Dumbo : rencontre avec Tim Burton et Eva Green

Un millionnaire qui se déguise en chauve-souris, une créature aux mains d’argents, des extra-terrestres aussi terrifiants qu’hilarants, un cavalier sans tête, un barbier sanguinaire et maintenant un éléphant volant ! Décidément l’univers de Tim Burton est fait de personnages qu’on ne voit pas tous les jours et à bien y réfléchir, il était le candidat idéal pour réaliser cette adaptation live de Dumbo, grand classique des studios Disney. Nous avons profité de sa venue à Paris pour l’interroger un peu plus sur son attachement à Dumbo. Et comble de la joie pour la rédaction, il était accompagné de la sublime Eva Green, le film marquant leur troisième collaboration. De quoi évidemment alimenter une belle rencontre :

Vous avez précédemment déclaré que le premier Dumbo avait eu un grand impact sur vous. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Tim Burton : Un éléphant qui vole, c’est si beau ! Je me sens proche de Dumbo, de ce personnage un peu à part, rejeté par les autres parce qu’il est différent. Or, on peut être différent et en avoir l’avantage, je le sais, je suis passé par là, notamment au sein de Disney (où il a commencé en tant qu’animateur –ndlr). C’est pour ça que raconter cette histoire me tenait à cœur.

Et vous Eva, c’est aussi ce qui vous a attiré ?

Eva Green : Oui, j’ai grandi avec Dumbo, c’est une histoire bouleversante. Et quand on y réfléchit, il n’y a que Tim pour raconter cette histoire. Il comprend les incompris.

Quand Tim Burton vous appelle pour un rôle, on dit oui tout de suite ?

E.G : Ah oui, qui dirait non ? Je ne lis même pas le scénario qu’on m’envoie, j’accepte immédiatement. Il offre des rôles tellement singuliers et ses plateaux sont toujours joyeux, on ne refuse pas ce privilège !

Tim, vous avez voulu faire ce film car il fait écho à toute votre œuvre ?

T.B : Si je l’ai fait, ce n’est certainement pas conscient. Comme je l’ai dit, je me sens proche de Dumbo et c’est pour les sentiments que j’éprouve envers lui que j’ai voulu réaliser le film.

Avant de tourner, vous avez lu le livre écrit par Helen Aberson à l’origine du dessin animé ?

T.B : Non, je suis resté sur cette image du dessin animé et sa simplicité, son côté fable. Ça me suffisait.

De la même façon, vous aviez des références en tête pendant le tournage ?

T.B : Uniquement le dessin animé. Et encore je précise que ce n’est pas vraiment un remake, c’est plus une adaptation autour des mêmes thèmes. De façon générale, je suis inspiré par tout ce que j’ai vu mais je n’ai pas de références précises en tête quand je tourne. Là pour ce film, c’est avant tout la palette des couleurs qui m’intéressaient. Ca et la perspective de créer un parc d’attractions grandeur nature. J’ai pu construire le mien plus rapidement que DisneyWorld ! (rires)

L’univers du cirque vous a visiblement inspiré visuellement et ce n’est pas la première fois qu’on trouve un cirque chez vous, c’est quelque chose qui vous parle ?

T.B : Oui et non. Je n’ai jamais aimé le cirque, même enfant. J’ai toujours trouvé que c’était un endroit bizarre. Les clowns sont effrayants, les animaux sont enfermés, il y a des numéros où les artistes frôlent la mort, c’est assez étrange. Mais en même temps, c’est un univers qui me parle pour l’effervescence qu’il y a, tous ces artistes réunis au même endroit, c’est assez beau.

Comment ça se passe sur le tournage pour mêler effets spéciaux et acteurs réels et parvenir à trouver un équilibre ?

T.B : C’est très étrange à vrai dire ! On travaille avec tout le monde sauf l’acteur principal qui n’est pas là, qui ne peut être physiquement présent. Pour justement créer un bon équilibre avec ce très bel et très bizarre animal si incroyable, il me fallait des acteurs à son image. (Eva Green fronce les sourcils, amusée). Je voulais créer une famille dysfonctionnelle à laquelle on s’attache rapidement. C’est aussi pour ça que j’ai retravaillé avec Eva, Michael Keaton ou Danny DeVito, je voulais recréer une sorte de famille. Ce qui s’est fait naturellement avec Colin Farrel d’ailleurs. Et quand on y réfléchit, le cinéma n’est qu’un grand cirque !

Eva, vous jouez une acrobate dans le film, vous avez enfin pu vaincre votre peur du vide ?

E.G : Oui ! Ça n’a pas été facile mais Tim tenait à ce que je fasse le plus de scènes d’acrobaties moi-même. Si j’ai parvenu à vaincre mon acrophobie – car oui j’ai appris que ça s’appelait comme ça – c’est avant tout grâce à la patience et la passion des acrobates avec lesquels j’ai travaillé.

Qu’est-ce qui vous a frappé sur le tournage, y avait-il une différence avec vos précédentes collaborations avec Tim ?

E.G : Ce qui m’a vraiment frappée, c’est le gigantisme des décors. Il y avait très peu de fonds verts, j’avais l’impression de me retrouver à l’âge d’or hollywoodien avec des décors grandioses. Et surtout il y avait une très bonne ambiance, tout le monde était passionné parce qu’il faisait. Moi-même, je m’entraînais tous les jours pour mes acrobaties.

Votre personnage, Colette, joue une femme qui s’émancipe d’un homme toxique. Ce n’est pas la première fois que vous jouez une femme forte, c’est quelque chose que vous recherchez dans vos rôles ?

E.G : Je ne choisis pas mes rôles parce qu’ils sont féministes mais c’est vrai que j’aime les femmes fortes, complexes et courageuse. Dans Dumbo, Colette est présentée comme un oiseau en cage mais elle se libère de Vandevere. C’est une femme moderne et oui ça m’intéresse forcément.

Tim, peut-on dire que le film est un mélange entre votre univers assez sombre et celui de Disney plus coloré ?

T.B : Je ne crois pas qu’il y ait mélange. Regardez les vieux Disney, c’est avec eux que l’on apprenait la peur et la mort ! Il y a toujours eu cette part sombre en eux, on ne le comprenait pas immédiatement mais on l’appréhendait, c’était là. Ils ont été sombres avant moi !

Vous avez déclaré un jour que la créature de Frankenstein vous réconfortait, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

T.B : De la même manière que la créature de Frankenstein me réconforte, Dumbo le fait aussi. C’est parce qu’ils ont quelque chose qui fait partie de moi, je les comprends. Cette impression de ne pas être à sa place dans ce monde, de se sentir différent, je sais ce que c’est. Et j’utilise ces sentiments pour créer des images, des symboles, ça me sert dans mon travail. Ceci dit, je me sens désormais plus proche du loup-garou ! (rires)

Propos recueillis à Paris le 18 mars 2019.


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