Royalesque : Rencontre avec Laurent Grima, créateur et acteur principal de la Web-série événement.

Qu’est-ce qui vous a poussé à traiter ce sujet d’une monarchie en France ?

Alors au début ce n’était pas tout à fait ce sujet. Le pitch de base quand j’ai pitché la série à Alexandre Coudray et Sarah Guillotin [les co-scénaristes de la série – ndlr], c’était une pop-star qui était baby-sittée par son « attachée de presse ». On a commencé à réfléchir et brainstormer là-dessus sauf qu’il n’y a pas grand chose qui venait, il nous manquait un truc plus fort. On voulait que ce soit plus politiquement incorrect. Et une nuit je me suis réveillé et j’ai tout de suite pensé à cela. Je me suis dis « tiens punaise, un prince de France et en plus on peut vraiment se moquer de la politique française aujourd’hui, se moquer de la royauté ». Et ça faisait un très bon parallèle avec la famille royale en Angleterre qui a eu leur prince Harry, grosse source d’inspiration pour le personnage d’Eugène. Après ce qui nous a poussé à traiter ce sujet était de pouvoir se permettre d’être politiquement incorrect parce qu’il y a beaucoup de choses qui ne nous conviennent pas dans la société d’aujourd’hui, mais aussi de créer des personnages qui n’existent pas encore aujourd’hui, dans la télé française en tout cas. Au final ça nous à motivé à créer ces personnages qui sont quand même tous assez hauts en couleur, on dirait un peu un asile de fou cette série.

Comment vous est venu l’idée ou le désir de le faire au format web-série ?

Au départ on voulait vraiment vendre la série à la télé. On a été accompagné par une dame pendant un certain temps qui a été chargée justement de présenter les projets aux chaînes de télévision. Ça a un peu pris avec 2 chaînes que je ne nommerai pas, sauf qu’on s’est rendu compte que si on envoyait la série à la télé, ça se ferait sans nous. On nous prendrait la série et nous, on nous dirait « merci bye bye, c’est très gentil de nous avoir donner ce pitch, c’est très gentil de nous avoir donné ces personnages, nous on va en faire quelque chose mais sans vous ». Cela nous a vraiment dégoûté de ce milieu. Moi un peu plus parce que c’est moi qui allait aux rendez-vous et qui avait ces gens devant moi avec l’aplomb de me dire « oui mais sans vous ». Et du coup pendant un certain temps on s’est demandé ce qu’on allait en faire, puis on s’est rendu compte de l’évolution positif de la web-série, on s’est dit « aller go, en plus on sera beaucoup plus libres de faire ce qu’on veut, d’écrire ce qu’on veut, de les faire devenir ce qu’on veut ». Finalement, au moment où on s’est dit « web-série » tout est allé beaucoup plus vite et plus clairement pour nous.

Votre série possède quand même des décors, des costumes, des lieux et du matériel qui coûte une certaine somme. L’avantage de la télé est que tout cela peut facilement et rapidement être financé. Est-ce qu’en web-série cela n’a pas été trop dur de trouver des financement ou des participations financière comme les dons ?

On a fait un crowdfunding qui nous a rapporté 8 000€ donc beaucoup aidé.  Du coup, ça nous a permis d’axer l’argent sur les décors. C’était très important pour nous que la série ait une esthétique qui soit cohérente avec le pitch, cela nous a permis de louer des lieux qui sont très beaux et très fastueux et luxueux. Résultat ça donne un cachet à la série qui est précisément celui que je voulais. Après on n’a pas eu plus d’argent que cela, personnellement j’en ai mis beaucoup de ma poche mais ce n’est pas plus mal finalement. Parce que quand on prête de l’argent, on doit aussi s’axer sur ce que cette personne voudra. Quand on doit de l’argent à quelqu’un forcément on doit un peu se plier à ses exigences. Après c’est bien d’avoir fait équipe avec toutes ces personnes car on a pu faire lire plusieurs scénarios et avoir des retours. Car à la base il y avait tout de même 20 épisodes écrits, et certains scénarios allaient sans doute un peu trop loin dans le politiquement incorrect. On a fait une lecture avec tous les acteurs et certains d’entre eux nous ont dit « ok là, c’est beaucoup trop les gars ». On était d’accord avec eux et on voulait vraiment avoir leur avis. Il est vrai que ce sont des épisodes mis de côté et je pense que ce n’était pas plus mal.

