Sex education – saison 1 : La fiction que l’on attendait tous sur les adolescents !

Alors que l’on croyait que les histoires d’adolescents étaient quelques peu passées de mode, ou en tous les cas, que les scénaristes n’étaient plus capables de leur parler, sans tomber dans les excès en tous genres, Netflix arrive avec une petite bombe qui devrait, par son ton franc du collier et son absence totale de complexes, remettre pas mal de choses à leur place …

La série prend place là où tant d’autres du genre se situent, dans un lycée plutôt huppé, et nous présente une galerie de personnages à priori stéréotypés, que les scénaristes se feront un point d’honneur à traiter le plus honnêtement possible, en laissant la possibilité à chacun d’exprimer ses fêlures. Autrement dit, rien n’est manichéen ici, et chacun a ses raisons d’agir comme il le fait, pouvant parler à chaque spectateur de façon différente selon son propre vécu ou ses propres émotions. La caractérisation est donc sans fautes de goût, et l’on peut donc naviguer très facilement dans l’univers proposé, d’autant plus que le format court typique des séries anglaises (8 épisodes d’une cinquantaine de minutes, un long film en quelque sorte) évite le moindre gras. Mais qui sont-ils donc, ces personnages ?

Maeve est l’exemple type de la fille rebelle cool avec qui n’importe quel adolescent normalement constitué rêve de sortir, mais là où d’autres séries du genre l’auraient cantonnée au rôle de la fille sexy inaccessible, elle s’avère ici bien plus complexe que la moyenne. Vivant seule, sans parents, elle s’est créée une carapace pour éviter de souffrir plus que de raison, mais ce n’est au fond qu’une jeune fille sensible ayant besoin d’un minimum d’affection. Otis, quant à lui, est un jeune puceau (ne riez pas, on n’est pas dans American Pie), ayant visiblement quelques soucis avec sa propre sexualité. Il faut dire qu’avec une mère sexologue dénuée de la moindre retenue (Gillian Anderson, pour le moins surprenante), il a du mal à se créer une personnalité et à assumer une sexualité libre, et l’on en découvrira au fur et à mesure les raisons profondes. Mais son éducation sans tabous lui donne néanmoins quelques dispositions pour la théorie, et Maeve va lui proposer, après l’avoir entendu par hasard parler à un camarade, de créer une cellule de thérapie sexuelle clandestine dans leur lycée, moyennant finances …

Le risque était grand, avec pareil synopsis, que la série se contente de se reposer sur son concept cool, en accumulant les situations gênantes et les cas improbables. En gros, on pouvait craindre une sorte de syndrome Nip/Tuck (un épisode, un cas social) ! Pourtant, là où celle-ci va frapper fort, c’est dans sa façon de se saisir d’un cas particulier à chaque épisode pour traiter plus globalement de sujets graves, ou du moins sensibles, propres à interpeller tout un chacun, jeunes ou pas. On peut lire un peu partout que la série est crue et totalement libérée de tout tabou. C’est en partie vrai, et les oreilles chastes seront priées d’aller voir ailleurs, tant les dialogues s’avèrent libérés de toute contrainte. On n’est clairement pas dans l’équivalent de ces teen movies de studios voulant tellement ratisser large qu’ils en perdent tout sens des réalités. Le langage est donc libre, et les images ne le sont pas moins, certaines situations s’avérant pour le moins corsées, généralement la première scène de chaque épisode. Mais passées ces considérations difficiles à occulter, tant elles font partie de l’ADN de la série, il faut bien comprendre que cette crudité n’est pas une fin en soi, mais le moyen que se sont donnés ses instigateurs pour parler de la manière la plus honnête possible de leurs sujets variés. Là où une autre série se contenterait de tomber dans l’effet catalogue, avec comme principale conséquence, une surenchère pour accrocher laborieusement le spectateur, on se situe ici dans une vision plus crédible des affres de l’adolescence. Car que l’on ait vécu ou pas ce que vivent les protagonistes, il paraît difficile de ne pas se reconnaître en chacun d’eux, et du même coup, de ne pas être en empathie directe, que l’on partage ou non leurs préoccupations et leur manière d’agir. Ainsi, le traitement du meilleur ami du héros, black gay à l’attitude extravagante, s’avère sans doute le plus représentatif du ton général. Là où l’on pouvait craindre une caractérisation binaire, à savoir le personnage uniquement là pour détendre l’atmosphère avec sa joie de vivre et son côté fofolle, son évolution sera l’une des plus émouvantes de ces 8 épisodes. L’épisode 5 est à ce niveau assez intense, quant à la question de l’homophobie, et devrait rester dans les mémoires. Nous ne listerons pas chaque épisode, cela serait inefficace et l’on ne peut que vous encourager à vous plonger immédiatement dans la série si cela n’est pas déjà fait. Car il est réellement rare d’assister à un programmer pensé pour le public adolescent, et qui s’adresse à ces derniers sans les prendre de haut, sans les regarder comme des bêtes curieuses, et en osant traiter de pas mal de choses encore  tabous en 2019, dans la plupart des œuvres grand public (que ce soit au cinéma où à la télévision) ! Vous souhaitez entendre parler de choses concrètes comme l’avortement ou la masturbation féminine (sujet d’un épisode exceptionnel de drôlerie et de pertinence, qui, on l’espère, aura un effet déculpabilisant sur un acte visiblement considéré par beaucoup d’adolescentes comme impensable), c’est ici que ça se passe. Cela faisait longtemps que l’on attendait qu’une fiction, quelle qu’elle soit, aborde de façon équilibrée les problèmes existentiels et sexuels des adolescent(e)s, en finissant une bonne fois pour toutes avec les clichés plombant le genre depuis des décennies, et osant traiter à la fois des angoisses des mecs (même le sportif black ultra populaire fait des crises d’angoisse et s’avère d’une gentillesse presque désarmante) que du plaisir féminin.

Lorsque vous lirez un peu partout qu’il faut regarder « Sex education », qu’elle agit comme un antidote face à tant d’autres fictions à côté de la plaque, pour une fois, les dithyrambes ne seront pas usurpés, et l’on ne peut que rejoindre la liste des médias vous encourageant à vous précipiter dessus. Au-delà du plaisir immédiat que l’on peut y prendre, pour ses qualités purement sérielles (personnages attachants, narration addictive, rythme impeccable), elle a des chances de vous apprendre pas mal de choses. Les ados en tomberont amoureux, et les adultes apprendront peut-être à mieux comprendre leurs rejetons, tout en enrageant de ne plus être des ados. C’est peut-être ça, la plus grande force de la série, réussir à nous rendre nostalgiques de cette période de l’existence sous hautes turbulences, recelant d’autant de souffrances que de moments magiques. Et l’on pardonne donc ce qui pourra être considéré comme une facilité de scénario, à savoir le début de romance impossible entre la belle Maeve et Otis, à base de « Je t’aime mais c’est impossible», rappelant l’histoire improbable Ross-Rachel, dans la fameuse sitcom que l’on ne vous fera pas l’affront de citer ici. Espérons tout simplement qu’il ne faudra pas autant de saisons ici pour en venir à bout. En tous les cas, il s’agit clairement d’une réussite presque totale, une de plus pour cette plateforme que, décidément, rien ne semble pouvoir arrêter. Vite, la suite !

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