Glass : rencontre avec M. Night Shyamalan et James McAvoy

On ne l’attendait plus et pourtant M. Night Shyamalan l’a fait ! Avec Glass il livre la suite d’Incassable longtemps espérée après une scène finale de Split qui avait surpris tout le monde. Le cinéaste confirme alors son retour en grâce après des années de galère. Nous avons profité de sa venue à Paris pour le rencontrer en compagnie de James McAvoy (que l’on aime beaucoup) et parler de Glass. Retour sur une rencontre garantie sans spoilers, à la demande même de Shyamalan !

A la fin de Split, vous avez surpris tout le monde en montrant David Dunn (Bruce Willis) faire partie du même monde que Kevin Wendell Crumb (James McAvoy). Glass était déjà prévu depuis le début ?

M. Night Shyamalan : C’était plus ou moins prévu. C’était quelque chose que j’avais envie de faire mais ce n’était pas gagné d’avance. Il y avait déjà un problème de droits car Split était produit par Universal mais c’est Disney qui a les droits de David Dunn. Il a donc fallu arranger ça. C’était donc une sorte de saut dans le vide car avant qu’il y ait un accord ou quoi que ce soit, j’ai écrit Glass avant que Split ne sorte. C’est pour ça que j’y suis allé étape par étape et que Split est vraiment un film indépendant, il a été pensé en tant que tel, la fin c’était le bonus espéré. Surtout que pour mettre en route Glass, il a fallu mettre Universal et Disney d’accord, chacun possédant les droits d’un film ! Je ne sais même pas comment ça a pu se concrétiser !

James McAvoy : C’est parce que tu as beaucoup de talent ! Dans le script de Split, j’avais repéré quelques petites références à Incassable et je trouvais ça cool mais sans plus. Quand finalement il s’est avéré que Split se déroulait dans le même univers qu’Incassable, j’ai fait semblant de tout savoir pendant un moment alors que c’était faux ! (rires) Mais je ne me suis pas emballé pour autant, je trouvais l’idée de Night géniale mais dans ce métier, on entend beaucoup d’idées qui ne se concrétisent jamais. J’ai arrêté de croire aux idées, j’attends de voir le concret.

Comme souvent chez vous, il y a une fin surprenante, presque ouverte. Est-ce une façon de dire que vous comptez faire une suite à Glass ?

M. Night Shyamalan : Je crois beaucoup aux films qui ne sont pas fermés, ce sont les films que j’aime. Des films qui laissent l’histoire se dérouler bien après la séance, quand vous êtes sur le parking du cinéma, quand vous rentrez chez vous. J’aime cette idée d’une chose non finie, qui surprend, qui force le spectateur à se dire ‘’mais attends, on est là en fait ?’’. C’est ma façon de jouer avec votre imagination. Mais par contre, j’en ai bel et bien fini avec ces personnages, je veux passer à autre chose maintenant.

Deux scènes de Glass viennent d’Incassable, c’était prévu très tôt dans le scénario ?

M. Night Shyamalan : Oui, dès le début, je voulais revenir à Incassable, ce sont des scènes coupées du film. Il y en avait une troisième aussi où David a une conversation avec un prêtre juste après l’accident de train et il se demande pourquoi il est le seul survivant. Et le prêtre lui dit que ça ne signifie rien, qu’il avait juste eu de la chance et qu’il avait eu un neveu mort dans cet accident. C’était une belle scène mais j’ai dû l’enlever, elle plombait un peu le rythme. Or avec Glass, je fais un thriller et dans ces cas-là, il faut honorer le dieu du thriller, il faut aller à l’essentiel.

Justement  vous parlez de thriller, vous en réalisez et vous faites des caméos dans vos films, est-ce une façon de se rapprocher d’Alfred Hitchcock ?

M. Night Shyamalan : Hitchock nous a tout appris, c’est le maître du suspense, c’est un cinéaste qui me parle. Pour moi le suspense est primordial et ses leçons précieuses. On ne peut pas ne pas penser à Hitchcock quand on réalise un thriller et attention Glass est bien un thriller et non un film de super-héros. Pour les caméos, c’est juste un plaisir, je voulais que ça passe inaperçu mais vu mon physique d’indien aux cheveux bouclés, on me remarque très rapidement. Je ne veux pas interrompre le récit par ma présence, d’autant que je ne joue pas très bien. C’est pour ça que je me contente de caméos.

James, quel est le personnage que vous avez préféré interpréter ?

J. McAvoy : Dans Split, c’était Patricia. Dans Glass, c’est plutôt Hedwig mais je me suis bien amusé aussi avec ce personnage de narrateur qui raconte sa vie à la troisième personne.

Pour vous, c’est plus dur de jouer la Bête ou de jouer Patricia qui doit marcher avec des talons ?

J. McAvoy : Patricia est venue facilement. Elle a une frustration sexuelle en elle qui est très intéressante à jouer, tout ce qu’elle veut c’est se faire toucher. La Bête c’est autre chose, c’est difficile car il est totalement bestial, c’est un méchant qui n’a pas de plan pour détruire le monde, sa sauvagerie est sa nature, c’est tout. Il fallait trouver le juste milieu, ne pas surjouer, être dans la sincérité et le tact même en jouant la Bête. Mais c’est vraiment Kevin la source de tous ces personnages.

Night, vous suivez beaucoup le sport. Pensez-vous qu’on pourrait comparer un sportif de haut niveau à un super-héros ?

M. Night Shyamalan : C’est intéressant car j’ai beaucoup parlé à des sportifs. Ce sont des gens qui se sentent comme des héros dès qu’ils marquent. Ils disent ‘’je suis génial’’ ou encore ‘’j’ai marqué 30 points’’ mais la vérité c’est que s’ils ont réussi à faire ça, c’est parce qu’ils se sont entraînés dur derrière. Ce n’est que le résultat de plusieurs entraînements, de répétitions de mouvements. Pour moi, il n’y a que les super-héros qui peuvent se définir par ‘’je suis’’ car oui ils sont ainsi grâce à leurs pouvoir. Mais au fond, avec de l’entraînement, chaque être humain peut finalement devenir un super-héros, je le pense.

Vous qui écrivez vos films, avez-vous déjà eu l’angoisse de la page blanche ?

M. Night Shyamalan : Ce n’est pas vraiment l’angoisse de la page blanche, c’est autre chose. Vous savez, Glass va sortir dans quelques jours et qu’il plaise au public ou non, qu’il rapporte de l’argent ou non, je vais devoir le laisser vivre. Je vais me retrouver seul avec mon carnet. J’y ai déjà noté quelques éléments, je sais à peu près ce que je veux écrire mais je n’ai pas encore le sentiment que c’est une histoire que je dois réaliser. C’est ça qui m’angoisse, j’ai peur que l’envie de réaliser cette histoire n’arrive jamais, j’ai peur d’avoir perdu du temps avec. Je dois me sentir apaisé avant de penser à la réalisation mais je suis compliqué vous savez. C’est l’histoire bien connue de l’homme attiré par la femme qui ne veut pas de lui et qui rejette celle qui veut de lui. L’idée dont je sais qu’elle fonctionne d’emblée m’attire bizarrement moins. C’est toujours celle qui me semble la plus difficile qui m’attire et que j’ai envie de développer.

J. McAvoy : Alors que moi, si une femme vient me voir pour me dire qu’elle me veut, je suis carrément partant ! (rires)

Propos recueillis à Paris le 8 janvier 2019.

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