Mauvaises Herbes : Rencontre avec Kheiron !

Nous avons pu découvrir Mauvaises Herbes à l’occasion de la 7e édition du festival, De l’écrit à l’écran. Kheiron était présent, un peu souffrant, mais il a eu l’extrême gentillesse de répondre à nos questions après la projection de ce second film, trois ans après la révélation avec Nous Trois ou Rien.

Comment vous est venue l’idée de Mauvaises Herbes ?

Je me suis inspiré d’un matériau qui m’est personnel, et j’ai décidé de parler d’un sujet qui me touche particulièrement : l’éducation. Je voulais aborder des thématiques qui me tiennent à cœur comme la rédemption, la communication ou la chance de pouvoir accueillir en France des gens qui viennent de loin et qui s’enrichissent de notre culture.

L’étape du deuxième est souvent ardue pour un jeune réalisateur, surtout après la popularité de Nous Trois ou Rien.

Je sais qu’il est fréquent de louper son deuxième film. Vous avez eu des années pour réfléchir au premier long, pour le travailler, le peaufiner, et le public a découvert votre film par surprise et avec surprise. Comment de nouveau réussir à le surprendre alors qu’il vous connaît désormais ? L’erreur aurait été de chercher à reproduire la même formule. J’ai donc décidé de reprendre les mêmes ingrédients, mais pour concocter une autre recette, complètement différente.

Comment en êtes-vous venus à la mise en scène, sur Nous Trois ou Rien, et ce second film, Mauvaises Herbes ?

Ce sont des producteurs qui sont venus opportunément me voir en spectacle pour me demander un scénario et vendre le film sur mon nom. Ils voulaient une comédie à vendre facilement avec un comique à la mode. Dans le pire des cas, on a tous pris notre salaire, et s’il fonctionne, c’est jackpot ! Surtout que je signe un contrat de trois films. 

Mais plus précisément la mise en scène !

Depuis que je suis tout petit, je sais que mes parents ont une vie dingue. Je m’en suis rendu compte à l’école et devant la pauvreté de certains destins pour le cinéma et la télévision. Je savais le destin de mes parents plus incroyable encore que la fiction. Et je n’ai pas tout mis dans Nous Trois ou Rien, car il devait impérativement durer 1h50. Et je ne pouvais pas faire une saga. Vous avez vu la moitié de la vie de mes parents dans le film. Depuis gamin, je savais que cela méritait un film. C’était évident que j’en fasse mon premier film. 

Ce qui est superbe dans Mauvaises Herbes, ce sont les flashbacks. Ils deviennent de plus en plus sombres au fur et à mesure du film, nous happent dans un récit grave. Les scènes nous marquent…

C’est ce que j’ai écrit en premier à l’étape du scénario. Je voulais raconter une histoire à taille d’enfant. Je voulais désarçonner le spectateur qui s’attend à une comédie. Je voulais le surprendre en sautant perpétuellement d’une époque à une autre. Il n’y a, délibérément, aucun repère visuel ni sonore entre les deux temporalités. L’histoire n’est pas toute tracée dès le départ, il y a des sauts dans le temps avec différents personnages pour que finalement tout se rejoigne. C’est volontaire, un véritable exercice d’écriture de ma part et de montage pour jouer avec le public. Si on projetait séparément un extrait des scènes du passé et un autre des scènes du présent, on pourrait croire qu’on est face à deux films différents. Il ne s’agit pas du même pays, pas de la même époque, pas de la même langue, pas des mêmes acteurs et pas de la même lumière.

Mauvaises Herbes est un film essentiellement centré sur les enfants et l’éducation. Comment s’est déroulé le travail avec eux ?

Très simplement, avec une certaine pédagogie de ma part. Je pars du principe que si une blague n’est pas comprise, c’est de la faute de l’émetteur, pas du récepteur. Donc si je n’arrive pas à me faire comprendre, je dois trouver une autre façon. Si André Dussollier ne comprend pas une directive de ma part, je recommence encore et encore de différentes façons. C’est à moi de trouver la solution, car je ne suis pas clair. Il faut partir de ce postulat précis en m’adaptant en permanence, avec les enfants et les deux stars du film. Les trois quarts des rapports humains sont simples et l’essentiel est de gérer nos échanges, les anticiper. Avec les gamins au Maroc, je leur ai mis à disposition un coach pour qu’ils apprennent les dialogues par cœur. Je ne voulais pas perdre de temps sur place avec cela. Et heureusement, car on a un plan séquence complexe, tout doit être millimétré. La séquence dans le dortoir avec l’échange entre les deux gamins est d’une complexité en termes de jeu que les deux jeunes relèvent haut la main grâce à leur travail avec le coach. Ils avaient à peine 5ans. 

Et Catherine Deneuve et André Dussollier ?

Sans aucun complexe. Il faut être relâche, car ils le demandent aussi. Ne surtout pas leur montrer que je suis fan d’eux, de leurs carrières. Catherine Deneuve ne m’aurait peut-être pas laissé l’emmener où je l’ai emmené. « Catherine ? Les mèches blondes, il faut les sortir ! Moi je veux voir la vieille ! » (Rire) Il faut être sans aucun complexe. Tu ne pas être fan et emmener les acteurs vers ce que tu vas leur demander. Rien ne va fonctionner. Tu dois être un colonel. 

Propos recueillis par Mathieu Le berre.

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