22 Miles : Rencontre avec Peter Berg, réalisateur du film.

Rendez-vous était pris chez le distributeur du film pour rencontrer le réalisateur, Peter Berg, pour la sortie de 22 Miles le 29 août au cinéma. 
Peter Berg, nous l’avons connu grâce à son rôle de footballeur blessé poursuivi par un tueur en série électrisant dans le Shocker réalisé par Wes Craven en 1989. Ce sera son seul rôle en tant qu’acteur connu pour nous. On le retrouvera ensuite à la mise en scène de Bienvenue dans la Jungle où Dwayne Johnson prend le relais dans le genre action avec un clin d’oeil de la part de Schwarzy. Ensuite il y aura le flop commercial Battleship, et ses collaborations fructueuses avec Mark Wahlberg sur trois films. 22 Miles en est une nouvelle fois le cas, la quatrième en partenariat avec Iko Uwais, star de l’action en Asie, dont Peter Berg est le plus grand fan. Rencontre.

Vous revenez avec un film de pure fiction après trois films s’inspirant de faits réels (Du sang et des larmes, Deepwater et Traque à Boston). Mais on a cette impression que vous recherchez le réalisme en permanence dans l’action, les mouvements des militaires, dans les détails. Est-ce que c’est une de vos motivations principales ?

C’est vrai que mes trois précédents films, parfois centrés sur des sauveteurs, étaient assez éprouvants à faire. Des histoires vraies impliquant la mort de dizaines de personnes. On interroge les survivants, les femmes des victimes, on voit leurs réactions après la vision du film et c’est déchirant. À chaque fois, ça m’arrache une partie de mon âme. Donc pour celui-là, j’ai voulu tout inventer. Ça m’a permis de m’amuser sur le plateau sans pour autant perdre de vue le réalisme des situations et le fait que l’organisation dont je parle existe vraiment. 22 Miles est donc proche de la vérité, mais ce n’est pas la vérité.

Vous retrouvez une fois de plus Mark Wahlberg avec 22 Miles, que trouvez-vous chez lui qu’il n’y a pas chez les autres ?

La raison qui me fait travailler avec Mark est le fait que nous entretenons une amitié très forte. Nous sommes comme des frères lui et moi, on peut se disputer, avoir des discussions très animées, mais ce n’est pas grave. On se fait énormément confiance et on prend beaucoup de plaisir à collaborer. Tant que cette envie et ce plaisir seront là, on continuera à travailler ensemble, je crois.

Comment avez-vous eu l’idée de confronter Mark Wahlberg et Iko Uwais, la star de The Raid ?

J’adore Iko depuis que j’ai découvert The Raid. J’ai le sentiment qu’il pourrait être le prochain Bruce Lee, c’est un jeune homme très talentueux. Il a un sens de la chorégraphie des cascades ahurissant. Sur le plateau, il a presque réalisé toutes les scènes d’action avec moi. Iko est arrivé en premier sur le film. C’est autour de lui que j’ai bâti le film, avant que Mark Wahlberg ne soit engagé. Il va devenir une grosse star du cinéma d’action. Il y a eu Bruce Lee, Jet Li, Jackie Chan et maintenant il y a Iko.

Vous avez bâti en partie votre carrière sur le cinéma d’action. Quelles sont vos références  ?

C’est une bonne question… Il y a eu Die Hard évidemment, French Connection avant ça. Terminator m’a aussi beaucoup marqué. Ce sont les trois films que je citerai, ceux qui m’ont le plus influencé. Il y a aussi eu C’était un rendez-vous, un court-métrage de Claude Lelouch que je trouve ahurissant dans sa manière de filmer. On a tourné 22 Miles à Bogota en Colombie et pour nos scènes de course-poursuite, on a dû avoir l’autorisation du Président, de généraux, on a dû bloquer des centaines de rues pour que personne ne soit blessé. Mais Claude Lelouch a tourné son petit film sans rien dire à personne, de façon totalement réaliste et incroyable. Ce mec est un sacré conducteur  !

Quel type de réalisateur êtes-vous quand vous tournez des scènes d’action de cette ampleur  ? Vous êtes plutôt calme et serein ou totalement stressé ?

Quand j’ai commencé à faire des films, j’étais très nerveux, très tendu. Si quelqu’un venait vers moi pour me dire bonjour, je l’envoyais chier sans réfléchir. Tout était un combat, je pensais que tout le monde voulait ma peau donc je me montais la tête et j’étais épuisé à la fin de la journée. Heureusement maintenant j’ai beaucoup plus d’expériences et je suis beaucoup plus calme. Tout ce qui me stressait ou m’énervait avant ne me met plus dans tous mes états. Je suis très détendu quand il s’agit de parler avec l’équipe ou de préparer certaines choses. Mais dès qu’il s’agit de filmer de l’action, c’est autre chose. Je ne veux pas que le spectateur se contente de regarder l’action dans son fauteuil, je veux le mettre dans l’action, je veux que son cœur s’accélère, je veux qu’il oublie son téléphone, je veux toute son attention. Donc dès que je filme de l’action, j’essaye d’impliquer tout le monde, de les mettre dans un état d’esprit volontaire. L’action, ça prend des jours et des jours à orchestrer, donc si pendant trois mois je me promène sur le plateau en hurlant comme un malade, ça ne va pas être possible. J’essaye de me montrer plus excité et plus nerveux quand il le faut, mais le reste du temps je suis assez calme.

