Tazzeka : Le bonheur solaire de la cuisine.

On se plaît parfois, via ce métier dense et impitoyable, sur simple présentation d’un synopsis et d’une affiche solaire, de découvrir un petit film. Avec tout le respect que l’on doit à Tazzeka, par « petit film », il peut cacher une belle proposition de divertissement. C’en est le cas ici avec le premier film de Jean-Philippe Gaud, après une multitude de courts-métrages et de documentaires. Jean-Philippe Gaud sort de la prestigieuse Fémis, diplômée en section «Montage». Il n’a pas le même parcours que certains autres élèves plus glorieux, mais Tazzeka est l’accomplissement d’un parcours singulier dans la périphérie du métier entre mises en scène au théâtre, montage et collaborations diverses et variées.

Tazzeka est l’histoire d’Elias, qui grandit au cœur d’un village marocain, Tazzeka. Quelques années plus tard, la rencontre avec un grand chef cuisinier parisien et l’irruption de la belle Salma dans son quotidien vont bouleverser sa vie et le décider à partir pour la France… À Paris, Elias fait l’expérience de la pauvreté et du travail précaire des immigrés clandestins. Il découvre aussi les saveurs de l’amitié grâce à Souleymane, qui saura raviver sa passion pour la cuisine.

De ce synopsis simple, Jean-Philippe Gaud tire un film solaire. Le réalisateur ne peut tirer un drame des péripéties parisiennes d’Elias tant la positivité thématique du film est prégnante. De la première partie marocaine, on sait d’avance qu’Elias va savoir rebondir. Une chaleur communicative traverse le film de bout en bout. Tazzeka est un doux divertissement qui nous redonne le sourire pour le restant de la journée. Le film se savoure tel un plat d’Elias, que Jean-Philippe Gaud magnifie en gros plan. Les scènes de préparation de repas sont décryptées avec calme et soin, permettant à cette avalanche de saveurs de nous atteindre. Le film donne une faim de loup dans cette vie si complexe.
Outre la passion pour la cuisine d’Elias transmise par sa grand-mère, Jean-Philippe Gaud essaye de parler de l’immigration actuelle. Le frère d’Elias est mort en essayant de traverser le détroit de Gibraltar, et Elias arrive en France pour devenir manœuvre clandestin sur les chantiers. La cuisine s’oublie pour survivre dans le capharnaüm de la vie à Paris entre un matelas dans un squat de receleur et le périphérique pour trouver du travail au noir.
Même l’amour s’interdit à lui, via Salma, jeune fille rebelle et provocatrice qui traverse le film telle une utopie d’un bonheur possible pour le jeune homme. Elle est un mirage hurlant dès son arrivée dans le film pour mieux s’évanouir à Paris, sans que l’on comprenne réellement sa valeur.

Reste alors Elias, petit marocain de Tazzeka qui essaye tant bien que mal de trouver sa place. Il est interprété avec saveur par Madi Belem, croisé dans Le Convoi de Frederic Schoendoerffer ou dans la série, Baron Noir, pour Canal+. Tazzeka est pour lui le rôle de la découverte réelle, un rôle saillant et pétillant qui nous permet de mettre un nom sur un visage à suivre. Il faut admettre que le jeune acteur est diablement bien entouré, notamment par la gouaille d’Abbes Zahmani, vu un peu partout, une trogne, mais surtout une voix et un jeu distinct entre tous, chez Chatillez ou Onteniente où il était Mendez le garagiste dans Camping ou Neuneuil dans Disco. Un acteur polyvalent que l’on retrouve aussi chez Assayas en Bouteflika dans Carlos ou chez Alexandre Arcady ou Nadir Moknéche notamment.

Tazzeka, c’est la recette parfaite de la comédie indépendante faite avec une envie et une chaleur communicative. La passion et l’envie de bien faire transpirent malgré les contraintes financières et techniques évidentes. Tazzeka est un film énergique qui fait un bien fou. Une comédie prônant des valeurs de solidarité et de bienveillance pour finalement réussir dans sa vie, atteindre l’impensable pour un jeune marocain débarquant plein d’espoirs à Paris de sa région reculée du Maroc. On vous invite sincèrement à découvrir Tazzeka pour soutenir un petit rayon de soleil qui réchauffera vos cœurs dans cette amorce automnale humide.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*