The Toxic Avenger : la mascotte de Troma Entertainment.

La Troma ! En voilà un nom qui parle à tous les aficionados du mauvais goût et du politiquement incorrect. Boîte de production indépendante fondée dans les années 70 par Lloyd Kaufman (véritable papa de la firme à qui l’ont doit plus d’une centaine de films) et Michael Herz (l’homme de l’ombre de Kaufman, mais avec qui il prend toutes les décisions), elle a pour vocation de créer des films volontairement trash qui viennent bousculer les bien-pensances du spectateur, toujours avec des budgets dérisoires et une dose massive d’hystérie. Beaucoup de vedettes ont côtoyé les productions Troma de près ou de loin : d’Edouard Baer à James Gunn en passant par Kevin Costner, Samuel L. Jackson, Corey Feldman, Trey Parker, Matt Stone, Oliver Stone, Billy Bob Thornton ou encore Marisa Tomei…tous ont croisé les plateaux d’un film Troma dans leur carrière. Preuve de bon goût ? Chacun y aura sa propre sensibilité, mais personne ne pourra dénigrer le second degré évident de ces acteurs et réalisateurs. Parce que l’essence même de Troma Entertainment réside là-dedans : rire de tout, en n’importe quelle circonstance, en jouant le plus mal possible…et c’est encore mieux si ça se fait avec les seins nus et les tripes à l’air ! Parmi les productions notables de la firme, nous pourrions citer Terror Firmer, Tromeo & Juliet, Atomic College, Rabid Grannies, Surf Nazis Must Die, Poultryguest, Girls School Screamers, Redneck Zombies, Killer Condom, Sgt. Kabukiman N.Y.P.D ou encore Return To Nuke ‘Em High comme des bases solides à l’initiation de l’univers Troma. Mais c’est avec un film en particulier que Troma Entertainment va s’attirer les faveurs du public et accéder au statut de rang culte, et ce film est bien évidemment The Toxic Avenger. La tétralogie est sortie récemment chez Bach Film dans un coffret blu-ray / DVD ultra complet et enrichi de bonus. L’occasion pour nous de vous ouvrir les portes de ce monde merveilleux qu’est la Troma.

The Toxic Avenger : le premier super-héros du New-Jersey.

Bienvenue à Tromaville, petite ville paisible du New-Jersey où la délinquance règne en masse sous un amas de déchets toxiques qui pollue les foyers. Melvin est technicien de surface dans un club de musculation et est la risée des adhérents. Maltraité et humilié, il tombera dans une cuve de déchets toxiques après une blague de très mauvais goût. Il va alors se transformer en une créature difforme à la force surhumaine et compte bien faire régner la justice au sein de sa petite ville.

Réalisé en 1985 par Lloyd Kaufman et Michael Herz, ce premier opus de la tétralogie Toxic Avenger demeure le plus sérieux de la série et est probablement l’épisode le plus violent et trash. Kaufman est un amoureux du cinéma et de la pop-culture. Il va insuffler à son super-héros tout ce qu’il affectionne dans ce genre d’histoire et digérer ses références pour mieux les transposer à la sauce Troma. Malgré un budget dérisoire (propre aux productions de la firme), on dénotera des effets spéciaux de bonne facture avec des mutilations hors-normes. Il n’y a aucune retenue dans les mises à mort et ça y va de bon cœur entre l’éclatement d’une tête d’un adolescent à vélo, les bras d’un braqueur plongés dans une friteuse ou encore l’éventration à mains nues du maire de la ville, les amateurs d’effets gores seront servis. On tape sur tout et tout le monde : les personnes âgées, les handicapés, les animaux de compagnie… Kaufman aligne tout ce que la censure américaine réprouve avec un sens de la mise en scène très cartoonesque et ceci pour le plus grand plaisir des spectateurs. Ceux qui ont découvert The Toxic Avenger sur grand écran à l’époque n’en revenaient pas selon les dires de Christophe Lemaire, maître de cérémonie au fil des bonus blu-ray du coffret sorti chez Bach Films.

