Ulysse & Mona : La vie, l’art et les extra-terrestres

Cinéaste atypique dans le paysage cinématographique français, Sébastien Betbeder trace son chemin tranquillement avec parfois une belle ambition (Le voyage au Groenland) tout en se reposant de temps en temps sur ses acquis (Marie et les naufragés). Le début d’Ulysse & Mona nous fait d’ailleurs craindre que le cinéaste ne se répète. Revenant au 4/3 de 2 automnes 3 hivers, Betbeder commence à construire son récit comme enfermé dans sa propre bulle.

Peu à peu, le récit va pourtant s’ouvrir et amener Ulysse & Mona vers des territoires surprenants où l’émotion n’est jamais loin. Sébastien Betdeber, qui n’a pas son pareil pour écrire des personnages lunaires et des situations mi-loufoques, mi-tristes, s’aventure vers une histoire simple mais profondément touchante. Soit l’histoire de Mona, vingt ans, étudiante aux Beaux-Arts qui se lasse un peu des cours et qui décide d’aller à la rencontre d’Ulysse Morelli, artiste contemporain ayant mis fin à sa carrière quelques années plus tôt. Car Mona, plutôt qu’aux cours, veut se frotter à l’artiste qu’elle admire. Ulysse a pourtant autre chose en tête : une tumeur au cerveau. Fuyant la maladie (il saute littéralement de la fenêtre du médecin qui lui annonce la nouvelle), Ulysse veut aller à la rencontre des gens qui ont compté dans sa vie et qu’il a inévitablement blessé. Mona l’accompagne alors dans sa quête…

Sur un sujet classique, vu et revu des centaines de fois au cinéma, Sébastien Betbeder appose sa patte sans ciller, permettant de court-circuiter nos attentes. Comme souvent chez le cinéaste, on se retrouve porté par l’enchaînement des séquences avec une curiosité certaine, on ne sait jamais ce qu’il nous réserve, nous bouleversant avec une simple séquence de rêve où l’on cite The Swimmer ou avec un mensonge d’Ulysse qui fait semblant de chercher son chien. Ulysse & Mona finit donc par nous distiller sa douce mélancolie et sa tristesse, une tristesse comme Betbeder ne l’avait jamais encore filmée avec des silences éloquents et surtout une composition musicale de Minizza essentielle au film. En effet, toute la musique d’Ulysse & Mona renforce le sentiment prégnant d’une tristesse bien présente, diffuse, s’insinuant dans tous les pores de la peau.

Ce cheminement vers la vie, ces élans des personnages sont d’autant plus touchants que Betbeder a parfaitement su s’entourer. Son casting est formidable, de Manal Issa à Micha Lescot en passant par Jean-Luc Vincent. Mais c’est Eric Cantona qui emporte le morceau. L’acteur a rarement été bouleversant, capable de faire passer de formidables émotions en très peu de mots, semblant lui-même se surprendre sans cesse, embrassant toutes ses faiblesses. Ulysse & Mona, road-movie rempli de spleen et de tendresse, parvient alors à charmer son spectateur et, alors que paradoxalement on craignait que Betbeder nous déçoive avec ce récit, il signe peut-être ici son plus beau film…

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