Frères Ennemis : …D’armes et de sang

En France, il est indéniable que nous avons le savoir-faire en termes de polars. Le polar à la française, c’est des années de productions fastueuses avec les plus grandes gueules du cinéma : Jean Gabin, Lino Ventura, Alain Delon, Bernard Blier, Jean-Paul Belmondo…
Le polar n’est rien sans des gueules de cinéma. Les artifices ne trompent personne via des scénarios à concept, trop vite casse-gueule. Le polar doit se faire simple et tenace. Il ne doit plus nous lâcher, en dépit des convenances inhérentes à un genre aux codes depuis longtemps éculés.

Frères Ennemis ne souhaite pas révolutionner le genre. Il est un scénario en gestation depuis 2007, que David Oelhoffen peaufine avec minutie. C’est l’arrivée sur le projet des deux têtes d’affiche que sont Reda Kated et Matthias Schoenaerts qui fait basculer le projet. Deux acteurs monstres qui donnent tout le sel à Frères Ennemis.
Ils interprètent respectivement Driss et Manuel qui ont grandi comme deux frères inséparables dans la même cité. Mais aujourd’hui tout les oppose. Manuel est à la tête d’un trafic de drogue, alors que Driss est devenu flic. Quand celui-ci est promu aux Stups, son retour bouleverse les équilibres et met Manuel en danger. 

Le film repose sur un schéma simple et depuis longtemps éprouvé : la vengeance d’un gangster et le soutien d’un frère devenu flic. Tout les oppose, mais cela les rapproche. On connaît le final d’avance, David Oelhoffen ne faisant pas d’efforts pour étoffer le potentiel de son film. C’est un peu bis-repetita au doux monde des gangsters. Fusillades, assassinats, trahisons, amitié et amour. On n’a pas fait mieux depuis Shakespeare. 

Il reste alors les gueules, celles qui vont émailler le film d’une présence grave, d’une intensité percutante et donner le ton, cette mesure qui permettra la création de l’empathie. Cette notion même qui nous placera soit d’un côté ou de l’autre, le méchant ou le gentil. Mais y’a-t-il finalement un bon et un méchant ? Chacun y voit à son intérêt, essaye de faire au mieux. Les chemins sont seulement différents. Alors on s’attache ou non à Matthias Schoenaerts en cavale tout le film et Reda Kated, le bon samaritain.

Il y a une chose indéniable au film, c’est la gestion du potentiel des gueules par David Oelhoffen. Cette particularité tenait déjà Loin des Hommes avec Viggo Mortensen et Reda Kateb. Le film ne laisse pas un souvenir impérissable, seule la volonté de bien faire de la part d’Oelhoffen. On retrouve avec Frères Ennemis les mêmes similitudes. On ne peut dire qu’Oelhoffen orchestre un grand film, car on a déjà plusieurs saisons d’Engrenages et de Braquo d’entamées, puis le dépouillement des années 70 en termes de polars frenchie. Mais David Oelhoffen gère parfaitement ses gueules. Reda Kateb est parfait en flic des stups prêt à tout pour préserver ses amis d’enfance, et Matthias Schoenarts nous refait le coup de la bête sauvage blessée au souffle lourd et prégnant. Mais le tout fonctionne comme une évidence, l’alchimie parfaite pour nous évader deux heures au cœur des cités parisiennes. 

Frères Ennemis réjouira les amoureux du polar. Non pas par son originalité, mais par la force de sa distribution, l’évidence de les voir un jour associer et minutieusement gérés par un metteur en scène ayant l’œil. Cet œil qui ne déraille jamais d’une ligne toute tracée depuis tant d’années, celles où le scénario dormait dans les tiroirs, ressortant parfois, changeant trois fois de titre et arrive enfin sur les écrans avec force et passion. Frères Ennemis est un film simple et fort qui souhaite juste exister, faire son trou et se laisser découvrir comme une proposition brute et battante. Dommage que les grosses ficelles ne soient trop vite visibles, sinon nous avions notre parfait petit polar produit pour trois francs six sous.

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