After my death : On peut disparaître ici sans même s’en apercevoir…

Devenu depuis des années l’un des cinémas les plus intéressants sur le plan mondial, le cinéma coréen ne cesse de dévoiler des pépites capables de toucher au cœur et de prendre aux tripes. Un peu plus tôt dans le mois, The Spy Gone North étonnait par sa densité narrative pourtant très claire et voici que débarque After my death, un drame poignant réalisé par Kim Ui-seok, dont c’est ici le premier long-métrage.

Pour son premier film, le réalisateur ne fait pas dans la dentelle et s’attaque frontalement à la société coréenne et l’un de ses principaux fléaux : le suicide des jeunes. After my death raconte l’histoire d’une disparition, celle de Kyung-min, une jeune lycéenne dont on a retrouvé le sac à dos dans une rivière sans pour autant retrouver de corps. Young-hee a été la dernière personne à l’avoir vue et semble cacher un secret. Dès lors, tout le monde, la mère de Kyung-min comme ses camarades de classe soupçonnent Young-hee d’être responsable de cette disparition dont il se murmure que ça pourrait être un suicide…

À travers ce drame, c’est toute la société coréenne que Kim Ui-seok ausculte. Une société si froide qu’elle est incapable d’éduquer ses enfants, ceux-ci grandissant avec un profond mal-être, semblant envisager le suicide avant d’avoir vingt ans, seule manière d’échapper à un monde qui ne tourne pas rond. Triste et amer constat que le film souligne, dénonçant la belle hypocrisie ambiante. En effet, quand Young-hee, persécutée par ses camarades, tente de se suicider mais échoue, tout le monde est aux petits soins pour elle y compris ses anciennes ennemies qui se trouvent désormais une autre victime à punir pour venger la disparition de Kyung-min.

Mais là où After my death déjoue nos attentes, c’est qu’il ne répond pas à sa question centrale. Qu’est-ce qui a poussé Kyung-min au suicide ? Est-ce vraiment Young-hee dont les paroles ont abondé dans ce sens ? La pression sociale mise à l’école ? Ou celle des parents, visiblement pas irréprochables ? Certainement un peu de tout ça. Comment envisager le futur avec espoir quand les personnes censées être là pour nous aider à nous accomplir dans notre vie sont aussi froides et moralement irresponsables ? L’école s’y montre frigide, pensant plus à sa réputation face à cette disparition qu’au bien-être des élèves. C’est au cours d’une conversation anodine dans des toilettes qu’ils décident de relancer leur programme de prévention pour le suicide sans pour autant chercher plus. Le père de Kyung-min n’attend pas deux jours avant d’envisager de déclarer aux assurances un accident plutôt qu’un suicide afin de toucher plus d’argent. Et la mère, à priori la plus humaine, s’avère finalement tout aussi incompétente que les autres.

Face au malaise de la jeunesse, la société n’a rien d’autre à proposer qu’une vive ignorance du problème pour se recentrer sur l’absolue nécessité de la réussite sociale et de se fondre dans le moule. Un constat alarmant que Kim Ui-seok met en exergue à travers une mise en scène implacable, composée de plans statiques isolant sans cesse ses personnages parmi la foule. Impossible de ne pas être saisi d’une boule au ventre à force de voir combien Young-hee est sans cesse isolée, mise au ban par les autres personnages mais aussi par le cadre. Une telle maîtrise de la mise en scène, simple et limpide, impressionne pour un premier film et promet la naissance d’un cinéaste sur lequel il faudra certainement compter. After my death en est la superbe (et terrible) preuve.

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