Au-delà des déferlements de violence, Lloyd Kaufman insuffle un message écologique à son histoire. Fervent défenseur d’une planète plus saine, son combat contre les déchets sera un fil rouge inhérent à énormément de ses productions. Ce sera d’ailleurs l’objectif que se fixera Toxie : se débarrasser du mal à Tromaville et éliminer les déchets toxiques…ceci en dépit d’installer sa maison au beau milieu de la décharge de la ville. Oui, car Toxie a besoin des déchets pour développer ses tromatons (les gênes qui lui confèrent sa force surhumaine). Et plus Toxie se déchaîne, plus on ne remarque pas le jeu abominable des seconds rôles. Car, on ne va pas se mentir, ce qui fait le charme des productions de la Troma c’est également le non-jeu des acteurs. L’esprit Troma se vit comme une bande de copains qui fait absolument tout ce qu’elle veut devant une caméra. Toutefois, les vannes du n’importe quoi n’étaient pas encore grandes ouvertes avec ce premier opus puisque la firme n’avait pas encore acquit son statut culte qu’elle possède désormais. On dénotera donc une envie de bien faire les choses. On rit peu devant ce premier opus. Enfin, on rit de bon cœur parce que ça ose vraiment tout, mais on ne rit pas de la crétinerie des personnages ou des situations (quoi que, le milk-shake humain nous laisse un souvenir mémorable)…ce qui sera plutôt le cas avec les films suivants. Quoi qu’il en soit, The Toxic Avenger est une belle initiation pour quiconque souhaite découvrir l’univers Troma. Le film n’a rien perdu de sa force d’impact. Il y a de la tripaille dans tous les sens, ça serait vraiment dommage de s’en priver !

The Toxic Avenger – Part. II : vers un esprit familial ?

Quatre ans après les premières aventures de son super-héros, et fort de la notoriété imprévue du premier épisode, Lloyd Kaufman délivre un second opus toujours teinté d’un humour noir imparable, mais avec une dimension critique beaucoup plus développée. Tromaville est désormais entièrement débarrassée de sa racaille. Désormais sans emploi, Toxie subvient aux besoins des personnes non-voyantes dans un centre spécialisé en compagnie de sa fiancée, Claire. Mais c’était sans compter sur l’invasion d’une société malfaisante dénommée Apocalypse qui veut mettre la main sur Tromaville dans le but de dominer le monde. Toxie décide de reprendre les armes, mais ne trouvera pas la force de combattre ce nouvel ennemi. Abandonné à la naissance par son père, il lui manque cette figure paternelle afin d’être de nouveau opérationnel. Il décide de partir au Japon sur ses traces…

Très longtemps diffusé chez nous dans une version censurée, The Toxic Avenger – Part. II trouve une seconde naissance par le prisme de l’édition sortie chez Bach Films. Néanmoins, le film demeure nettement plus soft dans ses effets gores. Lloyd Kaufman accentue l’esprit cartoonesque de son œuvre et va puiser tout ce qui peut se faire de plus fou dans la culture nippone. Entre les batailles avec des thons géants, des yakuzas malmenés dans des saunas et autres initiations aux rites sumo, Toxie s’offre une escapade rafraîchissante au pays du soleil levant. Toutefois, Kaufman n’oublie pas d’être généreux avec ses spectateurs. Certes, le sang coule beaucoup moins, mais Toxie affronte une pléiade d’adversaires farfelue qu’il serait dommage de ne pas citer. Nous retiendrons surtout la première grande bagarre avec le clan Apocalypse et les mises à mort les plus inventives de toute la saga (nous ne nous sommes toujours pas remis du nain basketteur transformé en ballon de basket). Ce premier affrontement d’une bonne quinzaine de minutes vous fera littéralement exploser la boîte à zygomatiques. Une fois de plus, Kaufman dresse un bon gros doigt d’honneur à la bienséance. Toxie ravage des transsexuels, des transgenres, des hommes-chiens, des grands, des gros, des maigres…il tape sur tout le monde.

Kaufman développe également son héros. Il lui confère une dimension humaine avec tout un lot de faiblesses. Il expose la kryptonite de son super-héros. Tel un Superman du bis, The Toxic Avenger – Part. II serait presque un spectacle à réserver à toute la famille. Toxie devient une icône de la pop-culture « tromatienne » et amorce même ce que deviendra Toxic Crusaders, la série animée sortie en 1991, qui bercera toute une flopée de gamins. Preuve de la force d’impact de Troma Entertainment qui arrive à toucher un public non destiné à ses programmes (un peu comme les enfants qui adoraient RoboCop par le biais des dessins-animés et des produits dérivés alors que le film de base ne leur était absolument pas destiné). Et c’est bien ce qu’il y aura à retenir de plus intéressant dans cette suite. Les amoureux du trash sans limite du premier épisode risquent de rester sur leur faim. En dépit d’un gore peu présent, ce second volet montre que Lloyd Kaufman peut insuffler plus de consistance à ses histoires. Mais les envies d’un cinéma plus « classique » se ressentiront réellement avec l’épisode 3.

The Toxic Avenger – Part. III, The Last Temptation of Toxie : des ambitions indécises ?

