Exfiltrés : En Territoire Ennemi

Le cinéma français se réveille prenant à bras le corps des sujets forts pour en tirer des fictions palpitantes. Exfiltrés repose sur une énième histoire vraie s’étant déroulé au début de l’année 2015.
Rakka en Syrie, Faustine ouvre les yeux sur l’enfer dans lequel elle s’est jetée avec son fils de 5 ans. À Paris, Gabriel et Adnan, deux jeunes activistes, sont émus par la détresse de Sylvain, le mari de Faustine. Ils vont ainsi monter une opération d’exfiltration à haut risque.

Faustine est la représentation d’une certaine génération française qui vit avec le marasme économique, la peur des attentats et les promesses d’une herbe plus verte ailleurs. Une génération qui fait subir la tristesse, l’inquiétude et la perte à leurs proches pour atteindre l’illusion d’une liberté. Emmanuel Hamon, pour son premier film, ressert tout cela dans le personnage de cette jeune assistante sociale qui part avec son fils en quête d’une chimère. Elle se retrouve rapidement la tête dans le sable. De ce sujet devenu banalité dans notre société, le réalisateur met en scène un drame fort, mais surtout un récit d’espionnage de haute volée. Emmanuel Hamon se sort en permanence des pièges d’un budget limité crispant son intrigue pour éviter l’éparpillement dans des explications inutiles. La relation père/fils entre Charles Berling et Finnegan Oldfield servira notamment la cause d’un film surprenant.

Surprenant, Exfiltrés l’est assurément. Notamment par sa facilité à sortir le spectateur du carcan des bureaux et de suivre l’intrigue de loin. Nous ne sommes pas dans ce type de long-métrage jouant l’économie sur un pitch aguichant. La Jordanie servira de façade à rendre crédible une Syrie étouffante. Mieux, Finnegan Oldfield sera un espion crédible qui permettra d’exfiltrer la mère et son enfant dans une dernière partie accrocheuse.
Rien n’est laissé au hasard dans ce film remarquablement réfléchi. Emmanuel Hamon n’est point un débutant. On sent l’expérience d’un assistant-réalisateur aguerri aux tournages fastueux entre La Reine Margot de Patrice Chéreau, l’Indochine de Régis Wargnier ou Prêt-à-Porter de Robert Altman. Nous faisons face à un récit à la vive tension. L’exfiltration de Faustine en est l’exemple ou encore l’arrivée d’Adnan sur le territoire français, dont la simple vérification de papier devient une pure séquence de suspense.

S’il n’a rien à envier à certaines propositions américaines, Exfiltrés est surtout un film d’acteurs. La tension de certaines situations s’incarne dans quelques séquences par la tension et le ressenti des acteurs, notamment lors du sauvetage de Faustine passant la frontière, point d’orgue du long-métrage. Finnegan Oldfield se mue alors en un espion charismatique, Charles Berling apportant son assurance posée en tant que père et Swann Arlaud… Au départ hésitant dans cette scène de parking où l’on sent d’emblée un problème de couple. Puis l’acteur s’impose par magie en évitant de se prostrer en père apeuré. Le rôle n’est pas simple, car inactif, presque apathique. On sent le bouillonnement intérieur d’un acteur qui se retrouve avec le caractère complexe d’un personnage maltraité au cœur du récit. Mais Emmanuel Hamon évite la focale inutile sur l’acteur surjouant l’émotion. Il suffit d’un arrière-plan avant de trouver le juste équilibre pour en tirer un héros singulier.

Exfiltrés est un long-métrage qui peut malheureusement passer sous les radars à cause de la multitude des sorties hebdomadaires. Il serait toutefois dommage de ne pas laisser la chance à ce film dynamique et frais au cœur de la production actuelle. Un film empli d’une certaine volonté, imparfait certes, mais nous procurant une aventure palpitante, à l’image du dernier film d’Antonin Baudry, Le Chant du Loup, incroyable récit militaire, permettant au cinéma français quelques sursauts bienvenus.

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