On sent une nette amélioration en terme de réalisation et de mise en scène au fil des épisodes. Est-ce que vous étiez amateurs ou il y avait des professionnels également ?

Il y avait des amateurs, des semi-professionnels et des professionnel. Chacun a appris à son rythme et ses besoins, mais ça nous a aussi permis de trouver le rythme de la série, son esthétique, son ambiance, la lumière, ses déplacements, car je voulais impérativement tourner au maximum en plan séquence et c’est vrai qu’on a trouvé tout ça au fur et à mesure. On peut même voir quels épisodes ont été tournés en premier et lesquels sont tournés dans les derniers.

Et est-ce que vous aimeriez plus tard pouvoir développer votre série sur support physique, comme les DVD/Blu-Ray sur lesquels vous pourriez mettre les épisodes que vous n’avez préféré pas diffuser ?

Pour le moment ce ne sont que des scénarios donc ce n’est pas possible, mais ça me botterait énormément oui de le sortir sur support physique. Notre rêve ce serait qu’il y ait une saison 2 et que la saison 1 marche suffisamment bien pour pouvoir produire la suite. C’est vrai que s’il y a une saison 2 il y a quelques épisodes que Alexandre et moi aimerions vraiment tourner, il faudrait les édulcorer un petit peu évidemment mais ce serait très tentant.

Et comment ça t’es venu de vouloir incarner ce personnage particulièrement détestable, bien que tu l’incarnes très bien ? Et comment se sont portés les choix pour les autres acteurs ?

C’était super important pour moi de jouer le personnage principal, il a été écrit pour moi et chaque autre rôle est spécifique à son acteur, le rôle a été écrit pour cette personne et on a eu la chance que toutes les personnes qu’on voulait nous aient dit oui. Du coup on a l’équipe qu’on voulait. Un autre point qui ne nous convenait pas avec la production télé, car on nous demandait tout de suite de faire intervenir des gens qu’on ne voulait pas et virer les gens qu’on voulait. Comme on avait déjà toutes les personnes qu’on souhaitait ça nous convenait parfaitement.

Chaque personne s’est assez vite portée sur un personnage en particulier.

En fait tous ces gens là faisaient partie de l’entourage des uns et des autres puis on les a un peu rencontrés et découverts et à partir d’eux on a écrit leur personnages. C’est tous plus ou moins des monstres, mais on a apporté leur part de « monstre » qui est la leur dans leur personnages.

Et concernant le réalisateur ? Vous le connaissiez avant ?

Oui. On a beaucoup travaillé ensemble mais au théâtre et c’est un directeur d’acteur qui est extrêmement fin. C’était important que lui vienne nous diriger sur le plateau parce qu’il amène souvent les gens vers justement leur côté un peu obscur. Donc c’était très intéressant de l’avoir sur le tournage. Pour ma part je me suis d’ailleurs amusé comme un fou à jouer ce genre de personnage.

C’est vrai que tous les membres de la famille ont tous une psychologie très antipathiques, je ne vais pas dire diamétralement opposés mais très éloignées. Ils sont tous très méprisants et provocateur à leur manière. Par ailleurs on peut noter beaucoup de similitude politiques et sociales avec le gouvernement actuel, que ce soit Macron, ses députés etc… Dans quelle proportions ces actualités, ces polémiques récurrentes etc… ont été un moteur pour votre histoire.