D’après les dires de Lloyd Kaufman, cette troisième partie aurait été tournée dans la foulée du précédent. Il s’agirait, en réalité, d’un seul et même film qu’il aurait délibérément scindé en deux parties afin d’éviter un long programme de près de quatre heures. Sorti également en 1989, The Toxic Avenger – Part. III nous ramène chez ce bon vieux Toxie au chômage technique après qu’il ait libéré Tromaville de l’invasion de la société Apocalypse. Lorsque Claire, sa fiancée non-voyante, tombe sur l’opportunité de retrouver la vue, Toxie met tout en œuvre afin de trouver un emploi qui lui permettrait de payer l’opération de sa conjointe. Enchaînant désillusions sur désillusions, il va tomber dans les griffes de la société Apocalypse qui décide de lui faire signer un contrat démoniaque. En échange de l’argent pour aider Claire, elle s’empare des services de ce bon Toxie afin d’asseoir sa domination sur Tromaville. Totalement aveuglé par son amour, il ne réalisera absolument pas qu’il détruira tout le bien qu’il aura fait autour de lui auparavant.

Bien que le film reprennent les mêmes méchants, se payant même le luxe de nous réintroduire une scène entière, plan par plan, du second volet, nous avons bien du mal à croire que les épisodes deux et trois aient été pensés comme un seul et même segment. Non pas qu’il faille chercher une cohérence absolue, nous sommes chez Troma tout de même, il est difficile d’admettre que les deux films puissent faire corps en une seule et même unité. La faute à une rupture de ton vraiment radicale. Ce troisième volet, et il suffit de lire son titre pour le comprendre, est, en réalité, Lloyd Kaufman qui s’offre sa Dernière Tentation du Christ. Exit les bagarres sanglantes, et bonjour les frasques interminables de Toxie. De Toxie agent d’assurances à Toxie garde du corps, nous en verrons de toutes les couleurs. Cette partie 3 perd également en humour ravageur. Bien qu’il y ait toujours la verve décalée de Kaufman dans l’écriture, les ambitions de ce dernier entachent quelque peu le plaisir qu’il y a à regarder un film estampillé Troma. On soulignera quand même une fin à la hauteur des ambitions cinématographique du réalisateur. Entre une course-poursuite phénoménale (le dada de Kaufman, il y a des séquences musclées en voiture dans chacun des épisodes de la tétralogie) et les diverses épreuves loufoques qu’aura à affronter Toxie, le film s’offre un élan de générosité plus que bienvenu. Kaufman démontre un savoir-faire qui n’est pas déplaisant, mais qui ne trouvera pas l’écho escompté par le public venu chercher des mises à mort sanglantes et de la tripaille à foison. Kaufman comprendra le message…

Citizen Toxie – The Toxic Avenger 4 : ouvrons les vannes du mauvais goût.

Il faudra attendre 11 ans avant que Lloyd Kaufman ne décide de rappeler Toxie sous ses ordres. Alors qu’il effectue une mission de sauvetage dans une école pour adolescents handicapés, Toxie est envoyé dans une dimension parallèle à la suite d’une explosion. Son double maléfique, Noxie, prend place à Tromaville tandis qu’il est envoyé dans le monde de ce même double. Aidé par un scientifique sur le déclin, Toxie va essayer de tout mettre en œuvre pour regagner son monde et vaincre le terrible Noxie.

Ce quatrième opus est l’épisode le plus déjanté de la saga. Kaufman débute l’histoire en stipulant que les deux films précédents n’étaient pas les vraies suites du premier volet, mais que cet épisode raconte réellement ce qu’il advient de Toxie. Kaufman efface toutes les péripéties précédentes et ouvre en grand les vannes du mauvais goût. Citizen Toxie est un déferlement de vannes scabreuses. C’est scatophile comme jamais, il y a de la tripaille dans tous les sens, du sang à outrance, des adolescents handicapés et junkies et même un combat de fœtus !! C’est absolument grand-guignolesque. C’est absolument n’importe quoi. C’est absolument irrésistible ! Lloyd Kaufman est un génie de la folie. Il n’en oublie pas d’aller titiller les films qu’il affectionne, Citizen Kane et Retour Vers Le Futur en tête, mais y insuffle toute l’essence de la Troma au milieu. Citizen Toxie est un cartoon géant généreux qui réunit tous les atouts de ses grands frères pour nous laisser sur une sensation de plénitude ultime. On sort de la séance totalement repu. Voyez-le !

The Toxic Avenger est une saga inégale dans ses qualités, mais avec une posture culte indéniable. La quadrilogie synthétise tout ce que la Troma sait faire de mieux. Loin d’être des films totalement abrutissants, en dépit d’un premier degré sévèrement atteint (il faut réussir à passer outre les vannes « pipi-caca »), Lloyd Kaufman exprime de réelles envies de cinéma, impose des messages écologiques et des morales cachées bien pensées, notamment l’amour de tous. Et même s’il le fait en tapant sur tout le monde, The Toxic Avenger est une ode aux freaks, aux personnes désœuvrées, mais surtout sur l’acceptation de son prochain. Amis du mauvais goût, n’hésitez plus, Toxie a revêtu ses plus beaux tutus dans une édition sublime et complète qui saura trouver une place de choix au sein de votre collection.

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