Parvana : Raconte-moi une histoire

Sortie en vidéo  ce 31 octobre, nous avions loupé Parvana à sa sortie en salles le 27 juin dernier. Il est temps pour nous de réparer cette injustice. Avant d’attaquer la critique, il faut bien reconnaître que les éditions Blu-ray et DVD du film disposent de compléments intéressants. Tout d’abord, deux entretiens avoisinants chacun le quart d’heure. Le premier, avec la réalisatrice Nora Twomey et Angelina Jolie (qui produit le film), revient sur la gestation du projet et leurs motivations de porter le livre dont est tiré Parvana sur grand écran, ainsi que le choix du recours à l’animation. Le second, avec Nora Twomey et Golshifteh Farahani, la voix française de Parvana, revient sur le travail de cette dernière sur le film, avec quelques extraits dans le studio d’enregistrement qui nous laissent découvrir plus en détail cet aspect de la fabrication du film. Les deux bonus suivants vont plutôt lorgner vers la technique, avoisinant les cinq minutes chacun. Ils reviennent sur le travail des équipes d’animation pour le premier, et de l’ambiance sonore pour le second et comment faire cohabiter le monde imaginaire des contes et le monde réel. Un approfondissement de l’univers du film qui fera des heureux, tant cette aventure donne envie qu’on s’y attarde et ceci malgré un univers sans pitié.

Parvana, cadette d’une famille afghane, originaire de Kaboul, se voit dans l’obligation de se grimer en jeune garçon pour pouvoir sortir de chez elle et subvenir aux besoins de sa famille. Cette dernière n’est en effet plus composée que de femmes (interdites de sortie sans l’accompagnement d’un homme) et d’un tout jeune garçon, depuis l’arrestation injuste du père de la famille. Ainsi déguisée, elle devra composer avec la charia et les talibans omniprésents dans la ville (on sent leur ombre planer, même en leur absence), risquant sa vie à chaque instant.

Bien entendu, elle trouvera quelques lueurs d’espoir, au milieu de ce qui semble être à première vue un monochrome d’obscurantisme et de fanatisme. Elle croisera, Razaq, sorte de « malgré-lui » taliban, moins ivre de colère que ses confrères ou encore Shazia, une ancienne camarade qui utilise la même ruse qu’elle. On s’aperçoit que son cas n’est pas isolé et le constat d’une injustice généralisée ne se fait pas attendre. Mais l’espoir, c’est avant tout dans les contes que Parvana le trouvera. Elle raconte, à intervalles réguliers, l’aventure d’un jeune héros qui part défaire un roi éléphant tyrannique ayant appauvri un village. Ce récit donne l’occasion de changer de style graphique, optant pour du papier découpé marquant la séparation entre les deux univers. L’ajout de cette couche renforce d’autant plus l’ancrage dans le réel du destin de Parvana, si bien qu’on en oublie qu’il est lui aussi en animation. Ce récit, s’il est toujours conté par l’héroïne, passera par plusieurs oreilles avides. Avides d’apaisement, d’un oubli temporaire de la réalité, de recevoir un enseignement ou simplement de se donner du courage. La réalisatrice n’est pas étrangère à ces thématiques, déjà responsable de Brendan et le Secret de Kells et ayant aussi travaillé sur Song of the Sea. Ces deux petites perles jouent déjà avec la transmission et la valeur de la fiction dans la vie des hommes. Ici, le contexte d’emblée plus grave et contemporain, exacerbe ces thématiques par un danger qui plane constamment. Paradoxalement, la mise en scène sait prendre son temps, pour mieux ressentir la menace roder. Les plans respirent pour mieux véhiculer leurs idées, avec des compositions aussi simples qu’efficaces, qui parfois se font écho pour mieux nous marquer.

Parvana suit donc l’évolution de cette jeune fille (mais aussi d’autres femmes) forcée de grandir trop vite au milieu des conflits, forcée de composer avec des règles arbitraires qui l’entravent, en ne la considérant pas comme une personne à part entière. D’abord fille, puis garçon, elle achève son parcours en devenant elle-même, lors du final où elle se raconte la conclusion de son histoire qui l’aide à aller de l’avant. Parvana délivre un message de tolérance et d’espoir simple, mais intelligemment délivré comme le ferait son héroïne. Toujours dans une nuance, obligatoire devant un tel contexte, le film parvient à raccorder ses wagons vers quelque chose de plus universel en opposant au fanatisme la voix de l’imaginaire, de la tradition orale et de la transmission. Une victoire de la mythologie sur la barbarie, une histoire qui s’écoute autant qu’elle se ressent.

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