Undercover : l’émergence du crack.

Second long-métrage du français Yann Demange qui nous avait bien surpris par son très intéressant ’71 sorti en 2014, Undercover s’inspire de la véritable histoire de Richard Wershe Jr. qui, au début des années 80, à Détroit, est devenu informateur pour une unité anti-drogue du FBI. Partagé entre le monde de la délinquance qui lui tend les bras et l’envie d’une vie rangée aux côtés de son père avec lequel il rêve de monter un vidéo-club, Richard va succomber à l’argent facile et devenir un dealer de grand envergure. Abandonné par le FBI, il sera envoyé en prison à vie après qu’il se sera fait arrêté en possession de 8kg de cocaïne. Il purgera la peine la plus longue instaurée au Michigan pour un crime ne portant pas atteinte à une personne. Il sera incarcéré de 1988 à 2017 après avoir bénéficé de la suspension de sa perpétuité.

Sur un scénario de Logan Miller (Shérif Jackson), Undercover est un film qui n’aurait rien à envier à ses grands frères que peuvent être Il Etait Une Fois Dans Le Queens ou Dans Le Bronx. On y suit l’ascension d’un petit caïd de 14 ans, bercé dans le culte des armes à feu avec un père pro-américain et une grande sœur junkie. Le point de départ qui ne laisse pas forcément présager un avenir calme et serein. Richard « Rick » Wershe Jr. va très vite amasser des fortunes, poussé allégrement par les agents du FBI qui n’hésiteront pas à mettre sa vie en danger afin de faire tomber les grosses têtes du réseau. Le ton du film est froid et sans concession. Il assume parfaitement l’environnement meurtri de son personnage et ne cherche jamais à en faire une quelconque figure héroïque. Ce qui fait bien plus froid dans le dos, c’est justement la manière dont le film banalise les actes. Puisque les personnages ne connaissent que violence et trafics, Yann Demange décide de ne pas ménager le spectateur. Nous sommes plongés sans crier gare dans les rues glaçantes de Détroit. Pour camper le rôle de Rick, le réalisateur s’offre les services du jeune Richie Merritt (dont c’est la première apparition au cinéma) qui est absolument époustouflant. Le jeune homme habite littéralement son personnage. Capable de jouer autant la comédie que des séquences un peu plus musclées, il crève complètement l’écran et est bluffant. Pour lui donner la réplique, quel bonheur de retrouver Matthew McConaughey qui prouve, une fois encore, qu’il est né pour jouer les pères de famille prêt à tout pour ses enfants (souvenez-vous du culte qu’il porte à sa fille dans Interstellar). Avec un bon gros accent redneck (et le look qui va avec), il laisse totalement libre court à Richie Merritt (véritable star du film) de prendre le dessus sur lui. Second couteau d’une qualité indéniable, McConaughey est surtout là pour attirer les spectateurs, on ne va pas se mentir. Et ce serait bien dommage de passer à côté d’Undercover. Sans être un chef d’oeuvre absolu, le film rempli parfaitement son cahier des charges et c’est bien le plus important.

La réalisation de Yann Demange est soignée. Il n’y a pas d’envolées particulières, on est loin de la grandiloquence d’un Scorsese (qui affectionne ce genre d’histoire), mais il n’y a rien de rebutant non plus. On remarquera un étalonnage plutôt froid, des images qui transpirent le danger pour mieux nous plonger dans un univers où l’on sait que tout peut basculer à n’importe quel moment. Mais la plus grande force de l’histoire réside dans la manière qu’elle a à faire perpétuellement pencher la balance entre le bien et le mal. Après tout, les agents qui demandent à Rick de devenir leur indic n’hésiteront pas un instant à lui fournir de la drogue pour mieux profiler sa couverture et l’encourageront même à garder tous les bénéfices des ventes. Quel agent normalement constitué oserait demander ça en vérité ? Ces mêmes agents qui n’hésiteront pas à laisser Rick face à sa sentence alors qu’il leur doit son état en vérité. Mais c’est aussi là que réside toute la complexité du film, jamais Undercover ne nous demandera de plaindre le héros. Il ne fait que relater les faits, nous convoque comme témoin d’une époque qui a existé et qui demeure probablement encore aujourd’hui dans certains quartiers. D’ailleurs, Jennifer Jason Leigh campe une inspectrice qui ne sait pas vraiment sur quel pied danser, tiraillée entre le besoin d’exécuter ses ordres et l’instinct maternelle qui n’approuve pas spécialement le fait de plonger un adolescent dans le banditisme. Son personnage fait totalement écho à notre propre condition de spectateur qui sait ce qu’il va advenir du héros, qui aimerait qu’il en soit autrement, mais qui ne peut pas faire grand chose finalement.

Undercover se pose ainsi comme un film sympathique, pas révolutionnaire pour un sou, mais qui nous révèle surtout le talent incommensurable d’un jeune acteur en herbe en la personne de Richie Merritt. Le film se regarde sans poser de problème et intéressera surtout les personnes qui aiment les films qui immergent au sein de quartier où seule la loi de la rue compte.

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