Iko Uwais et Peter Berg sur le tournage de 22 Miles.

Pensez-vous que votre style de mise en scène a évolué depuis vos débuts ?

De façon générale, je tourne avec trois caméras. Je laisse aussi les acteurs faire ce qu’ils veulent, je n’essaye pas de les contrôler, je vois leurs propositions pour rendre les personnages crédibles. D’une certaine façon j’essaye de faire comme John Cassavetes en visant le réalisme, c’est le premier cinéaste que j’ai aimé. Même au niveau de l’action, je préfère avoir une scène qui a l’air plus réaliste qu’un plan très soigné. Je ne veux pas tout donner au spectateur sur un plateau, je veux que ce ne soit pas forcément évident, je veux qu’il cherche à voir ce qu’il se passe. Bon parfois l’action est géniale, mais on n’a pas le coup de poing à l’écran donc on refait la scène. C’est certain qu’il faut préparer les scènes d’action plus en amont, mais j’aime bien rendre les choses imprévisibles et un poil chaotiques.

Comment approchez-vous la chorégraphie des scènes de combat ?

Vous voyez qui est Yuen Woo-ping ? (réalisateur de Drunken Master, mais aussi chorégraphe de plusieurs films comme Tigre et Dragon, Kill Bill – ndlr). J’ai eu l’occasion de le rencontrer il y a trois ans, j’ai pu passer du temps avec son équipe et ils m’ont montré des scènes de combat de centaine de films d’arts martiaux qu’ils utilisent régulièrement comme références. C’est à partir de là que j’ai eu envie de faire un film en rapport avec les arts martiaux. Puis j’ai vu The Raid et je me suis pris un sacré choc. Avec Iko, l’art martial n’est pas beau et élégant, c’est très brutal. J’aime ce genre de combats, je veux que le spectateur en ressente les coups.

Vous considérez-vous plus comme un réalisateur d’action ou un réalisateur d’acteurs ?

Vu l’action qu’il y a dans mes films, je pense principalement être un réalisateur de films d’action. Mais je travaille vraiment dur pour aller chercher l’émotion des personnages impliqués dans l’action. Je suis un grand fan de boxe, je suis propriétaire d’un gymnase de boxe en Californie et j’adore regarder des matchs. Dans un combat, c’est passionnant de s’attarder sur les combattants, les voir évoluer. Un match, c’est presque un film à lui tout seul avec une histoire, des hauts, des bas, des moments de tranquillité puis d’explosions de violence. Quand je filme un combat, je veux connaître l’histoire des personnages, l’émotion qu’ils véhiculent. Si on a deux types en train de se tirer dessus, il s’agit pour moi de trouver l’émotion et l’âme de la scène, ce n’est pas juste ‘’pan, pan, pan’’. Il y a tous les enjeux derrière que je veux qu’on ressente. Je ne sais pas si j’y arrive, mais j’essaye en tout cas.

Sur le tournage à Bogota avec les autorités de la ville.

Votre univers est très masculin, mais maintenant Hollywood met en place de plus en plus de films portés par des femmes, notamment d’actions, que pensez-vous de tout ça ?

Les femmes dominent le monde maintenant ! (rires) Quand j’ai réalisé Le Royaume en 2007, Jennifer Garner avait un sacré rôle dedans avec pas mal de scènes d’action. Pour moi, voir une femme se battre pour sa vie est aussi émouvant que de voir un homme se battre pour sa vie. Dans 22 Miles, je suis content d’avoir des femmes au caractère fort. Lauren Cohan est une sacrée badass par exemple ! Elle a une superbe scène de combat dans le film, très forte émotionnellement. On a aussi Ronda Rousey qui est impressionnante, mais qui ne se bat pas dans le film. Tout le monde s’attend à la voir se battre, je trouvais plus fascinant de lui offrir un rôle un peu différent. Il est intéressant de voir Hollywood ouvrir ses portes à de plus en plus de femmes, ça rend les choses passionnantes comme les séries réussies que sont Killing Eve ou The Handmaid’s Tale.

Qu’est-ce qui a poussé l’acteur que l’on a découvert chez Wes Craven (dans Shocker en 1989 – ndlr) à devenir réalisateur aujourd’hui ?

Je n’ai jamais voulu être acteur en fait, je m’ennuyais sur un plateau à attendre que l’on me dise quoi faire. Je passais donc mon temps à observer ce que faisaient les réalisateurs. C’était ma principale occupation sur un tournage, observer le réalisateur, lui poser des questions sur les caméras, sur l’éclairage… Même en étant acteur, toute mon attention était concentrée sur la réalisation. Pour moi être réalisateur, c’était l’objectif, le job numéro 1 à avoir. Je suis vraiment heureux d’avoir pu passer le cap. Je veux dire, j’ai aimé faire Shocker, mais je suis bien plus heureux quand je réalise.

Propos recueillis le 6 juillet 2018 à Paris.

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