Tous les dieux du ciel : Le décrochage narratif en guise de note d’intention

Après son très remarqué court métrage « Un ciel bleu presque parfait », diffusé et récompensé dans un grand nombre de festivals spécialisés, Quarxx nous en offre ici le prolongement, pour son premier long métrage, un peu comme Gaspar Noé l’avait fait sur « Seul contre tous » par rapport à son court plébiscité « Carne ». Et si l’on se permet d’évoquer Gaspar Noé ici, ce n’est pas simplement parce que l’on prend toujours plaisir à citer ce cinéaste de génie, mais parce que, au vu de la réputation du metteur en scène qui nous intéresse ici (dont nous n’avions malheureusement pas eu l’occasion de voir le fameux court), on s’attendait un peu bêtement à une sorte de croisement entre les univers de Noé et Fabrice du Welz, quelque chose de bien rentre dedans ruant dans les brancards d’un cinéma français standardisé, ayant bien besoin de ce type d’électrons libres pour montrer qu’il peut en avoir dans le ventre. Et si comme on pouvait s’y attendre, le film ne sera pas ce que l’on peut appeler une œuvre traditionnelle, et ménagera son lot de scènes dites « chocs », on sera tout de même à des années lumières des cinéastes sus-cités, tant l’univers mis en place ici n’appartient qu’à son auteur. Malheureusement, dans notre cas, ce ne sera pas suffisant pour s’avérer réellement convaincant, et il sera difficile de se montrer enthousiastes quant au résultat final …

Simon (Jean-Luc Couchard, impeccable), s’occupe de sa sœur, alitée dans un état végétatif depuis un jeu d’enfant ayant particulièrement mal tourné. Licencié de son travail dans une usine à cause d’un comportement de plus en plus instable s’avérant dangereux pour lui-même, il va plonger dans une paranoïa dévorante le déconnectant de plus en plus de la réalité, jusqu’à atteindre une sorte de point de non retour …

Un résumé forcément réducteur, et l’on s’en contentera au vu des virages que se permettra le cinéaste / scénariste, bien décidé à éloigner le spectateur de toute zone de confort, à un point tel que s’il y a bien une chose que l’on ne pourra reprocher au film, ce sera bien d’être trop prévisible. Débutant par le trauma de notre personnage principal, l’occasion d’un plan furtif qui fera forcément grincer quelques dents, le film donnera tout d’abord l’impression d’une chronique sociale juste un peu plus perchée que la moyenne, et l’occasion de croiser toute une galerie de trognes que l’on croirait presque échappées d’un film de Jean-Pierre Jeunet, mais en version un peu plus borderline, moins fantasmée dira-t-on. Mais très rapidement, le film bifurquera dans diverses directions, sans jamais réellement en choisir une plus qu’une autre. On a l’impression que le cinéaste se borne à ne pas choisir, se complaisant à filmer des personnages secondaires n’ayant aucune incidence sur l’intrigue, uniquement pour la beauté du geste. Si certains passages amusent (notamment l’apparition savoureuse du toujours génial Albert Delpy), on ne peut s’empêcher au final de trouver tout cela un peu vain. Et lorsque le récit bascule dans le fantasmatique, adoptant le point de vue subjectif du personnage, on se dit qu’après tout, dans ce monde-là où tout semble clocher, rien ne paraît improbable, et tout peut arriver.

Mais au final, rien ne sera vraiment développé, ou plutôt, on sent bien d’où vient le film, on perçoit à quel moment les thématiques de base qui devaient être celles du court métrage sont triturées, mais de manière trop bancale et maladroite pour nous embarquer dans son petit monde insolite. On ne niera pas la nature singulière de l’objet qui nous est proposé là, et par certains aspects, celui-ci nous propose des scènes comme on ne pensait pas en voir un jour. Notamment une particulièrement risquée, s’aventurant sur des rives quelque peu tendancieuses, et qui choquera fatalement quelques pauvres âmes prudes, mais qu’importe, on ne sent ici aucune complaisance à filmer la crasse, et d’ailleurs le cinéaste ne s’attardera pas plus que de raison sur ces quelques saillies provos qui feront claquer quelques sièges lors de la future sortie salles, prévue en 2019.

Il est difficile de se prononcer de manière catégorique sur une œuvre aussi atypique, et nul doute que certains sauront s’en contenter, trop heureux de pouvoir contempler quelque chose qui ne ressemble à ce point à rien d’autre de connu. Le problème pour nous étant que malgré la sincérité évidente du cinéaste, que l’on n’osera à aucun moment remettre en cause, le tout s’avère bien trop maladroit et sans émotions pour nous emporter dans son monde. On sent l’ambition, thématique et formelle, et l’on ne peut que reconnaître que certains plans sont très beaux, mais on doit également se rendre à l’évidence que le manque de budget se ressent à certains moments bien plus pauvres en terme de mise en scène (dialogues en champs / contre champs sans imagination) ou de photographie, devenant d’un coup bien plus terne. L’audace est là, l’envie déborde à chaque plan, mais tout cela semble ne déboucher sur rien, ou en tout cas, pas sur quelque chose capable de nous convaincre. On attendra tout de même le prochain, car il y a clairement ici la promesse de choses bien plus abouties …

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