Doubles vies : L’amour à l’ère du numérique

Après un Personnal Shopper en demi-teinte, Olivier Assayas est de retour avec Doubles vies, un film qu’il a voulu léger, comédie à la façon de Woody Allen sur le couple, les mensonges et les tromperies. Soit l’histoire d’Alain, éditeur qui a toujours publié les romans de Léonard en dépit d’un succès assez mitigé. Les écrits de Léonard sont des autos-fictions à peine voilées où il se livre sans fard, jusque dans les moindres détails de certaines de ses expériences sexuelles. Mais cette fois, Alain refuse d’éditer le nouveau manuscrit de Léonard. Serait-ce parce qu’il sait que sa femme Séléna couche avec Léonard ? Ou est-ce tout simplement sa liaison avec la jeune Laure qui lui fait voir les choses sous un autre jour ?

Ce postulat classique, de couples qui se trompent, d’amis qui se mentent, Olivier Assayas décide de le pimenter en injectant tout le long du récit une réflexion profonde sur le monde de l’édition à l’ère du numérique. Ses personnages s’interrogent et défendent leurs idées : faut-il faire disparaître le livre papier ? Les bibliothèques du futur seront-elles sur tablette ? La réflexion centrée sur la littérature, que l’on pourrait presque appliquer à l’art en général est d’autant passionnante que le cinéaste entend donner la voix à différents points de vue. Mais cette réflexion parfois maladroite et verbeuse ne doit pas faire oublier le sens comique animant Doubles vies.

Car oui, le film est drôle et surtout très pertinent, faisant état de relations intimes toujours plus complexes qu’elles n’en ont l’air avec des non-dits parfois salutaires. Olivier Assayas ne se pose jamais en juge de ses personnages et nous les montre tels qu’ils sont, proches de nous avec des préoccupations qui sont finalement les mêmes que n’importe quel être humain. Très bavard, Doubles vies voit Assayas laisser le talent de ses acteurs se déployer de scène en scène pour donner vie au film. Car le cinéaste, intelligent et modeste, reconnaît lui-même que parfois il faut savoir laisser son ego de metteur en scène de côté et se contenter de filmer un simple champ/contre-champ quand le scénario le suggère.

Ce n’est donc pas tant dans sa mise en scène que Olivier Assayas brille ici mais dans sa direction d’acteurs. Peu adepte des répétitions en amont du tournage, il laisse surtout les acteurs effectuer leurs tours de magie sur le plateau. Cela apporte une fraîcheur bienvenue au récit où chaque acteur trouve sa place avec justesse, libre de jouer avec les dialogues et les personnages. Guillaume Canet se montre ainsi particulièrement inspiré tandis que Vincent Macaigne laisse infuser sa fantaisie habituelle pour composer un personnage attachant. Juliette Binoche est tout autant formidable (quand ne l’est-elle pas ?) mais c’est Nora Hamzawi qui surprend. A vrai dire, on avait du mal à l’imaginer tenir un rôle secondaire aussi conséquent mais on ne l’avait jamais vu aussi juste et aussi bien dirigée, son personnage étant ici le plus touchant de tous.

De cette galerie de personnages et de cette écriture laissant libre cours aux dialogues, Olivier Assayas nous offre avec Doubles vies une œuvre légère et pertinente, s’égarant parfois un peu trop dans ses longues scènes mais qui s’avère étonnamment savoureuse à mesure que le récit avance.

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