Bergman, une année dans une vie : scènes de la vie de Bergman

Ingmar Bergman aurait eu cent ans cette année. Cela explique les nombreux hommages au cinéaste suédois, de sa rétrospective à la Cinémathèque française aux ressorties organisées par Carlotta en plusieurs temps. C’est également Carlotta qui distribue Bergman, une année dans une vie, documentaire sur le cinéaste actuellement à l’affiche. Réalisé par Jane Magnusson, cinéaste fascinée par Bergman (elle a déjà co-réalisé en 2013 le documentaire Trespassing Bergman), le film étonne par sa capacité à s’adresser à n’importe quel public. Bergman, une année dans une vie est en effet capable d’intéresser aussi bien le passionné de Bergman que le néophyte. A la fois porte d’entrée vers l’univers du cinéaste et complément d’informations sur sa carrière, Bergman, une année dans une vie surprend.

Mais comment résumer la carrière d’Ingmar Bergman ? L’homme a plus de soixante réalisations à son actif, a mis en scène de nombreuses pièces de théâtre, a connu cinq mariages et beaucoup plus de maîtresses. Artiste totalement impliqué dans son travail (il disait lui-même ne pas savoir les dates de naissance de ses enfants), grand angoissé, jaloux maladif attaché à ses petites manies, menteur sur les bords, l’homme est impossible à saisir si ce n’est à travers le prisme de ses films. Jane Magnusson l’a bien compris et décide carrément de concentrer son film sur l’année 1957, certainement la plus faste de la carrière du cinéaste avec deux films à l’affiche (Le Septième Sceau et Les fraises sauvages), des mises en scène de théâtre (sa version de Peer Gynt dure 5 heures !), un téléfilm, deux pièces radiophoniques, une femme, deux maîtresses et six enfants.

L’année 1957 forme donc le point central d’un documentaire fort passionnant qui ne peut s’empêcher de parcourir malgré tout l’ensemble de la carrière de Bergman en filigrane, n’excluant rien, ni ses sympathies nazies (reniées en 1946) durant la seconde guerre mondiale, ni ses mensonges, ni ses défauts. Défauts dont Bergman lui-même était conscient et auquel il s’attaque farouchement dans ses films. 1957 marque d’ailleurs l’année où le cinéaste décide de parler de lui dans ses œuvres (un psy dira d’ailleurs que s’il traitait les névroses de Bergman, celui-ci ne pourrait plus faire de films). Il en résulte des portraits terribles, de jaloux maladifs, d’hommes délaissant leur famille pour le travail mais aussi de superbes portraits de femmes que Bergman dirige avec une véritable sensibilité.

Accompagné d’interviews de collaborateurs de Bergman (dont Liv Ullmann même si Max von Sydow est aux abonnés absents) et de précieuses images d’archives (d’interviews de Bergman ou des moments fugaces filmés sur les plateaux de tournage), Bergman, une année dans une vie met en parallèle les névroses du cinéaste et ses films, nous ouvrant la porte vers un univers cinématographique absolument passionnant à explorer. Peu de réalisateurs auront autant utilisé le cinéma pour tâcher de comprendre leur propre vie et leurs propres angoisses. Le film nous fait le portrait d’un homme qui ne vivait que pour son art, d’un cinéaste sensible, rapidement devenu tout-puissant en Suède et largement adulé partout dans le monde.

Certes, Jane Magnusson ne peut évidemment saisir toute la complexité de l’homme et du cinéaste. Mais à travers son film, elle parvient néanmoins à nous offrir un portrait complexe, savoureux dans ses contradictions, ouvrant la porte vers une œuvre cohérente et bouleversante que l’on a très vite envie de (re)découvrir. Car après tout, qui est mieux placé qu’Ingmar Bergman pour parler d’Ingmar Bergman ?

 

 

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