), mais il finit par se contredire, allant même jusqu’à rendre Lisbeth impuissante sans l’aide de protagonistes masculins pourtant oubliables mais scénaristiquement nécessaires. Reste au bout du compte un divertissement correct profitant du travail impressionnant de Claire Foy, mais laissant un gout amer sur sa fin. 

1 Rétrolien / Ping

  1. Millénium - Ce qui ne me tue pas : Test Blu-Ray -

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*