L’illusion verte : Le Green Washing dans toute sa splendeur

L’ère est au bio, au véganisme, à l’écologie, au développement durable, à l’éco-responsabilité. Bref, au vert. Et ça, tout le monde l’a bien compris, mais à quel prix ? C’est ce que L’illusion Verte, de l’autrichien Werner Boote, cherche à dévoiler et dénoncer à qui veut l’entendre. A l’instar de la publicité mensongère, toutes les entreprises ont « fait le pas » vers une démarche éco-responsable. Les produits bio deviennent la norme quand ils étaient encore plutôt discret il y a quelques années, le nutri-score est apparu et envahi les produits pré-emballés, des enseignes « s’engagent » à ne plus distribuer de produits contenant des ingrédients controversés, l’apparition d’une huile de palme « certifiée » durable a vu le jour, tous les géants de l’industrie jurent être passés au « fair trade » et la couleur dominante dans les supermarchés devient progressivement verte. Mais au final, que signifient tous ces changements ? Le bio l’est-il vraiment ? Le nutri-score indique-t-il un produit véritablement sain ? L’huile de palme certifiée durable est-elle écologique ? Werner Boote s’est posé ces questions, plus ou moins par hasard et il a décidé d’enquêter, faisant par la même occasion ce documentaire incisif sur notre mode de consommation actuel et l’hypocrisie de notre société en général.

Accompagné d’une fidèle collaboratrice et collègue, du nom de Kathrin Hartmann, Werner Boote aborde sa campagne par un procédé simple, celui de l’ignorant qui croit tout ce qu’il lit et tout ce qu’on essaie de lui dire mais avec cette curiosité de chercher à le confirmer. C’est ainsi qu’il va jouer avec sa collègue à une sorte de « bon flic, méchant flic » afin de démêler le vrai du faux et mettre au grand jour l’hypocrisie des industriels.

Et quelle hypocrisie. On se doute que toutes ces marques ne sont pas vraiment tombés dans le bio. Tous ces changements nécessiteraient plusieurs années d’adaptation et de rénovation de leurs industries mais également des sommes astronomiques d’investissement pour pallier aux parts de marché qu’ils perdraient en modifiant, soit la composition soit l’origine. En somme, des changements nettement plus longs que ceux auxquels ils ont été confrontés afin de simplement modifier les inscriptions sur les emballages de leurs produits. En vérité beaucoup de marques prétendent avoir changé la composition sans n’avoir rien fait. En grande surface par exemple, beaucoup de produits bio ne le sont que par écrit. Le principe du nutri-score est complètement faussé dans la mesure où l’on ne voit jamais de mauvaise note, ou très peu, pour la simple et bonne raison qu’un produit ayant une note en dessous de B ne serait plus consommé. De même que les enquêtes sur la qualité des produits alimentaires sont souvent financés par des organismes privés, à la demande des marques en question. En sommes, elles se font de la pub par un autre moyen. Mais surtout, cela amène d’autres formes de malhonnêteté.

« En France, ça ne doit pas être le cas » pourrions-nous entendre de la part de personnes peu engagées. Pourtant Werner Boote parcours le monde entier et prouve que cela se passe exactement de la même manière dans tous les continents. Lorsqu’on parle d’hypocrisie sur la qualité de notre alimentation, il faut également parler de ces personnes un peu trop engagés dans cette cause et bien souvent trop virulentes. Difficile de donner tort à une communauté qui a changé son mode de vie pour le bien-être de la planète, mais force est de constater que leur matraquage médiatique n’a pas forcément eu l’effet escompté. Nombreux sont ceux ayant accepté de modifier leur alimentation et de faire un pas dans leur direction, seulement, ils se trompent encore d’ennemi. Comment en vouloir à des gens qui font des efforts et pensent le faire bien, mais se font encore berner par les géants industriels. Par ailleurs, et c’est là l’un des plus gros nœuds du problème, tous ces changements opérés par les industries agroalimentaires, quand elles ont changé des choses, se sont fait par le sang et les armes. Combien de personne savent que les champs de palmiers « certifiés » durables sont une abomination écologique ? On brûle des forêts peuplées par des millions d’espèces vivante pour planter des milliers d’hectares de palmiers nourris à l’insecticide et ne laissant pas la moindre trace de vie à la ronde. Combien connaissent les nombreuses ethnies et tribus de peuples indigènes expulsés par la force de terres qu’ils habitaient depuis des siècles.

Et ces vérités n’en sont que quelques-unes parmi d’autres. Il y a quelques années est sorti le film Deepwater, réalisé par Peter Berg et retraçant la catastrophe de l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, appartenant à BP. Cette catastrophe a été officiellement résolue par l’entreprise, or des tonnes et des tonnes de pétrole continuent de parsemer les eaux alentours, de tuer des espèces et de provoquer de terribles maladies aux personnes vivants aux alentours. Pourtant l’entreprise BP n’est pas poursuivie, les plaintes et dépositions n’obtiennent aucun résultat et ces puissances financières détiennent tellement d’argent qu’ils peuvent faire taire n’importe qui avec une somme suffisamment indécente pour qu’un citoyen lambda renie ses principes. La véritable hypocrisie est là en réalité. Ce sont encore et toujours les mêmes les fautifs et ceux qui paient le moins. Même Werner Boote le dit, il s’insurge que tant d’entreprises continuent de se la couler douce, parfois même de ne pas payer d’impôts dans certains pays alors qu’ils empoisonnent le monde et tuent sans se soucier d’autre chose que leur argent. Mais d’un autre côté, des films comme ça, ils en existent plein, chaque année il en sort 2 ou 3, et pourtant ils restent constamment dans l’ombre. Alors qu’ils devraient sans arrêt devenir le porte étendard de ces mouvements sociaux qui se prétendent défenseurs de la planète, ils tombent dans l’oubli en seulement quelques semaines. Et les entreprises continuent leur petit bout de chemin.

L’Illusion Verte est extrêmement intéressant par sa richesse. On y découvre les véritables problèmes, les lieux que les grandes marques préfèrent que l’on ne filme pas, les gens qui paient le prix fort de cette démarche insultante et les problèmes écologique visibles (et affreux parfois, accrochez-vous devant certaines images consternantes). Manu Payet n’est pas de trop pour donner un peu de lisibilité à ce film. On voit l’envers du décor, on comprend mieux notre impact sur les différentes situations et à quel point certains choix simples et minimes faits collectivement peuvent améliorer de nombreuses chose à grande échelle. Seulement il a ce côté défaitiste avec un discours quasiment fataliste. Quoique l’on fasse, on a l’impression que rien n’est bon, que rien ne peut être sauvé, qu’il est déjà trop tard. Un problème inhérent à tous les aspects de cette campagne écologique, ils mettent facilement en exergue ce qui ne va pas et ce qu’il faut changer mais moins souvent ce qui fonctionne et les alternatives à notre disposition. En dehors de cela les deux journalistes proposent un véritable travail d’investigation, dans la lignée de son précédent film, Plastic Planet, nous permettant de connaître différents organismes à soutenir ou personnalité passionnantes si l’on souhaite se renseigner sur ce sujet et y consacré plus de temps. Actuellement l’un des plus aboutit sur le thème écologique et agroalimentaire, rempli d’humour malgré tout et à la fois clair et limpide. Nous ne saurions que trop vous le répéter, mais allez voir ce genre de documentaires, extrêmement instructifs.

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  1. Une fois que tu sais : ça change pas grand chose -

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