À 100%. Et sur ce point je vais raconter une petite anecdote. On dit que les Simpsons sont les visionnaires car ils ont réussi à prédire des événements comme l’élection de Trump. Et nous dans l’épisode 3 à un moment donné, la reine est au téléphone avec Donald Trump. Cet épisode a été écrit bien avant que Trump soit président et même bien avant qu’il soit en course dans la candidature pour les républicains. Forcément ça nous a beaucoup surpris son élection et du fait que dans l’épisode on avait déjà écrit qu’il était plus ou moins président des États-Unis. Donc ça a joué qu’il y ait autant de « monstre » dans la politique qui prennent le pouvoir à travers le monde. Cela nous aide clairement dans l’écriture des personnages. Au delà juste de la famille royale d’Angleterre, la plupart des présidents dans le monde sont comme des rois et comme des princes, en tout cas ce sont des grands messieurs capricieux et Eugène est un grand monsieur capricieux.

Dans le même ordre d’idée il y a le personnage de Sarah Guillotin, dans la série vous lui imposez de s’appeler Corinne renvoyant indirectement à la polémique d’Eric Zemmour qui dit à Hapsatou qu’elle aurait dû s’appeler Corinne.

Oui complètement, c’est fou. Y a plein de trucs comme ça avec le personnage de Corinne. Depuis qu’on a écrit le personnage on a l’impression que même à la télé Corinne est devenu une sorte de personnage. Ça sera très intéressant de voir l’évolution de la série aux yeux du public de notre point de vue. D’ailleurs on se parle souvent entre nous sur l’actu « T’as vu ce qui se passe, c’est dingue, c’est exactement ce qu’on a écrit ».

Effectivement, même si nous ne sommes plus du tout dans une monarchie, les dirigeants sont toujours un peu des monarques modernes. On approche de la fin et j’aimerais te poser deux questions un peu plus légères, quelle est la scène, l’épisode, le tournage ou la journée qui a été la plus difficile ou la plus éprouvante à tourner ou à écrire?

Dans l’épisode 6, c’est un épisode qui se passe sur un plateau télé, Eugène est invité par un présentateur très connu en France et tout aussi odieux mais qui déteste Eugène. Dans cet épisode Eugène s’énerve vraiment contre tout son staff et ça été très long à la tourner. On était très très très fatigué et le réalisateur m’a demandé d’improviser toutes les insultes que je pouvais avoir. Sur le moment plus rien ne m’est venu. C’est-à-dire que je suis quelqu’un qui a quand même un bon nombre d’insultes dans ses bagages et quand il était temps de tourner la scène, je disais des trucs qui n’était même pas des insultes, genre « espèce de vieille peau de merde », c’était nul. C’était super dur à tourner et le réalisateur me disait à chaque fois « Coupez… Mais qu’est-ce que tu viens de dire? ». On l’a tournée pendant super longtemps cette scène au final. C’était une très longue journée et sur un plateau de télé il y a des gros spots comme sur une scène, on a passé 5h là-dedans et on était en sueur etc… C’était un des derniers jours de tournages en plus donc on était un peu triste, c’était un peu compliqué.

Oui c’est vrai qu’il n’y a que 7 épisodes alors qu’il devait y en avoir 8 si j’ai bien compris?

À la base il y en a 8 effectivement mais on a décidé de se séparer d’un épisode parce que,  scénaristiquement c’était notre épisode préféré à Sarah, Alexandre et moi, mais le résultat final ne fonctionnait pas, notamment à cause du lieu. Comme on ne voulait pas que ça desserve la série, on a décidé de le couper et on va le réécrire pour l’adapter à la saison 2 si elle voit le jour.

Et donc par opposition avec cette scène là, quelle est celle qui vous a rendu le plus fier, la plus joyeuse ou pour laquelle tu gardes le meilleur souvenir?

