Les Confins du Monde : l’Apocalypse Instantanée.

Face au film Les Confins du Monde, on s’aperçoit que le travail de Guillaume Nicloux s’apprivoise à chaque découverte. Son cinéma est mystérieux, on ne sait jamais réellement où l’on met les pieds. On se prend son cinéma dans la gueule, dur de s’y confiner, car il n’est en rien empathique.
Le premier plan des Confins du Monde nous montre Gaspard Ulliel assis sur un banc dans la brume d’un camp militaire. Tout est nébuleux. Puis nous retrouvons le personnage dans une fosse ensevelie de corps morts, du sang partout. Il vient d’échapper au massacre d’un camp de colons français. La famille de son frère n’a pas eu la même chance.
Gaspard Ulliel incarne ce personnage se nommant Robert Tassen. Il rejoint un camp militaire où il fait ses galons rapidement. L’homme a une soif de vengeance sombre. La pesanteur du pays n’aide pas, la compagnie de ses légionnaires non plus. Tassen s’enfonce dans la moiteur de l’Indochine. La France sort à peine de l’invasion allemande en Europe, ses positions en Indochine sont fragiles avec en face les Japonais et les Nord-Vietnamiens qui souhaitent l’indépendance. Les combats s’enchaînent au cœur de cette jungle vert piège et opulente.

Les Confins du Monde renvoie inévitablement à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. La perdition de Tassen en parallèle à celle du Capitaine Willard. Cette même région qui les grignote doucement de l’intérieur. L’alcool, le sexe et l’opium aidant beaucoup à cette errance loin de leurs foyers. Tassen n’a plus rien en France. Il n’a plus de familles, l’Indochine lui volée les derniers membres. Il ne lui reste que la vengeance. Il s’enfonce alors dans la jungle, à l’image de Willard dans sa quête du Colonel Kurtz. Robert Tassen cherche Vo Binh, responsable du massacre au camp où vivait sa famille. Nous assistons donc à une énième descente aux enfers, une apocalypse intérieure et instantanée qui rattrape inévitablement le chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola. Guillaume Nicloux s’inspire plus directement de La 317e Section de Pierre Schoendoerffer. Mais l’Apocalypse Now ne nous quitte pas, bien trop évident, puis Gaspard Ulliel renvoyant trop à Martin Sheen. Mais attention Nicloux ne copie jamais Coppola. L’ambiance et le sujet rejoignent ipso facto les deux films.

Les Confins du Monde est un film cannibale vous captivant pour pénétrer cette jungle folle où l’ennemi est invisible. Les Français ont connu cette folie bien avant les Américains. On se perd avec eux, pire, Tassen nous embrigade dans sa quête rédemptrice dingue. Il abandonne un possible amour perdant toute notion de réalité, car cette guerre aliène tout individu l’ayant épousé.
Robert Tassen épouse la guerre d’Indochine pour l’asservir à sa cause. Une vengeance le bouffant intrinsèquement qui le conduit vers les noirceurs humides d’un conflit colonial absurde. Une forme de révolte d’un homme que plus rien ne tient vers une perspective concrète. La vengeance s’est transformée en rage qui l’accompagne vers un déséquilibre insidieux. Cette guerre a vampirisé des milliers d’hommes, de familles et des générations entières. Les Confins du monde où la représentation d’un conflit qui se transforme en quête pour des hommes déboussolés. Il n’y a pas que Tassen dans cet état, mais aussi Cavagna (Guillaume Gouix), homosexuel refoulé qui s’évapore loin de la France. Il y a aussi Saintonge (Gérard Depardieu) qui a depuis longtemps trouvé ses réponses, mais reste sur place, apparaît tel un songe pour essayer de délivrer Tassen, le guider par les mots, le garder sur Terre. Ce ne sera pas suffisant, la violence de ce conflit annihilera toutes tentatives. Ces hommes sont perdus d’avance, la jungle les appelle à elle, les capture et les mange. Elle dissipe toute rationalité pour se nourrir des hommes, comme elle le fera plus tard avec les Américains. La jungle convoquant la mort pour mieux ingurgiter ces hommes s’offrant à elle, ses chairs sèches empoisonnées qui s’évaporent dans les confins d’un monde barbare et dément.

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