On a vachement rigolé à tourner l’épisode 4. On a ri parce que c’est un épisode écrit il y a presque 3 ans donc il n’y avait pas toute cette effervescence des #metoo, #balancetonporc etc sur les réseaux sociaux. C’est un épisode pour le coup qui est vraiment bien là-dedans et on a vachement ri, c’était super drôle. En plus toutes les filles qui étaient là étaient super à jouer alors qu’elles ne sont pas forcément actrices donc c’était super drôle de les voir réagir. Des fois il y en a quelques unes qui riaient, on était obligé de couper malheureusement car on ne peut pas garder un rire dans cette scène mais c’était très drôle.

Ah elles n’étaient pas du tout actrices ?

Elles ne sont pas actrices, sauf une, celle qui a un cheveu sur la langue. Elles sont chacune physiquement et psychologiquement très différentes ce qui donne un truc durant cette scène. Il y a un épisode aussi qui a été tourné en Normandie, le dernier, juste après l’énorme chute de neige. C’est celui qui a été le plus éprouvant à tourner ! Parce qu’on a tourné pendant au moins 5h, les pieds dans la neige et nos chaussures de ville n’étaient pas du tout adaptées. Et il y a un moment où Clara, celle qui joue Emmanuelle, et moi, sommes allés voir le réalisateur, pour lui dire: « écoute là faudrait absolument l’avoir la prise parce qu’on n’en peut plus ». On a commencé à un peu pleurer tous les deux, on avait des douleurs jamais ressentis aux pieds. Du coup, on voulait absolument avoir la prise, et on l’a eue !

Une dernière question pour clôturer cet entretien. J’ai cru comprendre que vous deviez faire un épisode dans un hôpital mais que c’était excessivement compliqué d’obtenir une autorisation pour tourner dedans. Du coup je voulais connaître ton avis à ce sujet, ton ressenti après coup, qu’est-ce que vous en tirez pour faire simple ?

C’est un de ces épisodes où à la lecture on nous a dit « les gars, c’est un peu trop ». Mais on aime beaucoup quand même ce scénario. Après c’est allé très vite, car en réalité on a tout de suite compris que ça serait très compliqué de tourner dans un hôpital, que ce serait vraiment s’arracher les cheveux sans une production derrière et d’essayer d’avoir ce lieu. On a rapidement décidé de le conserver pour plus tard et de l’édulcorer un peu. Après on n’a pas tant cherché que ça à obtenir ce lieu de tournage. Mais c’est frustrant de se dire que c’est quasiment impossible de tourner dans certain lieux quand on n’a pas une production derrière. C’est rageant car on a envie de faire de nos bébés ce qu’on a envie qu’ils soient et de voir qu’on nous met toujours des bâtons dans les roues. C’est le jeu mais c’est quand même très frustrant. Et encore notre premier assistant réal est en train de faire un stage pour apprendre à comment obtenir ce genre de lieux et il nous a dit qu’en effet ce sera très compliqué pour l’obtention d’un hôpital. Il restera avec nous sur la saison 2 donc il va un peu nous aider car ce stage devrait lui apprendre un peu d’astuces. Dans le même genre, on a galéré pour avoir une salle de conférence, on nous proposait des lieux pour des prix qui n’avaient pas de sens, c’était complètement hors de nos moyens. À contrario on a pu tourner dans des hôtels particulier, notamment pour les épisodes 1 et 3, avec des salles superbes qu’on a payé pas grand chose, alors qu’on nous propose pour des salles qui ne sont franchement pas terribles à des prix allant de 1 000 à 2 000 €, on a juste halluciné quoi.

Vous n’avez pas trouvé votre compte dans les petits cinémas indépendants et les cinémas de quartier ? C’est souvent là qu’ils sont ouverts à des projets modestes en général.

C’est justement là qu’on pouvait avoir des salles à 1 000 ou 2 000 €. Ensuite on a essayé de faire une projection de la saison 1 juste pour l’équipe dans un petit cinéma pour que ce soit pas mal, mais pareil, c’était beaucoup trop cher.

Royalesque, disponible sur YouTube à partir du 10 octobre (à raison d’un épisode par semaine tous les mercredis)

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